Témoignage du soir :
ma fille redescend et me dit :
- je n'arrive pas à dormir
je lui ouvre mes bras, elle vient se blottir et ajoute
- le problème quand je suis chagrin c'est que je n'ose pas le dire
- tu sais que tu peux m'en parler
-à toi oui, mais aux autres
-tu sais, moi non plus, je n'ose pas avec tout le monde
-avec qui tu peux ?
je lui cite des personnes
- et tu peux avec papa, enfin maintenant tu ne peux plus
- si je peux, je lui parle souvent, sauf que je n'entends pas ses réponses, je suis allée près du grand chêne où l'on a déposé ses cendres, j'ai pleuré, je lui ai parlé puis me suis apaisée
puis j'ajoute
- tu peux peut-être en parler avec quelques copines
je lui cite à nouveau des prénoms (de ses copines)
- non pas avec celle-ci
alors je lui précise
- tu sais, elle a acheté le max et lili, où une copine a perdu son papa et en l'achetant elle a dit à ses parents, "comme ça je vais comprendre ce que vit ma copine"
- et maintenant elle comprend ?
-je pense, mais tu sais tant que l'on ne l'a pas vécu, on ne peut pas savoir vraiment
Ma fille a sangloté et a ajouté :
-moi, je savais que c'était dur de perdre son papa
puis
-pourquoi ça nous est arrivé à nous.... en sanglotant
-je ne sais pas
-si j'étais parti à vélo avec lui, il serait toujours là
...
- ou vous seriez morts tous les 2, on ne peut pas savoir, et cela aurait été encore plus difficile pour ton frère et moi
....
-alors s'il n'était pas parti du tout, il ne serait pas mort
...
- il serait peut-être mort 2 jours plus tard, on ne peut pas savoir... tu sais ma puce, moi aussi tous ces si, je me les suis posés
Je l'ai raccompagnée dans sa chambre et lui ai chanté sa berceuse préférée jusqu'à ce qu'elle tombe de sommeil
Elle a 8 ans, je la trouve si mature, si lucide, elle met des mots sur ses maux. Lorsqu'on la regarde jouer, elle respire la joie de vivre, elle est très autonome, prépare son sac lorsqu'elle dort chez une copine, (elle n'oublie jamais rien : brosse à dent, dentifrice, doudou, vêtements, pyjama.., avoir une maman cabossée (sans toutes ses fonctions cérébrales) aide à faire grandir). bon, elle est un peu trop sage, mais elle irradie.
Je pars dans tous les sens mais tant pis , j'ai envie de le dire (je crois que les mots sont revenus )
Ne pas culpabiliser de mal faire quand on est au fond du trou, lorsque on fonctionne au ralenti, lorsque la douleur est trop grande, lorsque la fatigue est constante : on fait comme on peut, c'est énorme, c'est ce que l'on traverse qui est dur, au début, on essaie d'être debout, on n'a même pas conscience du temps, le temps est étrange, étranger même, on est hors du temps, alors comment faire autrement, impossible. Et le résultat n'est vraiment pas si mal.
malgré cela, j'ai 2 enfants merveilleux qui grandissent, avec leur grande blessure sans leur papa, et qui ont eu les longs premiers mois maman, toute cabossée, et aujourd'hui, toujours maman toute cabossée, mais qui apprend à vivre avec, qui culpabilise beaucoup moins. Aujourd'hui, il est mort, j'ai intégré que le reste de ma vie se fera sans sa présence. ..enfin je crois, ou d'une façon nouvelle, ..Je digère... Je ne sais pas si je l'ai dit, mon corps a lâché, j'ai fait une énorme angine, . et là j'ai de grosses douleurs dans le dos, depuis que j'ai pris la décision de me faire arrêtée
je vous embrasse fort