JPV 29.22 Sans toi mon enfant
Debout
Au début, on n'imagine même pas que c'est possible de simplement tenir debout. On reste souvent couché, au sens propre comme au figuré. Le plus souvent, on n'a pas vraiment le choix. Il y a d'autres enfants peut-être, il faut travailler... On ne se pose pas trop la question de peur de la réponse. Certains n'ont pas vraiment d'entourage, pas de famille ou un entourage auquel se raccrocher et pourtant on le fait. Faut-il une raison pour vivre, faut-il avoir envie pour continuer ? J'ai longtemps flotté dans cet entre-deux, pas vraiment les pieds sur cette terre vide de toi et la tête dans les étoiles, avançant dans le noir, le cœur serré et gris. J'avais si mal que j'aurais tout donné pour arrêter de souffrir. Chaque journée était interminable et j'arrivais en fin de journée à bout de force. Pour autant je redoutais de m'endormir et résistais pour ne pas m'enfoncer davantage dans cette nuit totale, paniquée à l'idée qu'il y aurait un lendemain, un nouveau réveil et qu'alors je me rappellerai. Si on m'avait dit alors que je tiendrais et que bien des années plus tard, après un long chemin d'enfer, je serais à nouveau capable de. Il y a eu un avant et un après. La personne que j'étais est morte avec toi. On n'est plus jamais pareil après la perte de son enfant. Parfois, cette personne me manque, sa légèreté, sa joie simple. Je n'ai plus d'âge depuis que tu es éternel. Celle que je suis aujourd'hui n'est pas meilleure, elle est juste si différente. Ma nature n'a pas changé mais mon regard sur les choses, les gens, mes priorités totalement. J'ai pris du recul, je me sens plus seule car j'ai mon propre espace temps, mon rythme. Je m'émerveillais déjà de la rosée du matin sur les pétales de rose, de l'odeur du café ou de ce petit vent frais qui vient vous caresser l'été à la sieste. Je le vis plus intensément, tous mes sens sont en éveil avec ce sentiment d'urgence qui serait angoissant si je n'y prenais garde. J'ai décidé d'être heureuse autant que possible car je ne suis pas morte, c'est aussi simple que cela. Je suis vivante et si je le suis, alors tu l'es aussi, cela est devenu une certitude au fil du temps. J'ai fini par sentir ta présence, un souffle doux qui me porte quand je flanche et j'ai peu à peu repris confiance. Je ne dis pas que de temps en temps, je ne suis pas plus proche de la tour branlante que des piliers solides sur lesquels je m'appuie habituellement, à certaines dates, parfois sans savoir pourquoi. J'ai tellement eu du mal pour en arriver là, chaque pas aussi petit soit-il pesait une tonne. J'ignorais que l'on pouvait souffrir autant. Suis-je fière de moi ? Ce n'est pas ainsi que je l'exprimerai. J'ai dû accepter que j'en étais capable, accepter de te survivre et de mener ma propre vie pas seulement à l'ombre de ta tombe. Je pense que c'est ton amour qui m'a doucement écarté les nuages pour laisser filtrer un peu de lumière, un rayon de soleil afin de me réchauffer le cœur, que c'est la relation que j'ai appris à construire avec toi qui m'a petit à petit ramenée à la vie. Je peux dire maintenant que je vais bien et que je suis en paix, même si bien sûr je n'oublie pas et le manque physique est toujours là, plus léger mais bien réel. J'ai retrouvé l'espoir lorsque j'ai su qu'il a ton nom.
STME