APRÈS LE SUICIDE D'UN PROCHE
(d'après le livre de Christophe FAURE "Vivre le deuil et se reconstruire")
... Depuis c'est le chaos.
Que dire ? Comment nommer l'indicible ?
Aucun mot ne semble assez fort pour décrire le vide, la détresse, l'impuissance ...
Et comment trouver, jour après jour, ne serait-ce que la force de se lever et de vaquer aux activités dérisoires du quotidien ?
Quelles raisons se donner pour continuer à avancer, alors que soudain tout devient absurde ?
Est-il même possible d'imaginer reconstruire un semblant d'existence, quand ses fondements s'effondrent aussi radicalement ?
Vous le savez : rien ne sera plus jamais comme avant. Même si tout en vous s'y refuse, vous savez bien qu'il vous faut désormais vivre avec "ça" : ce poids intérieur que rien n'allège, cette souffrance lancinante qui croît sans cesse au fil du temps et qui se distille insidieusement dans chaque repli de votre cœur et de votre âme ...
Oui, peut être qu'un jour vous arriverez à aller au-delà de ce cauchemar (c'est du moins ce que les gens ne cessent de vous dire), mais la tâche semble aujourd'hui tellement difficile que vous ne pouvez que douter qu'une telle issue soit possible.
Au plus profond de votre être, vous vous interrogez : comment puis-je vivre ... comment puis-je survivre au suicide de mon compagnon, de mon parent, de mon enfant ?
... Tant de souffrances qui se vivent en silence.
Tant de questions qui restent enfouies à l'intérieur de soi, sous le poids de la culpabilité, de la colère ou du désespoir.
Tant d'impuissance aussi de la part de ceux qui tentent de les aider, car ils ne peuvent pas vraiment comprendre ce qui se passe pour eux.
... Quand on vit un tel drame, on a besoin de recevoir de l'aide de personnes qui sont passées par là : elles "savent" ; elles comprennent ...
C'est peut être par ce que vous aurez lu, écouté, travaillé sur votre propre souffrance que vous serez en mesure d'apporter une aide authentique à autrui. Ce sera une façon d'honorer, dans le secret de votre cœur, la mémoire de la personne que vous avez perdue.
Ce que vous éprouvez actuellement n'a rien d'anormal ; il y a une logique, et même une certaine cohérence, dans ce qui vous semble aujourd'hui n'être qu'un flot désordonné de souffrance.
Soyez rassuré sur le fait que vous n'êtes pas en train de perdre la tête, même si ce que vous ressentez aujourd'hui ne ressemble à rien de ce que vous avez connu auparavant et que votre entourage ne sait pas comment s'y prendre avec vous.
D'autres gens, totalement sains de corps et d'esprit, ressentent, en ce moment même les mêmes choses que vous. Ils nomment leur souffrance avec les mêmes mots que vous.
Tout comme vous, ils sont persuadés qu'ils sont en train de devenir fous et que personne - vraiment personne - ne pourra jamais les comprendre. Sachez-le : vous n'êtes pas seul ...
Enfin, pour ceux qui penseraient au suicide pour eux-mêmes et qui s'interrogeraient sur le devenir de leurs proches, après leur acte.
Sachez que votre suicide potentiel restera toujours - et à tout jamais - une tragédie pour vos proches. Ils resteront blessés par votre geste. Si vous songez à mettre un terme à votre vie, ne restez pas sans aide, même si vous êtes persuadé que plus rien ne peut vous aider.
Comme l'a dit une mère après le suicide de son fils :
"ça a peut être été un soulagement pour lui, mais pour nous,
ça été le début de l'enfer ! "