Mon fil était parti très loin, en page 2. Je le reprends pour parler d'une émission de radio qui m'a vraiment plu. Le titre qui n'apparaît pas dans le lien : le deuil autrement.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-ete-comme-jamais/l-ete-comme-jamais-15-juillet-2020Les trois intervenantes sont très bien, chacune à sa façon ;
Taous Merakchi a fait un podcast :
https://www.nouvellesecoutes.fr/mortel/Vinciane Despret a écrit Au bonheur des morts, Récits de ceux qui restent
https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Au_bonheur_des_morts-9782359251258.htmlAnne Pauly a écrit Avant que j'oublie, sur la mort de son père, prix du livre Inter 2020
Je livre ces ressources sans les avoir lues ou écoutées, à découvrir selon les envies de chacun.e
J'ai apprécié que certaines idées reçues sur le deuil soient remises en question. Les histoires de durée, d'étapes, c'est très relatif. Une hypnothérapeute m'a dit un jour "Le deuil, c'est deux ans, au-delà c'est pathologique". Je n'ai pas osé demander, mais j'ai pensé très fort "Ah bon, je vais me réveiller le 16 février 2021 et crier youpi, c'est fini ?"
Allons donc !
Extraits de la page de l'émissionLes théories autours du deuil (ce qu'on peut ou pas faire, dans quel ordre, etc) changent
Vinciane Despret : "Les choses bougent depuis quelques années. Il y a des recherches qui ont commencé en Angleterre : certains thérapeutes ont fini par dire que, contrairement à ce qu'on a toujours cru, le fait que les gens continuent à avoir des liens, à entretenir une conversation avec les disparus, continuent à sentir leurs présences, n'est pas du tout pathologique, n'est pas du tout un déni de deuil, mais serait plutôt, au contraire, une expérience tout à fait normale".
Vinciane Despret : "La théorie des étapes du deuil (le déni, puis la colère, l'agression, etc.) n'existe pas :
premièrement, certains thérapeutes remarquent que les gens ne font pas du tout les choses dans l'ordre,
et deuxièmement, certaines étapes peuvent se prolonger indéfiniment - donc, la notion même d'étapes ne vaut plus"
Taous Merakchi : "A la mort de mon père, je me suis retrouvée dans une phase de dépression profonde qui a duré plus d'un an et demi. Au bout de six mois, je me suis dit : "Mais en fait, pourquoi je suis pas encore remise? Ce n'est pas normal". Je sentais bien aussi la lassitude de mes proches autour de moi qui commençaient à en avoir marre que je sois sans arrêt 'par terre', sans arrêt triste, parce que la vie continue pour les autres personnes. Sauf qu'en fait, un deuil, ça peut être extrêmement long."
Anne Pauly : "La durée du deuil, c'est compliqué. Dans le podcast Mortel, un psychiatre parle à ce sujet et dit que c'est deux ans à peu près. Mais qui se souvient que vous avez perdu vos parents deux ans après ? Personne. C'est le moment où on est dans le creux de la vague et où toute manifestation d'affection est évidemment bienvenue".
La place des amis dans l'accompagnement d'un deuilTaous Merakchi : "Les gens ont leur vie et le deuil est une expérience vraiment solitaire, finalement. Donc, les gens sont d'accord pour vous emmener faire un tour à la mer - d'accord, une fois, aller ensemble faire une promenade au parc, mais après, chacun retourne à sa vie. Ils n'ont pas la disponibilité, tout simplement pour absorber la douleur de l'autre.
Vinciane Despret : "La manière dont les gens se comportent après la perte va faire parfois des tris terribles entre ceux qui sont vraiment des amis, ceux qui ne le seront peut être plus, ceux qui le deviendront [...] Ce sont des moments qui sont tellement bouleversants, où toute la réalité est tellement déstabilisée ou on père ses repères, où on crée de nouveaux repères aussi... Ce sont des moments où les choses vont avoir une importance qu'elles n'ont jamais eu auparavant. Et donc, en effet, peuvent se jouer des choses comme des liens d'amitié nouveaux ou l'effritement d'anciens liens d'amitié, simplement parce que parce que la personne n'a pas été là comme il fallait. "
Il y a aussi des mots gentils, comme cette lettre évoquée par Anne Pauly dans son roman :
On n'oublie jamais. On apprivoise le manque avec les moyens propres à chacun.
Le rôle des cérémonies d'hommageVinciane Despret : "Magali Molinié est une psychologue qui a écrit un très beau livre, Soigner les morts pour guérir les vivants. Elle y décrit, à un moment donné, les cérémonies d'hommage. Qu'est ce qu'on y fait ? On s'adresse aux défunts et on les décrit. "Tu te souviens quand tu as fait ceci, tu nous as bien fait rire"... Elle explique que dans la cérémonie d'hommage, quand on se met à parler du défunt, parfois même comme s'il était là, c'est qu'en fait, on va le redécouvrir. Chacun va apporter des descriptions qui font que l'on va connaître une partie de la personne qu'on ne connaissait pas nécessairement
La perte d'un proche, une expérience intérieureVinciane Despret : "On fait connaissance avec un nouveau soi-même. La plupart des pertes sont dues à des bouleversements et donc on va se retrouver en effet parfois avec une personne très étranges. On peut faire des choses qui sont hors du commun et parce que la situation est hors du commun.
C'est toute la réalité qui est bouleversée. La perte de quelqu'un, c'est un pan de la réalité qui s'affaisse et on reconstruit comme on peut.