Bonjour à toutes et tous,
Voilà je me lance après vous avoir lus un peu, être passée, revenue.
J'ai 45 ans et il y a 4 mois j'avais une belle vie sans encombre avec mon mari Christophe qui avait 51 ans. Nous étions mariés depuis 22 ans, ensemble depuis 27, depuis toujours en fait.
La nuit lorsqu'il ne dormait pas il avait pris l'habitude d'aller regarder des documentaires sur son ordi au bureau pour ne pas me réveiller (j'ai le sommeil très léger). Le 4 décembre le matin, l'alarme son téléphone sonnait en boucle et un de mes fils (de 15 ans) et moi l'avons trouvé mort. Il y avait du chocolat sur la table, il avait sa cigarette électronique dans la main, son coeur s'était arrêté. Il avait eu des antécédents mais rien ne laissait présager cela. Il n'a rien senti venir, n'a pas eu le temps de m'appeler, je me console en me disant qu'il n'a rien réalisé.
Le choc.
Nous avons 5 enfants, 4 à nous de 21 à 10 ans et un jeune mineur étranger non accompagné que nous élevons depuis 2 ans et demi qui nous est confié par l'ASE.
Vous imaginez la scène, les hurlements, la police, les pompiers, le samu. Devant moi 3 de mes enfants (l'un était déjà parti au lycée et ma fille était à Paris où elle étudie) je me suis mise en mode survie et louve pour mes petits.
Je ne cesse de me repasser cette scène dans ma tête, ça tourne tout le temps, particulièrement le soir évidemment.
Nous sommes très soudés, très entourés, amis et famille ont été là de suite et sont toujours là. Je crois que je suis forte, je ne me suis pas effondrée, mes enfants sont très forts aussi je trouve et on se tire vers le haut tous. C'est important pour nous car nous avons toujours été de grands optimistes, nous aimons la vie, et voulons continuer à l'aimer même si elle nous a fait un très très sale coup. Nous avons toujours eu mille projets, rempli notre vie d'aventure et d'amis (nous avons passé 2 ans autour du monde dan s un camping-car avec tous nos enfants notamment).
N'empêche que le jeudi soir on avait une vie normale, j'avais eu une semaine folle je suis rentrée tard, on s'est engueulé pour une histoire de devoir de SVT de notre troisième, puis on a rigolé, on avait des projets sympa pour le we. Le vendredi était le seul jour où je commençais tard, heureusement. Heureusement heureusement que j'étais là. Bref, nous avions une très belle vie et le samedi matin j'étais aux pompes funèbres et préparais son enterrement. D'ailleurs ça a été magnifique, exactement comme nous le souhaitions, nos amis ont joué de la musique nous avons chanté l'Auvergnat, l'herbe tendre, les enfants ont porté son cercueil avec mes frères, et les copains avaient aussi organisé une retransmission vidéo délirante pour tous les absents (covid oblige). Alors que c'était le déluge depuis une semaine, nous avons eu un rayon de soleil au cimetière puis le soleil pour le pot que nous avons fait ensuite. ça a été très très fort.
J'ai pu reprendre le boulot assez vite car j'en ressentais le besoin et je dois dire, même si je ne sais pas comment j'ai tenu et que ça a parfois été très difficile, que ça m'a fait beaucoup de bien (je suis prof en prépa et les jeunes ont une telle force de vivre - ps : c'est un des thème sur lesquels j'ai travaillé et ça m'a aussi aidée).
Mais voilà, même si je me sens aujourd'hui dans un état plus serein, la douleur est toujours là, le traumatisme un peu moins, mais j'imagine que la douleur sera là très longtemps. Ce qui est fou je trouve c'est que pas une seconde j'oublie qu'il est mort, c'est gravé en moi et c'est comme une double voix à tout ce que je fais et vis. Il me manque à chaque instant évidemment.
Notre vie a basculé, je pensais pouvoir préserver mes enfants et les voilà privés de leur père, mon dernier est encore au primaire. Je suis maintenant seule pour élever tout ce petit monde et les couvrir d'amour puisqu'il leur en manquera toujours un morceau désormais.
Il y a un an nous avions attendu la nuit pour aller cacher des oeufs dans le jardin de mes parents (qui vivent tout près, ouf d'ailleurs) avec Christophe et les enfants, histoire de leur faire une jolie blague pour pâques puisqu'ils étaient très confinés. On avait bien ri. Demain nous fêterons pâques chez mes parents avec mes frères et neveux, ces moments en famille sont toujours très difficiles. C'est là qu'il me manque le plus.
J'ai beaucoup d'amis, des vrais. Des repas nous sont livrés toutes les semaines (c'était tous les repas pendant un mois, tous nos amis se sont organisés), au début des amis dormaient dans le salon à ma demande, tous les vendredis nous allumons le feu et la musique à 18h, et des amis viennent apportant à boire et à manger. Il est mort un vendredi, nous avons besoin de monde le vendredi. C'est devenu un très bon moment de la semaine, puisque chaque semaine terminée est une petite victoire. Je peux donc me confier mais je veux éviter de m'effondrer et surtout devant les enfants. Et peu de gens autour de moi ont vécu ce que je vis donc je pense que je vais avoir besoin de vous. Et j'espère pouvoir vous aider aussi parfois.
Excusez-moi si j'ai été longue, je suis très bavarde.
Thérèse