Si seulement c'était tout.
Si seulement il suffisait, déjà maintenant, de déjeuner en paix.
De considérer orgueil, luxure, jalousie, paresse, gourmandise, envie, avarice, comme des "péchés" et non comme des souffrances.
De se réjouir de "l'amour convivial", entre gens bien.
De considérer le suicide comme une fatalité provoquée par une maladie ou comme un simple choix dû à l'impuissance.
S'en aller dans l'amour, s'en aller ...
Je suis une personne pleine de merde, dégoulinante de merde.
Non, je ne prendrai pas le bain de l'hypocrisie pour rassurer ou m'amender.
Je m'accuse, je ne me confesse pas.
Je devrais demander quoi, pardon, à qui, pour être lavée par ce pardon ?
Qu'on me laisse dans la faute avec tous les fautifs, et surtout, surtout, qu'on ne me pardonne pas ...
"Les maîtres montrent aux enfants
Une lumière merveilleuse qui vient de la montagne;
mais ce qui arrive, c'est un ramassis de cloaques
où crient les nymphes obscures du choléra.
Les maîtres désignent avec dévotion les énormes coupoles encensées,
mais sous les yeux des statues il n'y a pas d'amour,
il n'y a pas d'amour sous les yeux de cristal définitif.
L'amour, il est dans les chairs déchirées par la soif,
dans la petite cabane qui lutte contre l'inondation;
l'amour, il est dans les fossés où luttent les serpents de la faim,
dans la triste mer qui berce les cadavres des mouettes
et dans l'obscur baiser poignant sous l'oreiller.
Mais le vieillard aux mains translucides dira: amour, amour, amour,
acclamé par des millions de moribonds;
il dira: amour, amour, amour,
parmi le brocart frémissant de tendresse;
il dira PAIX, PAIX, PAIX,
parmi le tremblement des couteaux et les melons de dynamite;
il dira: amour, amour, amour,
jusqu'à ce que ses lèvres deviennent d'argent.
Mais en attendant, OUI, en attendant,
les Noirs qui enlèvent les crachoirs,
les garçons qui tremblent sous la terreur blême des directeurs,
les femmes noyées dans les huiles minérales,
la foule au violon, au marteau, au nuage,
devra crier même si on lui écrase la cervelle contre le mur,
devra crier face aux coupoles,
devra crier folle de feu,
devra crier folle de neige,
devra crier la tête pleine d'excréments,
devra crier comme toutes les nuits réunies,
devra crier d'une voix si déchirée,
jusqu'à ce que les villes tremblent comme des petites filles
et brisent les prisons de l'huile et de la musique,
parce que nous voulons notre pain de chaque jour,
fleur d'alisier et constante tendresse égrenée,
parce que nous voulons que s'accomplisse la volonté de la Terre
qui donne ses fruits pour tous."
F. Garcia Lorca, mon meilleur ami, mon Don Quichotte, toujours là pour me dire "bats-toi pour moi"