Je suis retournée hier au CMP. Je n'y étais pas allée depuis un mois.
Ce fut donc un retour en arrière à la fois terrible et intéressant.
Me sont revenus en rafales les souvenirs de mes premiers RV, juste après l'apocalypse.
Beaucoup de chemin parcouru en presque 4 mois.
Je me revois, explosée psychiquement et physiquement, persuadée que j'étais morte, ou que ça n'allait pas tarder.
Hébétée, sidérée, en état de choc., hors réalité.
Les semaines passant, c'est la lourdeur du chagrin et de la culpabilité, la certitude que j'allais mettre fin à mes jours qui ont pris le relais.
Je me disais : "Je tiens parce que je peux décider de le rejoindre quand je veux."
Je ne passais pas à l'acte parce qq chose en moi, une force inconsciente, me poussait à attendre le lendemain.
Je revois les cauchemars, les crises de larmes douloureuses, l'inquiétude de mes proches, et moi qui ne pense qu'à lui.
Qui pense : "Je ne vous écoute pas, je m'en fous de vous, c'est lui que je veux."
Même mon amour pour mes enfants ne me semblait pas suffisant pour rester en vie. Les soulager d'une mère coupable et complètement déglinguée était le mieux que je pouvais faire.
Déglinguée, c'est le mot juste.
Et puis... j'ai trouvé des personnes à qui m'accrocher avec la force du désespoir.
Lâchée par les pseudo-amis, j'ai trouvé auprès de ma famille, mes collègues, un appui solide et bienveillant.
J'ai trouvé ce forum. J'ai trouvé une façon de revenir dans le monde.
J'ai trouvé des professionnels qui m'ont écoutée.
Raconter mon histoire fut à la fois libérateur et très difficile. Parler de la violence, de ma culpabilité...
Il en a fallu de la force.
Il a fallu de la force aussi pour se lever le matin, pour s'occuper de la maison, pour reprendre le travail, pour faire semblant, pour se protéger.
Il a fallu de la force pour tout. Ne serait-que pour rester en vie sans savoir pourquoi.
On croit que pour vivre, il suffit de se laisser porter par le courant.
Mais quand on perd celui qu'on aime, survivre est un combat contre soi-même.
Le deuil est un travail à temps plein. On ne compte pas ses heures.
On ne compte pas les coups, les K.O., les moments d'angoisse et de désespoir.
J'ai encore beaucoup de route à faire, je le sais.
Je suis qqun de tout à fait ordinaire, sans prédisposition pour la survie. Et j''ai tenu 4 mois. J'ai réussi à rester en vie, moi aussi, et j'en suis fière.