Je pense à lui. Je regrette. Je m'en veux. Je ne peux pas me pardonner.
Il était malade, je n'ai rien compris. Ce que je lui reprochais, les limites qu'il dépassait, n'étaient que des symptômes.
On dirait bien que j'ai tiré sur l'ambulance.
Quand je repense à toutes les disputes que je provoquais, j'ai envie de hurler.
Il allait très mal et moi je lui gueulais dessus pour le secouer. Joli, non ?
Vivre avec ça ? Comment dire... C'est impossible.
petite séance de footing avant de partir au boulot (chacun son tour) :
Petits étirements musculaires pour se décontracter : mon histoire avec mon conjoint a été très belle et je suis sincèrement et profondément fière et heureuse de ce qu'on a construit tous les deux
Accélération de la respiration et du rythme cardiaque : je dois admettre que mon conjoint avait une très grande souffrance psychologique dont je ne suis pas reponsable
Légère accélération, on déroule les jambes : on ne peut pas tout pour l'être aimé. Chacun reste maître de sa vie et conserve son jardin secret, sa part de mystère. Je dois prendre en compte son parcours de vie et accepter que ses actes ne sont pas gouvernés uniquement en réaction à ma seule et unique personne.
Le corps commence à se dégourdir : la disparition de mon conjoint ne remet pas en cause l'amour que je lui porte.
On garde le buste bien droit et on regarde droit devant : JE M'AIME.
Je conserve et suis attentive à ma foulée : En mon for intérieur, je sais que je ne vacillerai pas car j'ai la certitude d'être une bonne personne et que toutes mes actions ont toujours été guidées dans ma vie par la sincérité et le sens des valeurs.
Je reste lucide pendant ma course et ai conscience de mes limites pysiques : je dois prendre en compte ma souffrance, mon statut de victime. Je ne peux humainement faire reposer la vie de mon conjoint sur mes seules épaules. Cela serait injuste et bien trop lourd.
Je tente une accélération : même si cela est difficile parfois, je m'accroche et j'ai conscience du chemin parcouru, de ma progression. Je suis fière de moi.
Je sprinte car au bout du chemin il y a ma vie, il y a la ligne d'arrivée, il y a mon futur, ll y a mes enfants que j'aime et qui m'aime. J'ai mes amis et plein de belles rencontres à faire, de beaux lieux à admirer.
Mon pouls s'accélère mais je tiens bon : j'ai connu une terrible épreuve, cette salope de culpabilité me rattrappe parfois, mais je lui ferai la peau. Je dois apprendre à faire la part des choses et a être juste avec moi même.
J'ai atteint la ligne d'arrivée : je suis satisfaite. Je peux décélerer doucement, avec douceur. Je prends soin de moi car j'ai été blessée et que j'ai besoin de me reconstruire à mon rythme.