L’orage va éclater. Les gens voudraient que je meure. Ça commence à bien faire cette agonie qui n’en finit pas. Moi aussi j’aimerais mourir vite. Il n’est pas dans mon pouvoir de précipiter ce trépas.
Le ciel se déchire, éclair, tonnerre, averse. La foule se disperse, mécontente, encore heureux que c’était gratuit, il n’est même pas mort, il ne s’est rien passé.
Je n’ai pas la force de tendre la langue pour attraper la pluie, mais elle mouille mes lèvres, et j’éprouve la joie sans nom de respirer encore une fois le meilleur parfum du monde qui portera un jour le beau nom de pétrichor.
Madeleine est toujours là, devant moi, la mort sera parfaite, il pleut et j’ai les yeux dans ceux de la femme que j’aime.
Voici venu le grand instant. La souffrance disparaît, mon cœur se desserre comme une mâchoire et reçois une charge d’amour qui dépasse tout, c’est au-delà du plaisir, tout s’ouvre à l’infini, il n’y a pas de limites à ce sentiment de délivrance, le fleur de la mort n’en finit pas d’épanouir sa corolle.
L’aventure commence. Je ne dis pas : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Je l’ai pensé beaucoup plus tôt, mais là je ne le pense pas, je ne pense rien, j’ai mieux à faire. Mes dernières paroles ont été : « J’ai soif .»
Il m’est donné d’entrer dans l’autre monde sans rien quitter. C’est un départ sans séparation. Je ne suis pas arraché à Madeleine.
J’emporte son amour là où tout débute.
« Soif » Amélie NOTHOMB