Je pense que chacun est différent, que tout dépend de ce qu'on a vécu, que tout dépend du travail que l'on fait.
Je crois que tu as raison : la reprise du travail est très positive pour ceux qui aimaient avec passion leur travail (je prends des exemples certes extrême : le pianiste professionnel, l'architecte de renom, le cuisinier d'un bon restaurant...), ceux que le travail stimule pour diverses raisons (le contact avec les autres, le bon stress, le fait de faire marcher son cerveau, le fait d'aider les autres, le fait d'être utile, le fait d'être un grand professionnel comme un artisan etc...). C'est aussi positif pour "reprendre une vie sociale".
Néanmoins, un traumatisme aussi horrible qu'un décès peut amener à modifier radicalement notre perception du monde.
Concrètement, traiter des dossiers administratifs dont tout le monde se fout et qui ne servent à rien d'autre qu'à alimenter un système un peu dingue car sur-réglementé, trop complexe, passer son temps sur un logiciel, je me demande à quoi cela sert.
Oui je sais, il s'agit là de questions existentielles qu'on se pose normalement à 17 ans et après on se fonde dans le moule parce que c'est la vie. Parce qu'on a une vie.
Mais quand on croise le chemin de la mort de très près alors que ce n'était pas du tout dans l'ordre des choses, on ne peut plus employer l'expression "parce que c'est la vie" de façon un peu désinvolte.
Et quand notre vie est justement dévastée par un cataclysme, on ne peut pas forcément reprendre les choses là où elles en étaient.
On devient pour certains je suppose une personne radicalement différente.
Ensuite, il y a ce que sont devenues les capacités intellectuelles, l'énergie, la gestion de l'humeur (du stress, de la colère)...
Un traumatisme peut aussi je suppose affecter largement la personne que l'on était.
Je suis devenu un étranger pour moi-même, je stresse pour un rien (stress qui se transforme en terreur et en nausées), je m'endors à 3 voire 5 heures du matin (je revois ma femme mourir soudainement etc) ceci malgré l’absorption de médicaments puissants, mes capacités intellectuelles sont largement diminuées et évidemment ça ne m'arrange pas pour le travail.
Sans vouloir me faire plaindre, d'ailleurs je reste discret au travail, c'est juste pour expliquer que c'est quand même très difficile à gérer pour la reprise du boulot. Je me sens très très diminué, je suis très anxieux et je le vis très mal (bêh tu m'étonnes, se retrouver avec la nausée au moindre stress c'est pas de tout repos). Ce n'est pas que le travail ce sont toutes les situations stressantes, je précise, mais en dehors du travail je les évite tout simplement le plus possible histoire de ne pas taper sur la tronche du type qui m'agace trop ou d'être terrifié par je ne sais quoi.
Encore une fois, ce n'est pas pour me faire plaindre, sur d'autres plans j'ai évolué positivement dans mon "chemin de deuil", mais pas sur tout, pas sur le plan de certaines émotions, alors j'essaye de chercher des solutions au travers des expériences de chacun et partout où je pourrais en trouver (car je cherche et je ne trouve pas, je cale depuis des mois).
Je regardais un peu comment les gens s'en sortaient avec le travail et ce qu'ils avaient trouvé eux comme solution car je crois que pour que les choses s'améliorent il faut agir, ne pas rester passif, ça ne tombe pas du ciel (mais que faire
).