Voilà un peu plus de deux ans que j'ai perdu mon épouse.
Je ne suis passé sur le forum qu'en dilettante.
Comme beaucoup, j'ai des choses que je voudrais lui dire, mais j'ai choisi de le faire directement. Comme toutes et tous j'ai eu des hauts et des bas ainsi que des états d'âme. Je n'ai donc pas été particulièrement actif pendant ces deux années, j'ai engagé des projets personnels importants, j'ai peint.
J'ai repris le travail il y a quelques mois.
Et sur ce point, ça ne va pas du tout.
J'ai le sentiment de faire quelque chose de complètement inutile, insignifiant, voire de stupide (pas intellectuellement parlant mais sur la finalité du travail que je fais, bouffé aujourd'hui par des logiciels informatiques). J'en suis même arrivé à me demander comment est-il possible qu'on ne se révolte pas contre ces putains de logiciels, de règlements, de toutes ces choses qui étriquent l'esprit. Je me demande comment font les collègues pour ne pas voir que ce qu'ils font, ça ne sert à rien.
J'ai en plus des problèmes de mémoire et de concentration.
Je ne supporte plus du tout le stress qui se transforme en terreur (malgré moi, même si l'objet du stress est anodin).
Je n'apprécie plus les contacts humains à parler de la pluie et du beau temps au café par exemple, je déteste ces conneries de réunions faites pour occuper les gens ou certains semblent pourtant beaucoup s'amuser. J'ai l'impression que ces réunions sont des pièces de théâtre avec des gens qui parlent et qui ne servent à rien.
On m'a dit que ça me ferait du bien le travail, moi je trouve que ça me fait du mal.
J'ai des préoccupations désormais trop décalés par rapport à mes collègues.
Je me suis par ailleurs engagé comme je disais sur des projets personnels importants et motivants, et je pense que j'avance malgré la douleur et le deuil toujours présents, que j'ai déjà bien engagé certains de ces projets, mais pour le boulot... c'est très alimentaire et ça me tire vers le bas, disons le franchement.
Aujourd'hui, j'en suis donc arrivé à cette réflexion :
il faut pouvoir vivre avec la douleur de la perte de l'être aimé et de tout ce qui est arrivé, ou mourir (sombrer), on y arrive tant bien que mal.
Pour certains, le travail est sans doute un échappatoire s il est motivant.
Comment faire lorsque ce n'est pas le cas ?
Au-delà du travail, la même question se pose pour la vie en société toute entière. Faut-il à tous prix vouloir s'y insérer "comme avant" ou est-ce une grossière erreur et faut-il faire avec ce qu'on est devenu ?
On voudrait que nous reprenions une vie "normale", ce que j'ai essayé de faire, mais j'en arrive à me demander si c'est vraiment possible.
Est-ce que ce n'est pas une erreur ?
Je me dis que concrètement, je devrais changer de métier pour me consacrer à des choses plus concrètes mais soyons réaliste, c'est beaucoup d'énergie (que je n'ai plus) et ce peut être financièrement un suicide surtout que je n'ai plus 20 ans.
Je ne sais plus quoi faire et personne autour de moi n'a la réponse. Je cherche, je veux bien combattre mais comment ?
Des professionnels m'ont aidé sur le plan psychologique et cela a été bénéfique (il y a le deuil et je souffre de stress post-traumatique), mais maintenant il s'agit de vivre au mieux dans la société et je ne vois pas trop comment faire. Je me sens bloqué.
Je réfléchis, je réfléchis, mais je ne vois pas quoi faire.
Bien sûr, je me concentre sur mes projets personnels, mais je fais plusieurs pas en arrière à chaque fois que je suis dans la société "normale" ou dans le travail et je rentre en me demandant ce que je fous là. Sur le long terme, j'ai peur que l'équilibre que j'ai réussi à trouver en vivant avec ma souffrance et mon deuil ne soit rompu par le quotidien.
Il y a des aides psychologiques que j'ai trouvé efficaces pour les gens qui ont vécu un drame ou un traumatisme, mais après j'ai le sentiment qu'il faut se démerder et qu'il n'y a pas grand chose pour nous aiguiller.
Voilà, je ne sais pas si certains ont trouvé des solutions ou s'il y en a d'autres dans la même situation.