je viens de lire l'histoire de Bebe. Et j'en pleure. tant de similitude dans nos parcours aussi. Le combat le plus difficile a duré plus d'un an, où mon homme est devenu complètement dépendant de moi, des infirmières, et du respirateur. la morphine qu'il prenait quelquefois à plus haute dose ne faisait plus rien. Il n'était que souffrance bien que toujours lucide. Le médecin qui le suivait, lui avait proposé de rester à la clinique pour être soigné comme il faut, mais il n'a pas voulu, préférant rester auprès de moi, sans que j'ai à faire 80 kms chaque soir pour aller le voir. Etre accompagnant est la pire des choses qui puisse arriver à un conjoint. A chaque fois qu'on me disait que j'étais forte pour m'occuper de lui toujours, de jour comme de nuit, je leur répondais que je l'aimais et que c'était normal pour moi de m'occuper de lui. C'était difficile car on ne se prépare pas à tous ces gestes - faire la toilette, ça ce n'est pas compliqué, mais l'aider à faire ses besoins, le déplacer dans le lève-malade, et devoir nettoyer car il ne se sentait plus et ça coulait à côté - ça , je ne m'y étais pas préparée. Pour vous donner un ordre d'idée, il pesait ( malgré la maladie) 145 kg et mesurait 1.86m. Moi, je ne mesure que 1.53 m, et pas trop lourde. J'y laisse mes épaule et mon dos. le déplacer avec le fauteuil roulant, pareil, trop compliqué. Mais comme je l'aimais, je l'ai fait et je répète, ce n'est pas héroïque de s'occuper de celui qu'on aime. La fatigue s'ajoutait à ça. Je partais au travail avec la boule au ventre. je rentrais pour manger avec lui et le faire manger. A la fin, il ne mangeais plus. pourtant je lui achetais et préparais tout ce qui lui faisait envie, mais plus rien ne passait. Début mai, il m'a dit de me préparer à son départ. je ne voulais pas, pourtant je voyais bien que ça n'allait plus du tout. Le 3 mai, je l'ai emmené à la clinique. NOus avons mis 1h30 pour faire 45 kms, nous arrêtant tous les 2/3 kms car il souffrait tant. Arrivés à la clinique, nous l'avons emmené dans le service oncologique qui l'attendait, et la première chose qu'il a dite à la docteresse qui le suivait : " vous regardez ce qui ne va pas et je rentre vendredi soir pour le mariage de mon grand" Elle lui a dit "oui" et là, ils étaient 7 ou 8 pour le mettre dans le lit, et ils ont mis 45 mn. Et là, il s'est senti bien, alors qu'il ne dormait plus dans un lit depuis deux ans. Elle l'a rassuré, lui a dit qu'il serait tout beau pour le mariage de son fils.
Je suis restée près de lui tout l'après midi. IL voulait du jus d'orange, du vrai, mais n'est pas arrivé à le boire même avec une paille. En clinique, les visites ne se font que l'après midi. le matin je préparais la fête du mariage, et le tantôt j'étais avec lui. le jeudi, il s'est "vidé" comme a dit l'hématologue, et il a fait comprendre qu'il ne pourrait pas aller au mariage, car ses forces, enfin le peu qui restaient, l'avaient abandonné. Tous les médicaments avaient été arrêté sauf la morphine qui était en pompe à côté de lui. le toucher lui faisait mal, alors je gardais sa main dans la mienne. le vendredi quand je suis arrivé, il ne parlait plus. La télé qu'il regardait en boucle depuis des années, avait été éteinte. Quand j'ai demandé à l'infirmière si le docteur allait passer, elle m'a dit qu'elle était avec mon fils ainé (celui qui se mariait le lendemain) et qu'elle m'attendait. J'ai dit que je venais. Christophe a retenu ma main, il savait ce qu'elle allait me dire, puisque c'était ce qu'il lui avait demandé.
Elle avait attendu que j'arrive pour nous dire qu'il ne voulait plus souffrir, qu'il voulait dormir et en finir. IL voulait voir ses fils avant. J'ai crié que je ne voulais pas . Il a fallu que mon plus jeune revienne plus vite que prévu de Bordeaux.
Je suis retournée près de lui. Il était complètement étourdi par la morphine. Je pleurais en silence pour qu'il ne m'entende pas, en sachant que c'était fini. Je suis repartie chez moi. Pas le choix avec les invités qui arrivaient. Si j'avais su qu'il partirait le soir du mariage, je serai restée avec lui à la clinique toute la nuit. Une dernière nuit ..... Je lui ai dit en l'embrassant sur son front dégarni que j'aimais tant, qu'il n'oublie jamais que je l'aimais.
Les garçons sont allés le voir le samedi matin. Ils lui tenaient doucement les mains mais c'était extrèmement douloureux pour lui ce contact, il leur a montré son alliance en leur faisant promettre de rester unis auprès de moi. ETR que quoiqu'il arrive il fallait continuer et faire la noce. IL a attendu que les enfants soient mariés et que les verres soient levés en honneur des jeunes, pour partir. Il ne m'a pas attendue. je voulais être avec lui qu'il ne parte pas tout seul. J'attendais que ce vin d'honneur soit fini pour aller lui montrer les photos, mais c'était trop tard.
Désolée de vous raconter sa fin. Etre accompagnant est difficile et fatiguant (au bout de 18 mois je ne suis plus fatiguée, ça a été long), mais le perdre a été aussi un soulagement de par ses douleurs qui devenaient trop inhumaines . On se dit, il ne souffre plus. Et moi, je souffre toujours de son absence. Et ces mois de novembre et décembre sont difficiles : début de sa maladie, puis date de sa greffe de moelle, et son anniversaire le 31 décembre.
Je vais me coucher. je vous souhaite une douce nuit.
Béatrice