Auteur Sujet: Je ne pourrai plus jamais aimer...  (Lu 7382 fois)

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Soledad

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Je ne pourrai plus jamais aimer...
« le: 08 octobre 2011 à 09:22:58 »
Bonsoir tout le monde,

Je veux simplement partager une certitude qui m'est apparu cette semaine et avec plus de forces aujourd'hui... je ne pourrai plus jamais aimer d'un amour tel que j'ai aimé mon conjoint qui est décédé il y a presque deux ans maintenant (le 24 novembre 2009).

Je n'ai que 37 ans, c'est ce que tout le monde me dit... tu rencontreras quelqu'un d'autre... MAIS NON!!! Je ne rencontre pas personne d'autre...

J'ai bien mes besoins d'être humaine, mais je ne suis pas arrivée à aimer personne d'autre après lui...

Je ne suis pas normale... je devrais tourner la page... quelle page??? Je ne suis pas fermée, mais qui pourrait égaler l'amour de l'amour de ma vie que j'ai perdu si absurdement d'un cancer? Qui pourrait égaler cette complicité totale qu'il y avait entre lui et moi?  Qui pourrait jamais prendre sa place dans ma vie?

Un amour si profond, si vrai, si complet, si complice...??? On n'a pas choisi de se séparer. On s'aimait, profondément. Lui et moi. La seule fois que je l'ai vu pleurer, après l'annonce de sa mort imminente, qu'il prenait avec une surprenante sérénité,  c'est lorsqu'il a exprimé la terrible douleur qu'il aurait à devoir me quitter...  Le quotidien était une fête, chaque jour. Nos idées correspondaient...  nos espoirs et nos efforts pour un monde meilleurs, plus juste, plus humain, plus égalitaire. Nos engagements sociaux et politiques. Nos amitiés, nos lectures, nos efforts, nos engagements envers notre communauté ...

Tu es jeune, tu referas ta vie, tu dois tourner la page... quelles absurdités! Je crois que peu de fois dans la vie, ou une seule fois peut-être, on rencontre un être avec qui les affinités, les engagements et les affects et l'amour sont si profonds, si vrais, si sans entraves, si... complets. Avec lui,  je vais passer le reste de ma vie!!! Je le sens et il le sent, je le veux et il le veut... on va pouvoir accomplir de grandes choses ensemble. Lui et moi, on est plus que deux !!! (Feu Mario Benedetti, parce qu'ils sont tous morts peu après... Cristina Bottineli, Mercedes Sosa, Carlos Montemayor, Carlos Monsiveis, José Saramago, y tantos mas... ) Cette fois si! Je suis arrivée chez moi, je me sens chez moi et lui chez lui, à bon port!!! C'est presque un miracle que ça nous arrive!... et deux ans après tombe le verdict final: il va mourir, tu vas devoir continuer à vivre la vie sans lui... Comment???!!! On me fait un cadeau, un don du ciel, un miracle!  et après, si vite, on me l'enlève... Comment est-ce que je devrais continuer à vivre après lui?

J'ai vécu les derniers mois avec lui sans que ne m'importe plus rien au monde ( Ni mes études récemment ré-entreprises, ni mes engagements sociaux??!!) J'en ai pris soins comme d'un trésor... car il était mon trésor... Tout ce que j'ai pu faire pour lui, je l'ai fait et je crois que c'est la meilleurs chose que j'ai pu faire dans toute ma vie... J'ai été témoins, et j'en remercie le ciel, de ses dernières respirations... et après quoi? Il est mort à minuit et une le 24 novembre 2009 à l'unité de soins palliatifs (nous avons eu la chance d'avoir accès à ces soins extraordinaires et dont je ne pourrai jamais assez remercier la chaleur et l'attention et les soins, dans la ville de Québec...). J'ai passé la nuit étendue près de lui, jusqu'à ce qu'on vienne le chercher au petit matin, l'odeur de la mort avait déjà envahie la chambre mais c'était mon amour, cela m'importait peu... et que le médecin ait dit à ma mère, infirmière depuis toujours dans cet hôpital, à l'urgence, on va venir le chercher et le mettre dans un  sac en plastique, amène ta fille pour qu'elle ne voit pas ça...

Et après quoi? J'ai du ramasser ses vêtements, ses souliers et ses lunettes (ramasser ses lunettes, ça oui, ça m'a mis directement face à sa mort...), et un papier, sur lequel il avait fait ses derniers efforts de communiquer... J'ai du ramasser ça et libérer la chambre pour le ou la prochaine... qui en avait autant que nous, besoin...  J'ai ramassé ses derniers effets personnels comme dans un choc... Aujourd'hui encore, j'ai, dans cet appartement qu'il ma légué, ses vêtements et toute l'histoire de sa vie. Près de deux ans après, je n'ai pas pu m'en défaire. Je suis malade? Je ne sais pas passer à autre chose? Simplement... je ne peux pas. Partout où je vais j'ai sa photo avec moi et je lui demande de la force... de continuer mes, nos, engagements.

Et après avoir vécu tout ça, on me somme de continuer ma vie et de rencontrer quelqu'un d'autre parce que je suis encore relativement jeune...

Et bien, ça ne fonctionne pas comme cela...

Soledad


Hors ligne bruno

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #1 le: 08 octobre 2011 à 11:00:16 »
                                 Soledad,

       je comprends et resonne parfaitement avec ce texte que tu ecrit.Mais,d'un cote moi aussi je me dis que je ne pourrais peut etre plus aimer comme je l'aime...
       Mais peut etre aussi que le plus bel hommage que l'on puisse rendre a ces gens qui sont morts beaucoup trop jeunes,qui ont ete prives de cette  vie,qui ont du eux,quitter tous ceux et tout ce qu'ils aimaient,ce serait peut etre de vivre ce qui nous reste le "mieux"possible,sans gaspillage de ce temps dont ils ont ete prives...
       L'amour est surement le sentiment le plus violent et le plus dans la vie des sentiments!Il en fait parti comme la respiration,le battement d'un coeur...C'est ce qui fait que nous vivons,et que nous avons conscience de notre finitude.Ce qui fait que nous parlons d'ame ou d'esprit,de grandeur ou de bassesse...
       Alors,certe,il ne s'agit pas de savoir si nous pourrions un jour aimer comme nous avons aime et comme nous aimons toujours,mais d'aimer encore,sans chercher a remplacer ou occulter ce qui est en nous.Pour cela,il "suffit" de rencontrer une belle personne (avec une grandeur d'ame),de la laisser d'abord nous aimer,puis petit a petit s'apercevoir qu'on ressent a son cote quelque chose d'indefinissable,qu'on ne veut pas definir,par peur d'aller "mieux".Ce quelque chose pourrait etre un sentiment proche de l'amour ou qui commencerai a y ressembler...Ce sentiment resolument du cote de la vie,cote ou nous sommes et ou,eux nous ont laisse bien malgre eux...
       Cet etat,cette emotion,si elle vient un jour,pour eux,il ne faudrait pas la masquer,la refuter pour rester encore et encore dans leurs finitude...Ce ne serait pas le meilleur moyen de leur montrer notre amour.Rester malheureux a vie derriere eux ne peut que les mettre en culpabilite,rendre leur ame triste de nous avoir fait du "mal"en mourrant...Bien sur que le mal est la,mais il y a aussi d'autres choses bien plus agreables qu'ils voudraient pour nous,dans toute leurs bienveillances!!
       Alors,pour moi,l'idee d'aimer encore un jour une fille,n'est definitivement plus une trahison envers Sandrine,si ce doux etat fait que ma vie apres elle s'adoucit,c'est que j'arrive aussi a adoucir sa Mort,a la rendre libre et sereine par dela cette difference tenue entre vie/amour/mort.Mon amour pour elle est detache desormais de ce cote charnel qui me plaisait tant aussi.IL est desormais beaucoup plus fort et ancre a jamais entre nous.
       Si je peux lui donner l'image de ma vie sans elle comme une vie qui vit,alors je sais aussi que je l'aide encore,et que si je l'aide,c'est que je lui donne encore de l'amour,et paradoxalement,lui donner de l'amour a travers une autre personne,c'est lui montrer que sa mort n'a pas emporte avec elle ma capacite d'aimer,ce qui lui plaisait enormement chez moi...Et ce qu'elle savait et sait si bien faire: aimer!

                                                  C'est peut etre un peu confus,mais je me comprends!!

                        Force et Honneur. Bruno a Sandrine.

 
       

Marico

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #2 le: 08 octobre 2011 à 21:00:15 »
Mais non Bruno, ce n'est pas confus, c'est même très joliment dit.

Je voudrais ajouter qu'aimer à nouveau, ça n'enlève rien à celui ou celle qui est parti/e. L'amour ne se divise pas, il se multiplie.

Tu sais Soledad, ton deuil est peut-être encore trop récent pour que tu envisages de vivre une nouvelle aventure amoureuse. Et puis tu es une femme et j'ai l'impression qu'à la différence des hommes, nous avons besoin moins rapidement de reprendre une vie sentimentale. Nous fonctionnons différemment.

A 37 ans, je ne pense pas qu'on puisse plus jamais aimer d'amour. Mais à deux ans de deuil, c'est pas anormal de le penser.

Evidemment, quand j'avais deux ans de deuil, moi non plus je n'entendais pas ce que les gens disaient autour de moi pour me consoler. J'étais inconsolable. Ce que tu entends, je l'ai entendu... et je pensais : "que peuvent-ils savoir de ma douleur", ou "de quoi je me mêle"... ou "ils n'y comprennent rien", ce qui était vrai en partie. Personne ne peut partager notre douleur. Mais il est certain qu'avec les années, la douleur s'apaise et qu'un jour, la solitude devient pesante, le manque d'amour, de tendresse, le partage de petits riens, le regard d'un homme sur soi se font sentir... un jour on a envie d'être à nouveau belle pour quelqu'un...

Voilà.
On ne "refait pas sa vie", on la continue.
Tu es normale, tu n'as pas à tourner la page, elle se tournera seule le moment venu et ce sera comme une évidence. Ton mari suivra alors sa route et toi la tienne, et il sera dans ton coeur surtout au moment des dates importantes de votre vie, mais ton chemin sera le tien et il sera autrement. Tu le choisiras pour toi, avec les nouvelles données. Tu n'as pas le choix mais je dirais que ta nouvelle vie se met en place malgré toi, et même si tu ne t'en rends pas compte, ton inconscient lui, a déjà commencé à regarder vers l'avenir.
 
Il est évident qu'il faut du temps. Tant qu'on est pas passé par toutes les étapes du deuil, on a l'impression de ne pas avancer. D'être resté bloqué à ce jour-là. Et que rien d'heureux ne peut plus nous arriver... Et pourtant, non, je t'assure. Dans 2/3 ans déjà, tu verras ta vie avec du recul et tu mesureras le chemin parcouru... Vraiment.

Moi, j'ai un cahier rouge, sur lequel les enfants et moi notions notre ressenti, après la mort de mon mari. Il y a 5 ans. Et quand je le relis, je mesure, oui, combien nous avons souffert et combien nous nous en sommes bien sortis, avec courage et détermination. Et franchement, nous avons toutes les raisons d'être fiers de nous !

Courage à toi. Tu as encore du chemin à faire, mais crois-moi, un jour tu verras que même si l'amour pour ton mari est toujours là, il entre dans le cadre des belles choses nostalgiques de notre vie. Et qu'il faut aller de l'avant pour écrire de nouvelles pages, dont celles d'aimer encore sans "remplacer ou occulter celui qui est parti" comme dit Bruno. L'un n'empêche pas l'autre. Je le crois sincèrement.

Prends ton temps, laisse les choses aller à leur rythme, ne te bouscule pas, sois pleine de respect et de douceur envers toi, tu le mérites. Et ne perds pas courage, un jour tu iras mieux.
M.


Hélène

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #3 le: 20 octobre 2011 à 06:37:37 »
Comme je te comprend.. Mon complice, mon amant, mon meilleur ami, qui était mon mari est décédé cette année de la même maladie. Il n'avait que 41 ans. Et moi aussi je ne pense pas pouvoir aimer de nouveau.  :'( Je ne comprend pas les gens qui me disent laisse le temps au temps, le temps finira par arranger les choses...

Ce n'est pas comme une séparation ou l'un des deux conjoints n'aime plus. On nous a enlever notre conjoint.....qu'on aime toujours de cet amour inconditionnel. Pour moi mon homme restera toujours celui avec qui juste un regard suffisait. On se devinait. Nous étions début quarantaine et nous avions 25 de vie commune... C pas rien ça.. Il était mon amour d'adolescence et le premier....C'est si difficile d'être obligé de dire à son homme souffrant que c'est correct de partir, quand tout à l'intérieur de nous lui demande rester... De lui tenir la main jusqu'à son dernier souffle. Comment peut-on revivre après ça. Et j'ai même l'impression que si un jour je rencontre quelqu'un j'aurais l'impression de le tromper....Et je ne suis pas de cette veine là.

Je te comprend...

Hélène..

Soledad

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #4 le: 03 novembre 2011 à 07:41:34 »
Bruno, Marico, Hélène, Yohann,

Merci pour vos bons mots. Ils me réconfortent. Je suis au Mexique présentement et c'est la fête des morts. Ailleurs on fête Halloween mais ici, on se rappelle nos morts, on leur fait un hôtel et on est en contact avec eux, chaque année. On leur fait un hôtel avec des fleurs et la nourriture qu'ils aimaient. Et j'ai fait mienne cette coutume et avec plus de force depuis que j'ai perdu mon conjoint. Le 2 novembre, on se rappelle. 

Cependant, je me suis surprise à avoir un élan de colère ce soir. Je lui ai encore réclamé de m'avoir laissée seule dans ce monde. Je sais bien rationnellement, et normalement je suis quelqu'une de très rationnelle..., que ce n'est pas de sa faute et que ce n'était pas ce qu'il souhaitait. Mais parfois mon désarroi est tel que je laisse aller ma colère, et ma tristesse qui est cachée juste derrière. Quand on a souhaité et pensé, parce que c'était réciproque, qu'on allait passer le reste de notre vie avec l'amour de notre vie, parce qu'on était si bien, si complice et qu'on savait tous les deux qu'on était arrivé à bon port, enfin, il est difficile d'accepter qu'il n'est plus et qu'il ne sera plus jamais. Il est clairement dans mon coeur et dans mon quotidien. Mais comment supporter cette absence physique et quotidienne? quand on est si jeune et encore si pleine de vie? Comment supporter ces déceptions inévitables de personnes qui nous approchent et qui ne pourront jamais être à la hauteur? Qui nous déçoivent?

On me rappelle les étapes du deuil. Je croyais qu'après presque deux ans, je les avais traversées... mais non, elles reviennent.

Le mois de novembre est pour moi un mois terrible parce que ce sont les souvenirs de ses dernières semaines, puis de sa mort. Puis du vide...

Je sais qu'il voudrait me voir heureuse. Il m'a tout dit pour que je ne ressente aucune culpabilité quelques soient mes choix dans ma vie future. Mais je n'y arrive pas. Je fais de gros efforts pour continuer. Pour mener à bien mes projets. Mais je suis seule et je me sens seule. Dans d'autres étapes de ma vie, j'ai choisi ma solitude et je l'ai très bien vécu. Mais, là, je ne l'ai pas choisi. Elle m'est tombée dessus. J'essaie de l'apprivoiser et j'y arrive bien en générale. Je poursuis ma vie professionnelle tant bien que mal. Mais mes soirées et fins de semaines sont un enfer sans nom. Je sens que je vais vivre le reste de ma vie seule et ça me fait peur. Je vois vivre les autres, avec leur famille, leur conjoint, etc. Et c'est comme si mois j'avais à vivre un calvaire, comme si j'étais maintenant exclue de la vie quotidienne et ordinaire. Comme si j'étais en pénitence et que je devais payer du reste de ma vie des fautes que je n'ai pas commises...

Enfin, bon courage à toutes et tous qui passons par cet enfer. Je nous souhaite des jours meilleurs même si je n'y crois plus...

Soledad

Hors ligne Pascale

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #5 le: 03 novembre 2011 à 10:15:56 »
L'Amour que vous avez partagé existe toujours aussi fort, partagez - le autrement, car il risque de vous étouffer...
J'ai eu besoin d'écouter, d'aider et de donner, m'ouvrir aux autres m'a aidé...
Ce n'est pas facile et mon deuil n'est pas terminé, loin de là, mais je me sens mieux...

Pascale la Louve
Pascale la Louve

myrose

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #6 le: 03 novembre 2011 à 15:48:55 »
Pour toi Soledad
Tu n'aimeras jamais plus quelqu'un comme tu l'as aimé lui
mais tu aimeras d'une autre façon sans pour autant l'oublier ;
On n'oublie jamais mais on doit vivre avec
Tu es jeune  et tu as la chance comme nous toutes et tous d'être encore en vie
J'ai perdu mon mari il y a 2 ans 1/2 d'un avc aprés 32 ans de vie commune
Je sais que ce n'est pas ça qui va te consoler mais on est dans la même galère
Je vais avoir 62 ans bientôt et j'ai envie d'aimer encore
Je ne l'oublierai jamais et je l'aimerai toujours , ce qui n'empêche pas de continuer
à vivre. Amitié , Marie

ergé

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #7 le: 03 novembre 2011 à 16:40:37 »
Bonjour  Soledad, bonjour à vous toutes et tous.

Voici plusieurs semaines que je n’écris plus sur le forum, par pudeur et respect envers toutes celles et ceux qui viennent de connaître le deuil ou qui continuent de souffrir. Cependant, je lis régulièrement les messages que les uns et les autres viennent y déposer. Je déplore à chaque fois de voir de nouveaux noms s’inscrire et crier leur douleur avec des mots souvent comparables à ceux que j’ai moi-même écrits il y a plusieurs mois. Pourtant aujourd’hui, j’éprouve à nouveau le besoin de venir témoigner, en espérant que ces quelques lignes pourront en aider certaines ou certains, comme j’ai moi-même été soutenu ici.

Il  y aura bientôt deux ans que j’ai perdu celle avec qui j’ai tout partagé pendant 35 ans et qui m’a donné trois enfants ; des enfants qui sont à peine plus jeunes que toi Soledad. C’est dire si j’ai fait un long chemin avec celle que j’aimais et que le cancer a emportée dans un torrent de souffrances que nous avons partagées; c’est dire aussi qu’après tant d’années de vie commune, faite d’amour et de complicité, il semble impossible de passer à autre chose et en particulier d’imaginer éprouver de l’amour pour une autre. C’est ce que j’ai pensé au plus profond de moi quand je me suis retrouvé seul et c’est ce que j’ai écrit à maintes reprises ici même, Marico, Pascale ou Bruno qui étaient déjà là à l’époque peuvent en témoigner.

J’étais parfaitement sincère quand je pensais et quand j’écrivais cela. Ma détresse était telle que j’ai même imaginé qu’il pourrait être meilleur d’aller rejoindre celle que j’avais aimée et perdue que de continuer à vivre sans elle. Eh bien Soledad, je sais aujourd’hui que j’avais tort (avec un t n’est-ce pas Marico !). J’ai eu ce que je crois être la chance de rencontrer une femme qui m’a permis de retrouver goût à la vie et de connaître à nouveau l’amour. Je ne parle pas d’un compagnonnage, de simple tendresse, mais bien de ce sentiment qu’on appelle l’amour et que l’on peut éprouver à l’adolescence ou peu après. Avec celle que j’ai rencontrée, je ne pars pas de zéro (je ne refais pas ma vie), mais bien du point où j’en suis resté, avec tout ce qu’il y a eu avant.

Bien sûr Hélène, que quand on imagine cela, on éprouve une énorme culpabilité ; j’ai d’ailleurs, ici même, rédigé un long message sur ce sujet. Pourtant, aujourd’hui je n’éprouve plus aucune culpabilité car je sais que ce qui a été ne sera plus, et qu’il ne sert à rien de s’imposer une souffrance supplémentaire uniquement par respect envers le passé et ce défunt qui l’a incarné. Ce qui ne m’empêche pas de me souvenir de toutes mes années de bonheur passées avec ma Michelle ni de continuer à aller me recueillir régulièrement sur sa tombe, preuve que je n’ai pas tiré un trait sur ce passé, qu’il m’a construit en grande partie. Je ne refais pas ma vie actuellement, je continue de la bâtir, pierre après pierre, même si j’ai pensé un temps que tout n’était que ruines et que je n’avais aucun avenir.

Même si la solitude m’a été très difficile à vivre, je n’ai pas vraiment cherché cet amour ; il m’est tombé dessus quand je ne m’y attendais pas et alors que j’étais persuadé, l’âge aidant, que plus jamais je ne connaîtrais  ce sentiment. Simplement, quand c’est arrivé, je devais être prêt. Est-ce pour autant que j’ai terminé mon deuil ? Je n’en suis pas sûr et il m’arrive encore parfois de pleurer sur la tombe de celle que j’ai aimée. Mais quand c’est le cas, j’ai la chance d’avoir à mes côtés une femme intelligente et qui m’aime, pour me tenir la main et sécher mes larmes.

Tu vois Soledad, comme toi j’ai pensé que ma vie était définitivement terminée et à un âge où je pourrais être ton père je sais désormais qu’il est impossible de prédire avec certitude l’avenir, même quand tout paraît définitivement gravé dans le marbre d’une tombe.

Hors ligne Pascale

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #8 le: 03 novembre 2011 à 17:00:45 »
Merci Ergé pour ton témoignage, et l'espoir que tu nous donnes à tous...

Tendresse Pascale la Louve
Pascale la Louve

chagrin64

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #9 le: 03 novembre 2011 à 17:33:57 »
Oui Ergé merci pour ce témoignage en cette période si sombre pour moi.

J'aime la formulation "Coninuer sa vie et non pas refaire sa vie"

A bientôt

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Je ne pourrai plus jamais aimer...
« Réponse #10 le: 03 novembre 2011 à 19:38:20 »
Je suis très émue par ce message, Ergé. Il est tellement ... tellement... humain, tellement honnête.
Il est tellement plein d'espoir, plein de vie.
C'est merveilleux de te lire.

Je te souhaite plein de bonheur sur le chemin de la vie qui t'a tant éprouvé pour mieux te consoler ensuite.

PiMa
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.