Oh, Malika, Malika qui exprime de façon si … physique ses émotions.
Et comme tu as raison de le faire. Tout ton corps est en alerte, en bien comme en mal et cela te permet d’évacuer, comme les larmes, les cris...
La colère, la violence verbale, la nausée sont autant de moyens de prouver que l’on existe, oui, comme les caresses … du vent sur « une île aride ». Tu es vivante. Et c’est très important. Certains, comme moi, se jettent dans les travaux d’Hercule, tâches irréalisables « avant », challenge maintenant, et besoin de le faire souffrir ce corps pour prouver qu’il existe.
Mais la haine… Pour moi, c'est une mauvaise compagne dans notre état.
Les cons, il y en a partout et s’ils sont bêtes, ils ne sont pas méchants, souvent.
Les méchants, les insensibles, les « je-sais-tout » sont à fuir.
J’ai vécu le petit bureau au fond du couloir, avec un personnage en blouse blanche qui se protège derrière des mots (et comment lui en vouloir, s’il ne se protégeait pas il finirait à l’asile), j’allais simplement le questionner sur le fait que Pierre (mon Pierre) avait le teint si jaune, un ictère, docteur ?
Et oui, moi aussi : Madame, c’est fini, nous ne pouvons plus rien faire, plus de reins, le foie est métastasé, les poumons aussi, et certains os… Il faut vous préparer.
Mais c’est à moi qu’il parle ? C’est de Pierre qu’il parle ? Mais je ne suis pas d’accord moi ! Je ne veux pas ! C’est moi qui décide, je suis responsable de lui, comme lui de moi !
Et comme toi, sortie de ce bureau comme une somnambule, la douleur pénètre si insidieusement dans le cerveau, elle distille son effet, elle bloque la respiration… Instant de panique totale, au bout du couloir, la chambre de Pierre, il m’attend, il va m’interroger sur ce qu’a dit le médecin.
Ma décision est prise en un dixième de seconde : Le médecin a décidé de cesser certains traitements qui semblent ne pas avoir les effets escomptés et des effets secondaires pénibles. C’est bien, a-t-il répondu, je suis tellement fatigué par tous ces médicaments, ils me foutent la santé en l’air.
Et cette dernière semaine, lui et moi, jour et nuit. Une fusion totale. Aucune question grave. Des câlins, des caresses, des douceurs, des rires et des souvenirs, des attentions, des protections contre tout ce qui pourrait le contrarier, le blesser, l’affoler, des mensonges, des regards.
Je savais.
Savait-il ?
Aujourd’hui, 27 mois après, je peux revivre ces moments si atroces et si doux… oui, si doux, presque... un merveilleux cadeau, (oui, je vais en choquer plus d'un) tant nous avons été proches, je peux les revivre sans pleurer.
J’ai fait la paix avec …
Avec quoi ai-je fait la paix ? Avec la vie qui l’a abandonné ? Avec la mort qui me l’a pris ? Avec Dieu, un Dieu, n’importe lequel, qui nous a oubliés ?
Avec moi, simplement qui ai fini par accepté cette épreuve que je ne souhaite à personne.
Sur ce long chemin, je suis encore. Car si j’ai accepté l’épreuve, je ne me résous pas à accepter la perte de mon Amour. J’avance et reviens en arrière, mais je ne m’arrête plus pour me regarder souffrir, je ralentis, souffle et cherche encore une main tendue, une voix pour m’encourager, je n’entends plus les cons (disons le mot franchement), je ne réagis plus aux provocations, j’évite les pièges, je me protège. Et c’est en cela que l’horizon s’éclaircie.
Malika, tant de deuils en si peu de temps, c’est tellement dur.
Et je sais que ce que je peux écrire te semble à mille lieux de ce que tu vis aujourd’hui.
Juste un souffle d’espoir, comme la caresse d’une brise d’été.
Je t’embrasse fort.
Marina