Aujourd'hui, je me dis heureusement qu'il n'y a pas un souci financier en plus, que je n'ai pas à m'inquiéter de cela, que ce serait un poids de plus, .. et l'argent, comme le dit si bien Fédérico, ça n'est que matériel, rien ne peut remplacer l'être que l'on aime, et certainement pas ça.
Oui Mononoké, tu as raison... Je veux dire, intellectuellement, je sens bien que tu as raison. Émotionnellement, c'est une autre histoire. Depuis tous ces mois, j'ai appris que malheureusement je ne pourrai pas forcer mes émotions à accepter quelque chose que je ne ressens pas comme ça. Il y a cette sale bestiole de culpabilité qui vit tapie dans l'ombre et qui n'attend qu'une nouvelle occasion pour me dévorer toute crue (la sale bête!)
Si je pousse le (dé)-raisonnement jusqu'au bout:
1- j'avais ma thèse à finir, Tom allait mal, je l'avais vu, mais ça n'était pas ma priorité. Quand il m'a parlé de sa grosseur au sein, le premier truc que j'ai pensé, c'était à un cancer et pourtant j'ai laissé Tom faire comme si ça n'était rien.
2- on devait commencer une autre vie après la thèse, il y avait des projets de maison qui nous faisaient plaisir à tous les deux même si au début l'idée de partir du sud direction la Bretagne ne plaisait pas du tout à Tom
3- mais j'ai failli planter Tom au moins 1000 fois dans la dernière année ensemble, je ne saurais jamais si c'était la maladie ou si on commençait à ne plus s'aimer. D'ailleurs les 3 semaines à l'hôpital, j'ai eu envie de me barrer, je me disais qu'il m'avait entrainée dans cet enfer et que c'était injuste pour moi
Conclusion: est-ce qu'aujourd'hui je peux vraiment dire que j'ai mal parce que j'aime Tom? Ou parce que je me sens coupable d'un an gâché en disputes et à fermer les yeux sur son cancer? Les deux si je dois être parfaitement honnête avec moi.
Alors tu comprends bien ma question de la "légitimité" dans ce contexte. Est-ce que je suis légitime de continuer les projets de maison alors que Tom est mort et que j'ai l'impression de l'avoir sacrifié pour obtenir ce que je vais avoir maintenant avec l'assurance vie?
Je sais bien que c'est absurde ces questions, qu'est-ce qu'on en sait au fond de comment ça se serait passé si Tom n'avait pas été malade? Je sais bien que j'ai dit à Tom que sa grosseur au sein n'était pas normale, que je trouvais qu'il allait mal et que je ne savais pas comment l'aider. On s'est engueulé vraiment fort quelques semaines avant de découvrir ce qu'il avait, je lui ai écrit une lettre dans laquelle il est écrit noir sur blanc qu'il faut qu'on arrête de se voiler la face et que ma thèse n'est pas responsable de ce qui ne va pas.
Mais je n'ai rien fait, je l'ai laissé mourir. On me répète que je ne savais pas. Moi ce que je ressens c'est que j'ai pensé à moi, je me suis détachée de Tom émotionnellement pour moins en baver si on se dirigeait vers une rupture. Alors je ne l'ai peut-être pas tué mais je l'ai laissé mourir et jamais je ne pourrai me le pardonner. Cet argent a un goût d'autant plus amer que depuis qu'il est sur mon compte en banque je ne pense plus à mourir moi aussi. Et je me dis que Tom m'a sauvé la vie alors que je n'ai pas pu sauvé la sienne. Et ça fait horriblement mal.
Voilà c'est bien moche ce qui se passe dans ma cervelle de veuve zinzin. C'est absurde et je le sais, c'est bien de l'écrire aussi parce que malheureusement c'est ça aussi le deuil, le temps des paradoxes et des absurdités. Merci à celles et ceux qui ont le courage de lire tout ça, il faut que ça sorte et après je me fais la promesse de pouvoir vous aider vraiment. Avec du soleil plutôt qu'avec toute cette noirceur.
Je pense à vous toutes et à vous tous,
Alex