Bonsoir Nathalie, ici au Québec,il est 18H30.
C'est vrai, 5 semaines c'est terriblement récent. Ton amour, ton être cher, ton conjoint, ce travailleur du quotidien, cet homme qui t'accompagnait depuis toutes ces années! Il n'est plus là!
Demain sera mieux, certes, et demain sera un peu moins difficile, c'est sûr!
Je m'entends, aujourd'hui, après 2 ans. Même mots, même activités:
J'essaye d'avancer, d'être au bureau, de faire semblant tout le temps, devant mes enfants que je dois rassurer (oui, oui, je vais bien, ne vous inquiétez pas), devant mes amis, devant mes collègues. Je crois que c'est confortable pour l'entourage que l'on fasse semblant, qu'on arrive à empêcher ses crises de larmes. Mais la boule dans le creux de l'estomac est là constamment, qui m'empêche de manger, qui m'empêche de respirer.
Toi, ça te rassure aussi de retourner vers les collègues (qui ne sauront pas te soutenir, sauf exception) parce que en ce moment, tu es dans le vide, tu ne sais pas ce qu'il faut faire quand l'amoureux... ne reviendra jamais, jamais.
Ma petite fille de 9 ans m'a dit, naïvement, voilà 2 semaines:
"Maman, tu sais pourquoi je ne t'ai jamais demandé si papa allait revenir? Parce que j'ai compris qu'il ne reviendrait jamais".
Elle avait vu le corps, lui avait touché, avait dit "Maman, c'est dégueulasse!" parce que réfrigéré... C'était son choix de le voir, je l'avais préparée: "Ton papa ne bougera plus, ton papa va être froid, ton papa aura peut-être les yeux ouverts....". Elle voulait quand même, on avait apporté des pissenlits, la première fleur du printemps, en ville. Elle voulait le prendre en photo, lui couper des cheveux...
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J'ai une question: crois-tu que tu aurais besoin d'un soutien professionnel pour que cette boule dans ta gorge te fasse croire que tu ne peux plus continuer? Peux-tu recevoir du soutien, pour pleurer vraiment, pour vivre cette peine qui ne semble pas avoir de fin, mais qui sera apaisée avec le temps?
Pour que tu sois soutenue, regardée, dans ta détresse?
Ça m'a pris deux ans à comprendre que vivre mon deuil, ça voulait dire: pleurer, répéter mon histoire, penser à lui, ne pas oublier, faire des gestes juste pour moi, peut-être pour lui, recevoir un appui professionnel rempli de compassion. Et prendre le temps. Et que je l'ai entendu ça! Pourquoi, je ne comprenais pas!!! Prendre le temps de quoi?
Je n'étais pas prête, voilà tout.
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Une dernière chose: après la mort, on reste à la fois la même personne, avec notre corps, nos valeurs de base, mais on devient aussi un autre humain. On se transforme. À la différence d'autres personnes qui ne vivent pas un deuil "quand c'est pas le temps", qui eux aussi se transforment lentement, nous se voit obligé de vivre tout ça, sans notre consentement, en accéléré. On "mature" plus vite que le reste, et le "gap", soit le trou entre nous et les autres est énorme.
Voilà pourquoi on a besoin d'un soutien autre que le cercle d'amis, de collègues et de la famille qui nous entoure, à moins que ce soit des personnes qui comprennent vraiment - qui l'ont vécu.
Je t'embrasse et je sais qu'aujourd'hui tu auras des moments de peine, mais aussi d'apaisement, même si c'est juste quelques minutes, comme chante Souchon "C"est déjà ça". Et c'est bien.
Tu as droit à un peu de soleil, de chaleur, de petites joies, même s'il est mort.
Caroline xx