Auteur Sujet: De la culpabilité  (Lu 17093 fois)

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ergé

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De la culpabilité
« le: 07 août 2011 à 11:31:28 »
Bonjour,
Ce texte est long; que ceux qui auront la patience de me lire jusqu'au bout me pardonnent.
Bonne journée à toutes et à tous


A ma Michelle !


Coupable ? Non coupable ?

Cette question, je me la pose  quelquefois et je vais sans doute me la poser de plus en plus souvent à présent, alors qu’il y a maintenant presque dix-huit mois qu’elle n’est plus à mes côtés.
Mais coupable de quoi ? De la trahir, de ne plus l’aimer, de l’oublier, de la faire mourir une seconde fois ? Rien de cela et tout à la fois. Mais surtout coupable de continuer à vivre sans elle, de l’accepter, de le souhaiter même.

Nous nous sommes connus au sortir de l’adolescence et j’ai quitté le cocon familial pour faire ma vie avec elle. C’est effectivement ce qui s’est passé. Nous avons vécu trente-cinq ans, plus d’un tiers de siècle côte à côte, en partageant tout et en finissant par ne plus faire qu’un. Elle était moi, j’étais elle. Fusion. Bien sûr, il nous est arrivé de ne pas être d’accord, de nous chamailler, de nous faire la tête, de ne plus nous adresser la parole même pendant plusieurs jours ; mais c’était finalement pour mieux nous retrouver alors que nous avions oublié même jusqu’au motif de la fâcherie. Nous avons fondé une famille, une vraie, avec trois enfants, deux filles et un garçon que nous avons aimés et élevés. Sans doute tout cela n’a-t-il pas été parfait, mais qui peut y prétendre. Nous avons fait de notre mieux.

Rarement, nous ne nous sommes quittés plus de quelques jours et sans jamais être vraiment séparés l’un de l’autre. S’il m’est arrivé de regarder d’autres femmes, je ne l’ai jamais trahie, jamais trompée ; elle non plus, je le sais.

La vie s’est écoulée ainsi, non pas comme un long fleuve tranquille, mais avec des hauts et des bas, comme dans toutes les familles. Toujours cependant, nous avons formé un couple, un vrai, pas un couple de façade, pour la galerie. Nous étions deux au départ, chacun avec sa personnalité et son caractère (pas toujours faciles les caractères !), mais nous conjuguions nos efforts pour avancer dans la même direction, toujours, comme si nous n’avions été qu’un. Nous n’étions qu’un finalement.

Et puis, la cinquantaine venue, alors que les efforts d’une vie de travail étaient accomplis, que l’éducation des enfants était faite, alors que l’on  allait pouvoir penser à entamer une autre vie, plus sereine, plus éloignée des contingences matérielles et familiales, le malheur nous est tombé dessus, comme la foudre, sans que rien ne nous y ait préparés. La maladie, sa maladie, notre maladie. Grave, potentiellement mortelle. Mortelle finalement.

J’ai été sonné ; elle aussitôt a décidé de faire face, avec volonté, détermination et un courage remarquable. Naturellement, sans même y réfléchir, j’ai choisi de l’accompagner dans son combat contre la maladie, qui est aussitôt devenu notre combat. J’ai été auprès d’elle du début à la fin ; je l’ai accompagnée partout, l’ai soutenue sans relâche, masquant parfois le fait que c’était moi qui avait besoin d’être soutenu. Mais c’était elle qui comptait. Jamais je ne lui ai lâché la main et je pense, j’espère, je sais, que ça l’a aidée.

Pendant toutes ces années où je l’ai soutenue, y compris pendant les deux dernières de sa vie, très difficiles, dégradantes, où je pense avoir été encore plus présent, j’ai souffert quand elle souffrait mais j’ai tout fait pour la garder près de moi. Jusqu’à son dernier souffle, j’ai dormi auprès d’elle, dans notre chambre, en épiant sa respiration, en tenant sa main dans la mienne.

Jamais, pendant  ce qui fut presque une décennie de souffrance, je ne l’ai trahie, laissée, abandonnée. Jamais non plus je n’ai agit pendant cette période en me posant la moindre question sur les raisons de mon comportement. Jamais je n’ai fait quoi que ce soit par devoir, par espoir de la moindre reconnaissance, pour l’image que je donnais de moi à l’extérieur ou simplement même pour celle que me renvoyait mon miroir. Non, je n’ai agit que naturellement, par amour de celle qui était devenue la moitié de moi-même jusqu’au jour, funeste, où il nous a fallu nous séparer pour toujours.

Quand je l’ai vue une dernière fois dans son cercueil avant qu’elle ne quitte définitivement notre maison, je n’avais aucune idée de la suite, je n’imaginais même pas qu’il puisse y avoir une suite. Je voyais simplement partir devant moi une part de moi-même. La vie, ma vie s’achevait.

Dix-huit mois se sont écoulés depuis. Dix-huit mois de larmes, de déprime, de solitude, bien qu’étant très entouré, par mes enfants d’abord, par quelques amis fidèles ensuite. Dix-huit mois d’un deuil non feint, nécessaire, indispensable pour me retrouver. Aucune concession à la galerie et encore moins aux convenances. Dix-huit mois de souffrance, encore, à aller me recueillir sur sa tombe presque chaque semaine, à pleurer encore, à lui parler, à caresser le marbre froid, sa photo, à lire et à relire ce nom et ces dates sur la pierre, à me dire que ce n’est pas possible, que ce n’est pas elle qui est là-dessous, que ce n’est pas nous qui avons été ainsi engloutis !

Et puis, au bout de tout ce temps, qui malgré tout est passé très vite, comme la vie elle-même, et alors que le deuil est loin d’être fini, vient le temps de se poser d’autres questions, sur l’avenir que jusqu’ici je ne voyais pas, que je n’imaginais même pas. Et avec ces questions, surgit à nouveau, avec acuité, la question de la culpabilité.

Coupable ? Non coupable ? Qui peut juger ? Qui prononce la sentence ?

En fait, il n’y a que trois chemins possibles à mes yeux :

-   Le premier, presque idéal, qui me dispenserait de me poser la moindre question et serait sans doute le plus facile, s’il n’y avait un pas décisif à franchir, un pas pour lequel je n’ai pas assez de courage : aller la rejoindre et m’allonger auprès d’elle pour l’éternité. La retrouver enfin, après une séparation de dix-huit mois, la plus longue que nous ayons jamais vécue.
Mais il faut le courage de franchir ce pas et aussi celui aussi d’abandonner nos enfants et de leur infliger un nouveau traumatisme, à eux qui n’ont pas encore accepté le départ de leur mère. Ce n’est donc pas ce chemin là que j’emprunterai.

-   Le second, auquel se résignent beaucoup de veuves et de veufs de mon âge, consiste à attendre tranquillement la mort en laissant s’écouler les jours. La vie se résume à se remémorer les souvenirs des jours heureux en se cantonnant socialement au rôle de père et de grand-père. Cette solution présente l’avantage de ne pas mettre en avant le problème de la culpabilité : comment pourrait-on se reprocher à soi même de vivre uniquement dans l’ombre et le souvenir de son défunt en attendant simplement le moment qu’aura choisi le destin pour aller le retrouver ? Malgré ses avantages, ce n’est pas non plus ce chemin que je souhaite suivre. Je ne me sens pas l’âme d’un mort-vivant.

-   Le troisième est le moins désagréable peut-être, mais aussi sans doute, le plus semé d’embûches, car la culpabilité, là, est présente à chaque instant. Il ne s’agit pas de refaire sa vie en tirant un trait sur ce qui a été, mais simplement de la poursuivre en acceptant que celle qu’on a aimée ne sera plus là pour nous accompagner sur ce chemin qui reste à faire. Bien sûr, il arrivera sans doute parfois de s’assoir au bord du chemin, sur son balluchon, et de verser des larmes sur le passé. Mais, même si la vie reprend un sens, dans chaque petit bonheur que l’on s’octroie, il y a ce goût amer de trahison, d’oubli, de chacun pour soi qui nous était étranger jusqu’alors; et surtout ce sentiment abjecte de ne pas renoncer à se dire « les vivants avec les vivants, les morts avec les morts ». Alors oui, on se sent coupable d’accepter ce qu’hier on jugeait inacceptable. Coupable simplement de survivre et de vouloir vivre encore, quand on ne peut plus le faire à deux, avec celle qu’on a aimée.


Hors ligne bruno

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Re : De la culpabilité
« Réponse #1 le: 07 août 2011 à 12:08:08 »
   Erge,j'ai lu et tres facilement jusqu'au bout. Que dire de tout ca.C'est tellement voisin de ce que nous avons connu.Ton histoire resonne avec la mienne,et ta facon d'apprehender le "futur"est la meme pour moi..
    Ce qui est le plus derangeant,c'est bien cette culpabilite qui de toute facon peut se retrouver dans les 3 hypotheses.C'est surtout ca qu'il faut combattre,pour s'en debarasser,car au fond,on sait tres bien qu'elle est eronee,non-fondee,et seulement creee par notre imagination,et aussi education.La culpabilite passe par un jugement,et qui,peut ou pourrais juger de la facon dont on va s'en sortir?
    Ce n'est pas ceux qui ne sont plus la qui le feront,et ceux qui sont la,et bien ma foi,s'ils veulent ma place je la leur cede bien volontiers....

ChristineM

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Re : De la culpabilité
« Réponse #2 le: 07 août 2011 à 12:25:33 »
Ton texte est magnifique, Ergé, magnifique de vérité, de lucidité et d'amour. Nous serons nombreux, je crois, à nous retrouver dans ces mots qui expriment si bien nos pensées. Mais il reste le plus dur, lequel de ces trois chemins emprunter ?... Le premier, j'y ai souvent songé mais même sans enfants, je ne pourrai m'y résoudre, d'abord parce que mon mari voulait que je vive, et qu'il me semble que ce serait manquer de courage, ce courage dont il a tant fait preuve... Le second me convient; pour d'autres ce sera le troisième, peut-être aussi pour moi plus tard, je n'en sais rien.
En tout cas, merci.

mc59

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Re : De la culpabilité
« Réponse #3 le: 07 août 2011 à 12:33:21 »
Bonjour Ergé ;
moi aussi j'ai lu facilement jusqu'au bout .
tellement de choses en commun!
pour moi aussi près de 35 ans de chemin avec JM, des enfants , des petits enfants ;
la diffèrence c'est que je n'ai pas connu la maladie ;
et je ne connais ce dur chemin du deuil que depuis 7 mois .
Je suis encore dans le manque , dans l'incapacité de faire des projets..
mais je pense que choisir le 3ème chemin dont tu parles , ce n'est pas être infidèle à l'être aimé qui nous a quitté ;
 leur être fidèle, ce n'est pas 'attendre tranquillement la mort en laissant s’écouler les jours'  je pense.
'vouloir vivre encore ' n'est-ce pas ce qu'ils veulent pour nous ??
continuer à les aimer, en aimant la vie et tout ce qu'elle peut encore nous apporter de bon..
je pense que nous n'avons pas à nous en sentir coupable.
je l'écris un peu pour m'en convaincre ..
mais je crois que c'est sur ce chemin qu'il nous faut avancer..
je vous souhaite une douce journée
moi je vais de ce pas déposer une rose du jardin au cimetière...

Hors ligne Pascale

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Re : De la culpabilité
« Réponse #4 le: 07 août 2011 à 14:28:07 »
Bonjour Ergé, j'ai lu sans soucis ni ennuis jusqu'au bout ce texte simple de vie.
Parce que la vie est simple même s'il y a des embûches.

Il y a un peu plus de 7 mois que Jacques est parti, 7 mois intenses de douleur où je suis restée seule avec moi -même dans notre grande maison. Sans travail nous étions indépendants.

Je l'ai aimé et bizarrement l'aime toujours et l'aimerai probablement toute ma vie.

Je sais que si je rencontre quelqu'un il devra me laisser mon Jardin secret et parfois me partager avec Jacques qui restera l'homme de ma vie maintenant j'en suis convaincue.

Celui qui accepte sera quelqu'un de bien et vaudra la peine, un autre ira se faire voir, difficile de lutter contre quelqu'un qui est définitivement parti je sais

Maintenant je ne suis pas prête encore, je laisse faire la vie, je m'éveille lentement et je suis douce et gentille avec moi-même.
Comme je le ferait de quelqu'un qui à souffert.

Je ne suis pas encore hors de ce deuil Ergé, là ces jours-ci j'ai vraiment du mal. Mais je sais qu'il aimait la vie en toute simplicité et il me disait toujours "du passé jamais de regrets , ni de remords on ne peut rien y changer, garde le meilleur et avance ".

Ca veut tout dire, petit homme par la taille, grand par l'esprit( je me souviens plus de qui c'est cette phrase, Mais elle était faîte pour lui.)

Notre vie n'est pas finie et on doit la continuer même pour eux, on doit rester fière de nous, c'est une épreuve une énorme épreuve, mais il faut en sortir grandit, pour notre famille et nos amis aussi.

je dit mais pas facile, c'est là que j'aimerait en arriver.

Continuer à vivre selon notre philosophie, une vie simple, honnête, aimant les plaisirs simples de la vie... vous voyez pas besoin de vous expliquer, les personnes qui se sont aimés  ainsi se reconnaissent.

C'est une grande chance de l'avoir vécu... C'est un grand malheur de l'avoir perdu, mais ça nous a apporté tant de richesse dans le coeur que beaucoup n'ont pas.

Je vous embrasse très fort.

Pascale la Louve
 


Pascale la Louve

bruna

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Re : De la culpabilité
« Réponse #5 le: 07 août 2011 à 22:54:01 »
Bonsoir Ergé ,bonsoir a vous tous


ton texte ,est tellement vrais,tellement semblable a notre histoire, que j'aurais pu l'écrire,,mais l'écrire beaucoup moin bien que toi,,
je l'ai relu plusieures fois et je crois que je le relirais encore,
moi aussi ,je l'ai connu j'etais si jeune,j'avais 15 ans et lui 20 ,nous avons vecu 47 ans ensembles sans jamais nous quitter ni nous tromper.

Des disputes pour des bêtises 2 enfants adorables ,et 3 petits enfants,mais nous nous aimions tellement.
apres 11mois ,je n'arrive toujours pas a y croire,il me manque tellement,,,,tous les jours je vais sur sa tombe ,je lui parle et je pleure.

Mais je culpabilise de vivre alors que lui n'est plus la,,,
je penses bien a vous tous,,,,,,Bruna..

Biloba

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #6 le: 07 août 2011 à 22:57:24 »
Bonsoir Ergé,
en lisant ton message, j'ai eu l'impression que tu racontais ma vie, l'amour à l'adolescence puis le couple, les enfants, et la maladie, main dans la main jusqu'au dernier petit souffle (c'était il y a presque 15 mois).
Seule différence, mon mari (hospitalisé pour des examens depuis deux jours) a "lâché" d'un seul coup après 3 ans et demi de lutte acharnée et d'espoir lorsque l'oncologue lui (nous) a dit qu'elle ne disposait plus de nouveau traitement et qu'il fallait envisager les soins palliatifs ...
nous en avons parlé avec elle, j'ai choisi pour lui le retour à la maison : nous étions samedi matin et elle pensait que tout pourrait être près en milieu de semaine à la maison.

Les enfants sont venus passer l'après-midi avec nous à l'hôpital, puis il a commencé à être confus, la nuit a été agitée, les enfants sont revenus le lendemain et ... il est mort à 14h.
ça a été un grand choc pour tout le monde (y compris les médecins),  mais il a eu la chance d'échapper aux semaines de fin de vie "dégradantes".
Depuis, comme nous tous, j'avance, un jour à la fois et je découvre, comme l'a dit l'un d'entre vous, que le deuil est multiple, ce n'est pas seulement lui qui me manque, mais aussi toutes les petites choses de la vie que je ne peux plus faire parce que je suis seule

Pour ce qui est de la suite de ma vie, j'avoue que ça me terrifie ...
comment envisager de passer les années qui restent sans plus jamais connaître le plaisir de partager des petits riens ou des grands bonheurs ou des grandes douleurs avec la personne qu'on aime ?

mais je suis tout autant incapable d'envisager un nouvel amour alors même que j'ai toujours trouvé cela normal pour les autres.

Je crois, comme Pascale, que si le "prince charmant" se présente un jour, il faudra qu'il accepte un "ménage à trois", mais tout en écrivant ces mots, des pensées se bousculent dans ma tête {pas chez nous ! et la famille ? et les amis ? etc, etc}.
Alors, sera-t-on coupable de trahison ? je ne le pense pas mais le poids de notre amour, de notre culture, du qu'en dira-t-on seront sûrement des obstacles qu'il nous faudra franchir le moment venu (si le moment vient !)
Allez, ce qui est sûr, c'est que je ne suis pas prête !!!

je vous embrasse tous
Marie

Lauren

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #7 le: 08 août 2011 à 00:07:58 »
Bonsoir à tous,
Ergé à mon avis tu as oublié la quatrième solution qui consiste à passer du temps à donner autant que nous avons reçu. Il y a tant d'enfants, d'adultes, de personnes âgées qui ont besoin d'aide partout dans le monde. J'ai regardé sur des forums ce n'est pas difficile de se donner à une cause quelconque, et il n'est pas nécessaire d'être médecin ni de décider d'y consacrer le reste de sa vie. Il y a des missions d'un mois à six mois, ou plus. Pour moi ça a l'avantage de ne pas passer le reste de ma vie à attendre ma mort, de ne pas chercher quelqu'un d'autre, aucune envie, de ne pas faire semblant de vivre.
Mais ça demande du cran et de l'énergie et pour l'instant je n'ai ni l'un ni l'autre. J'y pense souvent. Je me laisse le temps. L'avantage de cette solution ce serait de faire, un tout petit peu, reculer la misère affective et matérielle qui pullule sur cette terre. Moi je pense que j'arriverais à mettre ma peine un peu en veilleuse si je trouvais quelque chose d'aussi grand que notre amour pour finir ma vie.
Bonne nuit à tous. L

ChristineM

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #8 le: 08 août 2011 à 09:43:08 »
Cela fait des mois que je songe à cette 4ème solution dont tu parles, Lauren, et je croyais bien pouvoir y parvenir mais depuis une dizaine de jours je suis malade : toux, fièvre, énorme fatigue comme si le corps ne voulait plus donner. Où ai-je pris ce mal ? Je n'en sais rien mais il me fait retomber au creux de la vague. Je suis en vacances et je me traine. J'ai dû annuler mon voyage à Lourdes et je suis là sans but et totalement dénuée d'énergie. Pourtant, je le sais, il va falloir rebondir mais comment faire quand on se sent si lasse ?...

Marico

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #9 le: 08 août 2011 à 23:41:09 »
Bonsoir Ergé,

Je crois que dans vos trois propositions, la première est éventuellement envisageable aux premières semaines du deuil. Ensuite, la pensée de suivre notre conjoint dans la mort devient improbable, nous avons l'instinct de survie qui agit à notre place...

La seconde solution, ça dépend de l'âge. Perdre son conjoint à 75 ans c'est une chose, quoique dans la maison de retraite de ma mère, une vénérable vieille dame de 80 ans fait toujours du charme aux messieurs qui viennent s'installer dans la résidence.... Elle ne perd pas espoir.... Perdre son conjoint à 50 ou 60 ans, c'est bien jeune, et envisager de continuer sa vie seul/e au milieu de ses souvenirs, c'est une façon triste de s'enterrer vivant...

La troisième solution, et bien si vous vous posez la question c'est qu'il y a là les prémices d'un "mieux aller". Et la pensée de rencontrer un nouveau compagnon ou compagne n'a rien de terrifiant, à mon sens, si les choses viennent à leur heure. Je crois, par contre, que brûler les étapes ne sert à rien, ce qui doit arriver arrivera quoi que nous fassions pour l'éviter, ou n'arrivera pas quoique nous fassions pour l'obtenir.

Il n'y a pas de règle. J'évoque souvent mon amie qui a rencontré son nouveau mari 6 mois après le décès du précédent. C'est sa vie, et son choix, au nom de quelle morale pourrions-nous nous choquer de sa décision ? Chacun agit en tenant compte de ce qui est bon pour lui. Et quand le moment viendra de commencer une nouvelle histoire, il faudra l'accueillir avec bienveillance et en profiter sans regret ni culpabilité. Je ne crois pas que le moment venu, si ce moment vient à point et sans précipitation, on se sente coupable d'aller vers un nouveau bonheur. Même si on verse souvent une larme sur le passé, bien entendu, la vie est la plus forte et si on n'y a pas renoncé tout au début du deuil, c'est qu'inconsciemment déjà, on  préférait la continuer, chacun pour ses raisons propres... Moi mes enfants, par exemple... mais je ne renonce pas à l'idée que quelqu'un est probablement sur ma route et arrivera au moment opportun. Je ne cherche pas, mais aujourd'hui j'ai symboliquement tourné une page et me trouve devant la fin d'un cahier vierge où j'espère écrire d'heureuses choses encore !

Prenez soin de vous. Le temps nous aide à accepter l'inacceptable. Ce qui semblait humainement impossible quand nos conjoints ont disparu, comme penser à l'avenir, refaire des projets, envisager de nouvelles rencontres, devient envisageable. Et c'est qu'on commence à reprendre goût à la vie. J'espère que vous commencez à reprendre goût à la vie, sans trop culpabiliser...

Il y a peu de temps une amie m'a dit "tu es assise sur la tombe de ton mari avec tes enfants... tu dois le laisser partir maintenant, il est malheureux de ton chagrin... Il doit partir...". Oui, un jour, il faut accepter de laisser nos amours partir. Et nous, suivre notre nouvelle route sans eux. Ce n'est pas les trahir, je pense au contraire que c'est l'ultime geste d'amour que l'on a envers eux. Ne plus les rattacher à nous, et nous, être à nouveau heureux, avec leur souvenir vivant dans nos coeurs....

A bientôt. Haut les coeurs. Je vous embrasse.
M.

 

ChristineM

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #10 le: 09 août 2011 à 02:24:17 »
Sans doute ferais-je mieux de ne pas réagir mais je tiens quand même à le faire car j'avoue que cela me fait bondir. Il me semble en effet que, si au bout de 6 mois, on est capable d'envisager et de réaliser une autre relation, c'est quelque part qu'on n'éprouvait pas vraiment de l'amour avec un grand A pour la personne disparue. Ce n'est pas une question de morale mais de profondeur de sentiment.
Quant à être considéré comme enterré vivant parce qu'on souhaite vivre de ses souvenirs, là non plus je ne suis pas d'accord car vivre de ses souvenirs dans son coeur ne signifie nullement se fermer aux autres et l'on peut comme le soulignait fort justement Lauren faire en même temps quelque chose de sa vie.
Enfin, mais cela n'engage bien sûr que moi, je ne pense pas que ce soit très honnête pour le nouveau compagnon (ou compagne) de démarrer une relation en pensant toujours à celui ou à celle que l'on a perdu.  Croyez-moi, je connais bien ce problème, ma soeur ainée ayant épousé un veuf qui n'a cessé durant toute leur union de la comparer à celle trop tôt disparue pour qui il éprouvait des regrets éternels.
Maintenant, c'est vrai qu'il n'y a pas de règle et que chacun mène sa vie comme il veut.

Marico

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #11 le: 09 août 2011 à 08:26:41 »
Chère ChristineM,

Vous allez encore plus bondir quand vous saurez que les "statistiques" donnent à un homme veuf, 3 mois avant de rechercher une nouvelle compagne et à une femme veuve 1 an !...

Je ne crois pas qu'il y ait de règle. Hier j'ai rencontré un monsieur veuf depuis 6 mois, qui a reconnu qu'au bout d'un mois, il avait recommencé à chercher une compagne parce qu'il "ne pouvait pas vivre seul"...

Bon, évidemment, on peut s'interroger sur la profondeur des sentiments. Certes.
Mon amie avait 3 enfants dont le plus petit avait 3 mois à la mort de son père. Elle ne voulait pas que ses enfants grandissent sans homme. Son nouveau mari et elle ont eu ensuite un petit garçon ensemble. Je ne crois pas que l'amour qu'elle éprouvait pour son premier mari, père de ses 3 enfants, puisse être remis en question par son choix de continuer à vivre coûte que coûte, au mieux pour elle et pour eux. Je l'ai pour ma part trouvée courageuse de reprendre une vie "normale" aussi vite.

Oui, vivre le reste de sa vie dans ses souvenirs, ne plus avancer, rester arrêté en plein vol à vénérer l'absent/e, à l'idéaliser, pour moi ce n'est pas vivre... Le chagrin éprouvé par notre deuil, aussi terrible soit-il, finit par lâcher prise. Et un jour, on envisage de vivre une nouvelle relation. Peu importe le temps que prend le deuil, pour moi, la douleur éprouvée est tellement immense que je ne jugerai jamais du désir de ceux qui veulent reprendre, plus vite que moi, une vie "normale". C'est leur droit et le prix payé, dont personne ne veut par ailleurs, leur octroie le droit de choisir LEUR moment, même si ce moment peut choquer, ou peut déplaire, ou peut étonner...

Ne pas oublier celui ou celle qu'on a perdu, ne veut pas dire ressasser sans fin sur le bonheur perdu... En effet, je plains votre soeur aînée, ça n'a pas dû lui être facile de trouver sa place. Mais encore une fois, c'est un choix. Et si le choix c'est de démarrer une nouvelle relation, c'est aussi accepter que l'autre soit différent, l'apprivoiser et se laisser apprivoiser, oser tenter le coup une nouvelle fois... c'est bien là le dilemne, aimer à nouveau sans culpabiliser, laisser au nouveau/nouvelle-venu/e la place qu'il ou elle mérite dans notre vie.

Oui, chacun mène sa vie comme il veut.
Nous savons sur ce site que le chemin est long, semé d'embûches, de doutes et d'interrogations. C'est pas facile, c'est bien pour ça qu'on vient en parler ici, lieu dans lequel on peut parler de tout ça sans jugement, ni colère, ni incompréhension, dans la gentillesse et l'empathie. Chacun apporte son petit caillou à l'édifice, à sa façon...

Cordialement.
M

ChristineM

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #12 le: 09 août 2011 à 09:26:52 »
Bonjour Marico,
Ne croyez pas que j'ignore ces statistiques. Seulement la question que je me pose, c'est combien y a-t-il dans ces conditions de nouvelles relations réussies ? Bien sûr qu'il y a mille raisons à souhaiter reconstruire sa vie et la pénibilité de la solitude en est certainement la première mais vous ne m'ôterez pas de l'idée que ce "ménage à trois" n'est pas juste pour le nouveau ou la nouvelle qui, vous le dites vous-même, mérite une vie normale et heureuse.
Ma soeur a eu également un enfant avec ce monsieur et a tout mis en oeuvre pour aider cet homme qu'elle aimait profondément mais lui ne parvenait pas à se reconstruire car il n'avait pas fait le deuil de son épouse. Il laissait ma soeur seule fréquemment et de longues heures pour rejoindre en pensées ou sur sa tombe son épouse disparue. Cela a duré des années puis malgré leur petite, ils ont fini par divorcer. Un énorme gachis.
Pour moi, il ne s'agit nullement de porter un jugement sur qui que ce soit mais simplement d'échanger ici des vues qui puissent être différentes. N'est-ce pas ainsi que l'on peut avancer ?

Hors ligne bruno

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Re : De la culpabilité
« Réponse #13 le: 09 août 2011 à 10:23:30 »
                 Bonjour Christine, sans juger de ces situations je vois quand meme qu'il y a contradiction dans tes "posts".

    Dans un,tu dis que refaire sa vie "trop rapidement"voudrait dire que finalement l'Amour n'etait pas si profond que ca,et dans un autre tu sites l'exemple de ta soeur qui mariee avec un "veuf recent"est delaissee par cet homme qui rejoint par la pensee son epouse defunte sur sa tombe...

    Apparement,l'amour existait bien et persiste (au detriment de sa nouvelle femme,ta soeur,malheureusement)Cela rejoint l'avis de Marico qui elle,parle de cet homme qui a vite retrouve quelqu'un dans sa vie car il ne supporte pas la solitude.

   C'est bien la l'erreur,ou la confusion peut s'installer.Peut on dire que le mari de ta soeur n'aimait pas vraiment sa femme parcequ'il s'est rapidement remis en menage?Ou bien etait il vraiment perdu et refusait sa solitude?

   Au final,si quelqu'un semble etre frustre par son amour,je ne pense pas que ce soit sa defunte qui le soit,mais malheureusement peut etre ta soeur qui voit que cet homme porte encore des sentiments tres profonds pour "l'autre",celle qui n'est plus,mais qui est tellement vivante dans son coeur a lui...Elle a du en souffrir,c'est dommage.

  Ne te vexe surtout pas de ce que je viens d'ecrire,mais c'est vraiment ce que je pense en lisant tous ces messages sur la meilleure facon de "refaire une vie ou pas".Le temps n'a pas vraiment valeur d'etalon,seul la vie l'a.

  Peut etre que cet homme aurait agit de meme si leur rencontre s'etait faite des annees apres la perte de sa femme,car peut etre qu'il ne peut se libere d'une culpabilite qui le fait aller vers quelqu'un tout en se sentant sale par rapport a la memoire de sa femme.

  Il doit etre bien malheureux,mais en toux cas pour moi je ne dirais pas qu'il n'a pas aime sa femme parcequ'il a voulu aimer ta soeur.

  On ne peut juger du tournant que certains prennent,lis font le choix (le 4eme)de vie,et se lancent peut etre maladroitement mais au moins ils ont pris une decision et essaient.C'est courageux,mais ca peut aussi rendre d'autres malheureux par maladresse...

                                               Bruno a Sandrine 

ergé

  • Invité
Re : De la culpabilité
« Réponse #14 le: 09 août 2011 à 11:19:31 »
Bonjour,

Je lis vos réactions, et elles sont toutes intéressantes ; personnellement, je crois que je les avais déjà toutes envisagées plus ou moins auparavant, au moins inconsciemment. A certaines qui m’interpellent particulièrement, je souhaite cependant réagir.

Oui Bruno, tu as raison, qui à part nous peut se permettre de juger de notre comportement en la circonstance, même si je sais que, quoi que je fasse, personne ne s’en privera. A ceux-là, comme tu dis, je cède bien volontiers ma place, rien qu’un instant, juste pour voir et juger alors en pleine connaissance de cause. Peut-être leur sentence serait elle alors bien différente.

Au nom de quelles règles, de quel Code juger alors ma propre conduite? Cette culpabilité née de mon imaginaire et qui, je le perçois fort bien, comme tu le dis Bruno, est naturellement infondée, injustifiée, n’est que le fruit de ma conscience. Elle-même a été façonnée par ma culture judéo-chrétienne, les tabous qui y sont attachés et la place qui y est dévolue aux morts ; elle résulte aussi de mon éducation, de mon expérience et de mon éthique propre de la vie. Difficile de m’affranchir d’un coup de tout cela. Pourtant, je pense qu’un jour il me faudra m’y atteler, car, quoi que je fasse, quelle que soit la place que je lui garderai à jamais dans mon cœur et alors que je sais maintenant, au bout de 18 mois (aujourd’hui même, 9 août) qu’elle ne reviendra pas, j’en suis sûr, c’est ce qu’elle aurait souhaité.

A Lauren, je dirais que l’altruisme qu’elle envisage n’est pas un nouveau chemin. Rien n’empêche de vivre sa vie et de donner aux autres, en plus. Pourquoi renoncer à vivre un peu pour soi ? Alors, foncer tête baissée dans cette voie, en en faisant tout son nouvel univers ? Cela  ne me semble pas être un chemin alternatif, juste une échappatoire, comme pourrait l’être, pardon,  la comparaison va te choquer peut-être, le jeu ou l’alcool ; rien d’autre qu’une façon d’oublier, de s’oublier soi-même, de s’étoudir. C’est aussi, je crois, refuser de regarder la réalité en face et d’assumer sa culpabilité, sujet de mon post, en se donnant, à contrario et à tout prix bonne conscience. C’est pour moi, vis-à-vis de son défunt, pardon encore de cette image, rentrer dans les ordres. Personnellement, je ne refuse pas de faire le bien, mais je ne suis pas prêt pour la vie monastique (aucun rapport avec le sexe dans mon propos, qu’on se comprenne bien ! encore que, le sexe fasse partie de la vie, ça aussi, il me semble, il faut l’assumer).

A Marico, je veux te (vous/te, même si je ne le fais pas facilement dans la vie, ici le « te » me semble plus convivial et justifié, ne sommes nous pas tous frères et sœurs dans le même bateau. Ne le prends surtout pas comme une marque de familiarité et ne te sens pas obligée de faire de même si tu ne le souhaites pas) dire que je partage complètement ton propos sur la date de ce que j’appellerai un retour à la vie : chacun son rythme et les statistiques, là comme dans beaucoup de domaines, ne doivent surtout pas être prises comme une norme. Quant aux chiffres eux-mêmes, ils ne me surprennent qu’à moitié ; la vie est courte, l’espérance de vie plus encore, notamment pour les hommes, et on le sait bien quand on se retrouve veuf ou veuve à 50 ou 60 ans. En outre, j’ai lu et je ne suis pas loin de le croire (pardon d’avance aux féministes qui ne seraient pas d’accord) qu’il est plus facile à une femme qu’à un homme d’accepter de finir sa vie seul.

A ChristineM enfin, je veux dire que, non bien sûr, il ne faut pas se précipiter à tout prix vers un avenir d’où seraient exclus les sentiments, juste pour se persuader d’avoir rompu sa solitude. Oui, bien sûr aussi, je le crois, ce sera toujours un ménage à trois, voire à quatre, si le nouveau partenaire (c’est bien de cela qu’il est question) est lui-même veuf ou veuve. Jamais personne, en ce qui me concerne, ne viendra prendre la place qu’elle a laissée vide auprès de moi ; non, juste occuper une autre place, vide elle aussi. Alors à chacun de savoir se conduire : au veuf ou a la veuve de savoir respecter la/le nouveau venu, en lui faisant une vraie place et en n’en faisant pas un substitut du disparu, un bouche-trou en quelque sorte, et au nouveau venu aussi de savoir prendre sa place dans une histoire qui s’est achevée douloureusement et sur laquelle personne ne peut  accepter de tirer un trait définitif. J’ai lu, ici ou ailleurs, je ne me souviens pas, la réflexion de quelqu’un qui disait que le partenaire idéal de cette nouvelle vie serait celui qui partagerait tout, y compris le fait d’aller se recueillir sur la tombe de celui/celle qui l’a précédé. Je ne sais pas s’il faut absolument en demander autant, mais ça mérite réflexion.

Pardon d’avance à ceux qui viennent d’entrer dans le deuil et à qui mes propos pourraient sembler déplacés. Mais nous sommes nombreux ici, nous avons tous une même souffrance alors que nos histoires (âge, vie commune, circonstance du décès, date du deuil, etc…) sont différentes. L’important, pour vous comme pour moi, est de pouvoir parler, dire et échanger avec ceux qui le souhaitent. A chacun ses souffrances, ses questions, en fonction du moment. Et de l’humeur aussi…