Ancienne de TLD, il y a bien longtemps que je ne suis venue ici .
Sans doute une nouvelle phase de découragement, de passage à vide, de sensibilité exacerbée m'oblige à faire un point de mon vécu.
Comment trouver les mots pour dire le désespoir, presque plus dû à l'annonce de la maladie plutôt qu'au décès, celui-ci étant "estimé" dès le diagnostic de la maladie ?
Je n'ai pas eu le temps ni la possibilité de comprendre ce que cela devait entraîner dans les mois qui ont suivi ni de "digérer" le fait que mon mari allait mourir avant ses 60 ans !
L'accompagnement, l'entourage que j'ai pu mettre en place autour de lui, c'était la normalité, la suite de mon amour pour cet homme qui m'a apporté tant de bonheur pour peu de temps tout compte fait, 17 ans de mariage.
Je me suis oubliée, je n'ai vécu que pour lui et par lui, au rythme des visites médicales, des hospitalisations, des analyses biologiques, des ordonnances à faire accepter.
De sa femme, de son épouse, je suis devenue infirmière, gouvernante, régisseur de la maison et du jardin, diplomate pour lui laisser le rôle de "maître de maison".
Il a laissé sa vie, j'ai laissé ma santé.
Seul notre, mon amour a résisté.
J'ai pu être en mi-temps thérapeutique, me permettant ainsi de continuer le travail et de passer de longues heures les après-midi à son côté, que ce soit à la maison ou lors de ses hospitalisations.
L'entourage familial et amical a pris de la distance. Beaucoup de distance... Par manque de compréhension ? ¨Par peur ?
Par difficulté de dialogue ?
Comment prendre le temps d'expliquer l'inexplicable ? L'issue intolérable à envisager ? et que d'ailleurs on se refuse soi-même à envisager..... jusqu'au moment !
Il a fallu tenir 3 ans dont les 9 derniers mois ont été à la fois très longs en tant que douleur et très courts, beaucoup trop courts....
Égoïstement, je l'aurais bien gardé encore et encore mon coeur....
Puis est venu encore un temps à tenir. Tenir devant les démarches, la reprise du travail à temps complet et je dirais, de la tenue du quotidien à temps complet. Mais, seule désormais. Dans une bulle de détresse que peu de personnes ont tenté de briser.
Sans doute de ma faute. Inapprochable ? Difficulté à parler ? Envie de parler de ma douleur, de mon coeur. Alors que le "monde" souhaitait ne pas aborder le "sujet", difficile ou tout simplement retour à leur petite vie quotidienne ?
La mienne de vie a été explosée. J'ai perdu mon mari, mon ami, mon confident, mon amant, mon protecteur, ma moitié.
J'étais devenue bancale, unijambiste, au bord d'un précipice insondable.
Des hauts, de tous petits hauts ont commencé à succéder à des bas, de grands, très grands bas.
Impression de m'enfoncer dans une piscine de plus en plus profonde. Je ne savais plus nager, je ne faisais que me battre contre les éléments, les vents, les eaux, la terre entière.
Et puis, des petits défis lancés à moi-même, réapprendre à faire des repas à heure fixe, même pas très équilibrés, il avaient l'avantage d'exister. Réapprendre à me coiffer, me maquiller, un peu. M'habiller (obligatoire si on veut travailler).
Mais tout ceci surtout pour lui, parti, qui aimait me voir et me regarder dans ma meilleure présentation.
Ce n'est pas parce que je ne voyais plus ses yeux que ses yeux ne me voyaient pas.
D'ailleurs, j'ai longtemps fonctionné ainsi (et encore maintenant), je fais pour lui, en pensant à lui, en lui prêtant mes yeux pour observer un beau paysage, par exemple.
L'année qui a suivi m'a montré et prouvé que je pouvais "gérer" ma barque, avec quelques, beaucoup d'écueils bien entendu.
Il est avec moi. Il m'aide au plus profond de moi. Il est entré petit à petit en moi au point que je ne me sens plus tout à fait seule, son amour, notre amour est ma meilleure couverture.
Je me suis fixé un cap. J'essaie de le tenir encore.
J'ai eu la chance de rencontrer avec TLD des personnes biens, de bonnes personnes, qui ont accepté de m'écouter, de me conseiller, même sans le vouloir.
Par ailleurs, j'ai pu me faire de nouvelles connaissances, des amies de galère, avec lesquelles je peux partager, douleur, peine, mais aussi joie, douceur.
Car il faut bien le dire, les amis du couple ne sont pas devenus les amis de la veuve, la famille du couple n'est pas restée la famille de la veuve.
Il faut donc aller de l'avant, avancer parait-il. Pour aller où ? aller vers quoi ? aller pour qui ?
Ces questions sont toujours sans réponse.
Ou plutôt si, une seule, toujours la même. Parce qu'il l'aurait voulu.
Tout simplement.
En mars débutera la 3ème année. Quelle sera le challenge ? car s'en est un, il ne faut pas se leurrer. Le challenge de la survie, le challenge de la continuité.
Le choix, je l'ai eu après son départ. Car on a toujours le choix. Celui d'arrêter la souffrance, de cesser la survivance.
Je ne l'ai pas fait.
Je n'ai donc plus qu'un choix, celui de continuer, de poursuivre mon chemin caillouteux où chaque obstacle me fait douter, me fait tomber.
Mais le choix est fait de me relever, difficilement, avec des bleus à l'âme de plus en plus forts.
Mais une certaine douceur m'a envahie. Les larmes sont souvent plus tendres, une certaine chaleur me remplit alors.
Une nouvelle vie se crée. C'est peut-être par ce que l'on entend "refaire sa vie" ?
Moi, je ne la refais pas, je la continue.
J'ai "accepté" son départ, j'ai "accepté" de tourner la page du livre de ma vie.
Mais comme tout livre, le chapitre que je commence à écrire actuellement est issu des chapitres précédents, il sera emprunt de son amour, de notre amour, car cela seul survivra.
Merci pour ceux et celles qui ont accepté de me lire jusqu'ici.