Mon entretien a duré 2h30 et s'est très bien passé. Un bilan très positif de l'année écoulée malgré mon absence de 3 mois et les difficultés rencontrées lors de ma reprise. Ma responsable m'a dit qu'elle n'avait eu aucun doute quant à mes capacités à revenir au niveau. Euh, moi un peu, chef !!! Elle connaît mon histoire personnelle jalonnée de drames et de bouleversements personnels et m'a rappelé combien j'étais armée et capable de toujours faire front...
Et puis, des perspectives d'évolution à venir à très court terme puisque la semaine prochaine, j'intègre pour un mois de test un autre service le temps d'être formée sur un volet très novateur et particulièrement en adéquation avec mes compétences. A l'issue de cette période d'un mois, il restera à voir avec ma responsable et le directeur adjoint, les modalités de mes nouvelles fonctions (combien de temps sur ce nouveau volet et combien de temps accordé aux traitements des dossiers actuels). Cela fait 5 ans que je suis arrivée dans son service suite à un reclassement professionnel pour inaptitude à mon poste de travail (j'ai subi une très lourde opération du dos en 2010 et depuis, je souffre de séquelles invalidantes). Mais elle n'a été mise au courant de mon arrivée que 3 jours avant que j'arrive. L'accueil a été pour le moins glacial... Je comprends au vu des dossiers que je traite depuis, qu'en effet, si on m'avait réellement accompagnée lors de ce reclassement, jamais on ne m'aurait mis dans ce service. Je n'avais aucune des compétences requises pour la tenue de ce poste. Elle a vu tout de suite quels étaient mes atouts (relationnel très fort surtout) et a réussi enfin à me faire évoluer vers autre chose. Mais et c'est valorisant, elle me garde dans son service. J'en suis ravie puisque je maîtrise à présent totalement mon sujet. J'ai abandonné avec son aval un type de dossiers où je pouvais rester 8 heures devant sans avancer d'un poil, je ne comprenais rien... J'ai pourtant suivi les formations adéquates mais vraiment, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !!! Donc, je mets à jour mes dossiers et je ne les reverrai que dans un mois !
Je pense qu'elle n'a pas tort en disant que je suis armée. J'ai vécu le suicide de mon frère, j'avais 17 ans. La jeune fille que j'étais alors n'a plus rien à voir avec la femme que je suis devenue. Le geste de mon frère a fini de me faire grandir et je suis tombée durement de mon petit nuage de l'époque. Mes parents sans le vouloir, par leur attitude après son suicide, m'ont obligée à grandir aussi. Depuis, j'ai décidé d'être acteur de ma propre vie et de ne jamais subir ma vie. Le suicide de Pascal m'a fait vaciller bien évidemment (retour des angoisses, des cauchemars, colère explosive...) mais passées les premières semaines, pour mes enfants, je me devais d'être forte. Je les admire pour leur force. Ils sont incroyables. Ils ont repris le chemin de l'école (à leur demande) la semaine qui a suivi le décès pour retrouver la normalité de leur vie même si elle n'a plus rien de "normale". Je ne pouvais, moi, flancher. Alors, l'énergie que j'ai en moi, elle vient d'eux. Elle est pour eux.
Mais, on est tous différent face aux épreuves de la vie, je n'ai aucune difficulté à l'admettre. Si tu lis mon histoire, tu verras que j'ai beaucoup joué avec le feu (enfin l'alcool) après le suicide de mon frère. Je n'ai pas toujours eu la force que j'ai aujourd'hui... Ne dit-on pas que pour rebondir, il faut avoir touché le fond ? Moi, je l'ai touché et je m'en suis sortie sans dommage. Juste avec une croyance, la force ne vient pas des autres, elle est en nous...
Alors, bien sûr, que j'ai des coups de cafard, des colères homériques qui me dévastent et effraient mes enfants (et moi aussi d'ailleurs), des coups de fatigue, des envies de baisser les bras... Mais après un câlin réconfortant à mes trois amours, une nuit à pleurer, la force et l'envie de rebondir reviennent...
Concernant le papa de mes enfants, je livre une ultime bataille pour que son suicide soit reconnu comme accident du travail. Mais je n'ai pas eu le courage de porter plainte pour le harcèlement moral qu'il dit avoir subi... Tu vois, mon courage a aussi ses limites... On fait ce qu'on peut !
Douce soirée,
Muriel.