Bonjour Anic,
Je viens te faire un humble et doux petit coucou
, au milieu de cet enfer atroce qui t'éprouve abominablement.
Le silence peut être une violence, oui. Et trouver des mots sensibles implique de se prendre une petite brûlure: c'est ça, "aller au feu". Et y a pas mal de gens qui tournent les talons et même le regard face aux flammes.
Ma combinaison est à nouveau bonne pour l'atelier de rapiéçage: avant-hier, une de mes amies a fait une tentative de suicide, décidément le feu couve toujours quelque part, vouloir combattre les incendies c'est jamais fini.
Quand j'ai perdu mon neveu adolescent Kalahan, qui s'est donné la mort il y a 6ans et demi, j'ai essayé d'arroser de mots tempérés tous ces départs d'incendie à la ronde, éperdument ...
Hélas, on n'a de capacités que pour calmer son propre enfer, c'est l'impression assez décourageante que je tire de beaucoup d'expériences.
Décourageant mais pas si nul que ça, Anic, parce qu'il reste la possibilité de partager, même s'il est rare que la personne à qui l'on offre cette part d'indicible approximativement formé, peint, écrit, chanté, mimé, parfumé, puisse s'en servir pour forger ses armes personnelles.
Tu sais ce que sont ces armes personnelles qui peuvent être concrétisées par les réalisations artistiques, ou autrement bien sûr.
Tu es pour le moment encore fort dans le doute par rapport au fait cela soit si important : c'est ce foutu refrain "à quoi bon" qui mine pendant des années les endeuillés.
Parfois on se sent bloqué(e), oui, c'est normal je pense. Cela s'explique sans doute par le fait que notre "vouloir" théorique ne soit pas encore devenu un vouloir de plein accord affectif, il faut passer plus de temps à épier les failles de l'enfer pour cela.
Les enfers ne se fissurent qu'à la longue et par la force des cœurs qui continuent d'aimer: chuuut, ils n'aiment pas qu'on le dise, ils vont répéter dans le haut-parleur que ça ne sert à rien, mais moi je te le dis, à force d'amour on passe dans ces interstices et on s'échappe.
Les œuvres, artistiques ou autres, ne sont jamais une obligation: à chacun(e) de sentir quand le moment arrive, de quelle manière peut naître cette richesse, et enfin quand les "pourquoi" sont remplacés par "je le fais tout simplement", et que ça fait du bien.
Amicalement et solidairement, Martine.