"Les ados, c'est comme des hirondelles, ça ne doit pas être isolé"
message du psychiatre Xavier PommereauIsolés, stigmatisés, invisibles... Xavier Pommereau est psychiatre à Bordeaux, spécialiste de l'adolescence en difficulté. Il nous explique comment les jeunes vivent la crise sanitaire, les symptômes qu'il constate et nous livre ses conseils pour les aider à la traverser.
Xavier Pommereau a créé la première unité en France dédiée à l'accueil des jeunes suicidants, il y a presque trente ans au centre Abadie du CHU de Bordeaux.
Il un regard très critique sur la politique du gouvernement envers les jeunes.
Comment, selon le psychiatre que vous êtes, les jeunes vivent-ils la crise sanitaire et sociale ?Il faut garder en tête que les jeunes ont bien supporté le premier confinement. Il était assez précis, global et pas très durable dans le temps, deux mois maximum. Et ils l’ont assez bien vécu. Ils respectaient même mieux que certains adultes les règles sanitaires. Ça a commencé à se gâter lors du deuxième confinement. Ils l’ont ressenti comme flou et injuste. Ils ne comprenaient pas pourquoi certains commerces étaient ouverts alors que certains bars respectant les gestes sanitaires ne l’étaient pas.
Ce sentiment d’injustice s’est aggravé avec le temps. Et aujourd’hui, ils redoutent un troisième confinement. Ce qui les inquiète aussi, c'est la dévalorisation de leur diplôme ou examen. « Tu as eu ton bac covid mais il ne vaut rien. »
Quels symptômes constatez-vous ?Face à ces difficultés, certains ont des crises d’angoisse qui surviennent sans cause déclenchante. La gorge qui se serre, la poitrine qui se comprime, une sensation de ne plus bien respirer… Des crises d’angoisse aigües qu’ils n’avaient pas développées avant et qui sont provoquées par cette situation.
Certains développent aussi un repli dépressif. Ils se replient dans leur chambre. Ils se réfugient dans des jeux vidéo, ne font plus que ça. D’autres se coupent de leurs amis ou, au contraire, vont sur les réseaux sociaux pour trouver de l’appui. Ils découvrent que le distanciel ne se suffit pas à lui-même. En temps normal, ils vont tous sur les réseaux sociaux. Mais il y a aussi du présentiel. Là, ils ont l’impression d’être isolés. Il leur manque la relation avec les autres. Les étudiants plus que les autres.
On a supposé qu’ils seraient capables de supporter les cours à distance. Mais ils sont comme les collégiens, les lycéens, ils ont besoin de voir les autres. Certains décrochent. Ils ne suivent plus les cours. Ils ont le sentiment d’être noyés, d’avoir davantage de travail. Certains ne s’habillent plus, ne se lavent plus, ne quittent plus leur lit dans leur chambre universitaire. Ils vivent ce que vivraient, toute proportion gardée, les gens dans des ghettos.
Ils n’acceptent pas qu’on entende parler des remonte-pentes et pas des universités. Ils ne comprennent pas pourquoi la fac reste fermée alors que, le samedi après-midi, la rue Sainte-Catherine est noire de monde. Ils se sentent discriminés. On les stigmatise en croyant à tort qu’ils passent leur temps à transgresser les règles, à participer à des fêtes sauvages, à des raves comme à Rennes. La plupart ne font pas cela. Ils sont souvent loin de leur famille. Ils ont perdu la ressource qu’étaient les petits boulots.
Leur avenir incertain les inquiète-t-il ?Ils ne sont pas contre payer la dette de la Covid. Ce qui les inquiète, c’est de voir qu’ils vont avoir du mal à trouver du travail, une orientation. Ils pressentent que de nouveaux métiers vont émerger dans l’écologie mais on ne leur dit rien. Le discours du pouvoir public parle d’éoliennes, de développement durable mais pas des emplois que cela va amener. On se contente de dire « on pourrit la planète » sans leur donner les moyens d’agir. Ils n’ont pas accès à des conseils. Avoir en face de soi le portail de parcoursup pour choisir son orientation, c’est inquiétant. Je ne comprends pas une telle ignorance de la gravité des implications pour les jeunes.
Sans parler de l’effet des masques. Ils ne peuvent plus se serrer dans les bras, s’embrasser à un âge où l’on a besoin de faire corps avec les autres. Les relations amoureuses sont virtuelles. Ils en souffrent énormément. Les ados, c’est comme les hirondelles, ça ne peut pas être isolé. C’est comme s’ils n’existaient pas. Il n’y a aucun message à leur destination pour le vaccin. Aucun calendrier.
Comment les enseignants, les parents, les adultes peuvent aider les jeunes ?Il faut qu’on s’exprime, qu’on dise qu’on n’est pas d’accord. C’est ce que je fais en répondant à vos questions. Et il faut réintroduire du présentiel dans le respect des gestes barrière. Dans notre centre, nous tenons des réunions en présentiel, deux fois par semaine. Je vais des visios mais cela ne suffit pas. De la même façon, tel enseignant qui va avoir 12 étudiants qui font leur mémoire, il faut qu’il les rencontre en petit groupe. C’est scandaleux en terme de méconnaissance du fonctionnement de ces jeunes dits « du numérique ».
Certains responsables politiques croient que parce qu'ils sont fluides avec le numérique, le présentiel leur suffira. Le comité scientifique n’inclut aucun psy. Il n’est question que de quantité de vaccins….
Nous sommes interrogés par les médias mais pas par le gouvernement. Notre boulot, c’est de s’occuper des jeunes mais on ne nous demande rien. C’est très mauvais que les responsables politiques se coupent de la jeunesse.
Et les parents ?Les parents, il faut qu’ils soient compréhensifs. Surtout ne pas supprimer le portable. Ne pas leur laisser la nuit le jour, bien sûr mais peut-être aménager des plages horaires. Il faut les encourager à prendre l’air et être avec d’autres, favoriser des moments de rencontres en respectant les règles sanitaires. Certains parents, par exemple, sont d’accord pour que leur enfant fête son anniversaire en tout petit comité, moitié en extérieur, moitié dedans. S'ils invitent des copains à la maison, certains parents ont peur qu’ils apportent la covid. Ils se sentent pestiférés.
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Pas pour la personne qui a écrit mais pour
le contenu ! L’inquiétude pour les étudiant-e-s, leur santé mentale, le fait qu’ils soient actuellement particulièrement isolé-e-s, exclu-e-s et aussi muselé-e-s ciblé-e-s par certaines mesures …
« On en a plein le derrière.
Et je reste poli, je pense à ma mère.
Y en a marre.
Ca suffit.
On vous a donné un an, oui, tout un printemps à l’isolement, avec les Ausweis pour sortir, les parcs et jardins interdits, les enfants enfermés, les grands-parents qui ne voient plus les petits. Et depuis, c’est pire, on vasouille, déconfinement, re-confinement, re-déconfinement, et peut-être, bientôt, le re-re-confinement, plus les couvre-feux à 20 h, à 18 h, les commerces ouverts, fermés, ouverts, les pas plus de six à table.
On patauge, on pédale dans la semoule.
On vous a donné un an, un an pour tout rater, les masques, les tests, les vaccins.
On vous a donné un an d’obéissance, de docilité comme jamais, mais maintenant, y en a ras le bol.
Ma claque.
Ca craque.
Fin décembre, je rencontrais
le président de l’Université de Picardie : « On a fait passer des questionnaires auprès de nos étudiants, il me racontait, sur les 3450 réponses qui nous sont remontées, 20 % ont scénarisé leur suicide. »Waouh.
Ca me paraissait énorme.
J’avais beau les entendre, les lire, ces témoignages, de Maëlys : « J’ai envie de me taper la tête sur la table, tellement je n’en peux plus », Jessica, « Je pleure tout le temps, je ne me fais même plus à manger, je passe mes journées allongée dans mon lit », de Yann, « J’ai même picolé seul dans ma chambre tellement j’étais désespéré », j’avais beau, 20% de notre jeunesse étudiante qui aurait scénarisé son suicide, y a un biais d’enquête, je me disais.
Et puis, vient de tomber, l’étude, nationale, elle, de Santé Publique France.
Près de 30%, 29% exactement, des 18-25 ans sont en dépression.
50 %, la moitié, un sur deux, sont inquiets pour leur santé mentale.
Et certains, combien ?, ne se contentent pas de le scénariser, leur suicide. Cette semaine, un étudiant vient de se défenestrer à Lyon. En novembre, c’est à Nice, à Montpellier, que deux drames survenaient. Et un autre, en octobre, à Nancy. Les organisations étudiantes vous demandent cela : combien de suicides ? Combien ?
Nous l’ignorons.
Vous l’ignorez.Et vous répondez à la détresse par un numéro vert !
C’est de la faute au virus, vous me direz. Oui, évidemment, en partie.
Mais c’est de la faute, aussi, à votre politique.
D’abord, parce que vous n’en avez rien à secouer, de cette santé mentale. La preuve ?
Dans votre conseil scientifique, dans votre conseil de défense, pas un seul expert, pas un seul médecin, pas un seul statisticien qui travaille là-dessus, sur la santé mentale. C’est la marque, évidente, que ça ne pèse pas dans la balance, ces dépressions, ces idées suicidaires, ce mal-être psychique. Que dans vos décisions, ça ne compte pas.Vos décisions, justement, quelles décisions ? Comme un ça va de soi, à l’automne, vous fermez les amphis, vous fermez les facultés, vous fermez les universités. Les profs se débrouilleront avec Zoom, ils feront de la visio, c’est l’avenir, quoi, le numérique, qu’ils s’y mettent enfin, ces ringards, l’occasion de moderniser tout ça, de massifier pour pas cher.
Les usines tournent.
Les sites Amazon tournent.
Cet amphi, ici, de 577 personnes, tourne.
Mais les autres amphis du pays, eux, doivent fermer. Pourquoi ? Après quelles discussions ?
Après zéro discussion.
Où met-on en question que, au fond, on enferme les jeunes pour protéger les plus âgés ? Ni ici ni ailleurs.
Où examine-t-on le pour et le contre de mesures plus ciblées, sur les plus fragiles, sur les plus à risque, plutôt qu’un confinement généralisé ? Plutôt qu’un pays mis à l’arrêt ? Ni ici ni ailleurs.
Alors, je viens ici, pas pour pleurnicher, mais avec une demande claire, nette, précise :
Rouvrez les amphis.
Rouvrez les amphis !
Rouvrez les amphis !
Décidez-le tout de suite, et faites-le très vite.
Si, demain, vous re-confinez le pays, eh bien vous les re-confinerez avec. Vous les re-confinerez avec les entreprises. Vous les re-confinerez avec les lycées, avec les collèges, avec les écoles. Soit. Comme toute la Nation. Mais pas, aujourd’hui, contre eux, une loi d’exception.
Cette demande de bon sens, vous n’en ferez rien, et je veux dire pourquoi.
Pourquoi, depuis un an, l’enfermement des jeunes.
Pourquoi leur mort sociale.
La réponse est simple :
Ils ne votent pas, ou peu.
Ils ne sont pas, ou peu, organisés.
Ils ne protestent même plus.
« S'il ne fait aucun doute que des révoltes ont existé, écrivait Max Weber, ce qui appelle manifestement une explication, c'est surtout le fait qu'elles n'aient pas été plus nombreuses. »
Et oui, j’espère, j’aspire, à une révolte des jeunes.
Que leur vitalité se répande en cris, en manifs, plutôt qu’une une résignation mortifère, solitaire.
Oui, je préfèrerais qu’ils prennent la rue plutôt que du Xanax. »
François Ruffin
18 janvier 2021