Bonsoir,
Ma mère s'est suicidée en octobre 2011. J'ai 24 ans. Je n'ai pas réagi comme toi, j'aurais aimé, j'ai culpabilisé, elle a également fait des tentatives de suicide, je ne comprenais rien je pensais que c'était des appels au secours mais en fait j'ai réalisé que ma mère aurait pu mourir en 2007 lors de la première, ou après, ou être encore en vie. Que c'est un hasard dans le dosage des médicaments, de l'alcool, de son état de santé... Ma question a longtemps été: pourquoi cette fois-ci ça a marché? Et cette prise de conscience que j'aurais pu la perdre plusieurs années avant. Mais contrairement à toi, les autres fois, tout ce temps, je ne me disais pas que ça arriverait, pour moi c'était normal qu'elle rate, qu'elle se réveille toujours... J'ai traversé tellement d'état différents durant ce deuil, de souffrances différentes, et ça continue ou plutôt revient, la souffrance directement liée à la mort de maman a laissé place à une sorte de mal-être, d'incompréhension de la vie, de son sens, une absence de goût par moment pour la vie, ça vient d'un coup, quelques heures, et ça repart, et dans ces moments j'entrevois ce que ma mère a pu vivre durant ces 4 années de dépression mais en moins intense et moins long et c'est horrible. Dans ces moments j'ai peur de tomber en dépression, de rester comme ça toute ma vie et de vouloir à mon tour mourir. Donc la peine à proprement parler pour ma maman, s'est dissipée, vraiment, a laissé place à ce mal-être qui bien sûr est lié mais ce n'est pas du tout la même souffrance, et là je souffre de nouveau pour ma maman c'est confus ce que je dis je ne sais pas l'exprimer autrement... Bref, ça revient, et de toute façon je n'ai pas réussi à lui laisser une place dans mon coeur, établir un lien intérieur avec elle, c'est soit je souffrais terriblement en pensant à elle soit je vis "normalement" et "oublie" ma situation, et l'"oublie" avec des guillemets je ne sais pas comment dire. Bref, pas d'entre-deux. Les périodes de répit sont de plus en plus longues, aussi j'ai hésité à écrire dans la rubrique sur la reconstruction, mais il se trouve que j'ai une baisse de moral depuis le début du mois, ça arrive le w-e, je fais une fixation sur le w-e, ça en fait trois que je vis en dents de scie, l'ennui, la baisse d'activité comparé à la semaine, et ma maman est décédée un dimanche, avant je détestais le dimanche, maintenant c'est pire. Je ne sais pas ce que je cherche en écrivant tout ça. J'ai l'impression d'avoir des "névroses" depuis qu'elle est partie, je m'analyse tout le temps, j'analyse tout, je recherche les causes de tout, je culpabilise de mes comportements très souvent, peur que les gens soient mal à cause de moi par exemple, même des trucs débiles, avant je n'étais pas du tout comme ça. Par moment je redeviens normale, mais parfois je fais des fixations, pas grand-chose, mais c'est épuisant, la vie coule moins facilement. Et j'ai ce pb avec le sens de la vie, cette émotion, d'un coup m'envahit, et ma vision de la vie est changée, d'un coup plus de goût pour rien, moral au plus bas, mal-être, incompréhension de cette vie, de son sens, sa raison d'être, absurdité... Et pouf ça part. Puis ça revient. Je voudrais que ça ne revienne jamais. J'ai peur car il paraît que la dépression serait héréditaire, et je sais que même avant ça, j'avais une tendance à la nostalgie et au pessimisme, mais j'aimais la vie et pensais la comprendre, là c'est donc pire, j'ai l'impression par moment, que je vais mal, que ma vie est gâchée à jamais, que c'est trop tard, ça ne s'effacera pas, donc tout est gâché... J'ai besoin de vous, si vous le pouvez, merci.
Anne-Claire