Bonjour
Cela fait 6 semaines déjà que mes enfants Liv et Paul sont partis après un accouchement prématuré à presque 23 semaines.
10 ans qu'on les attendait dont 5, 5 années de suivi pour infertilité, des opérations, des stimulations…et ce douloureux et long parcours de la pma...mais au bout nous allions devenir parents de deux ptits loulous, deux amours....on était confiant "on ne pouvait pas connaître tous les malheurs du monde." On se réjouissait de leur arrivée en préparant leur chambre, leurs futurs affaires...on était le bonheur incarné....depuis plus rien, la vie s'est arrêtée pour eux, pour nous aussi le 28 Avril.
Le week-end précédent j'avais eu une grosse douleur en me relevant d'un siège, douleur qui s'est atténuée rapidement, mais dans la nuit du dimanche au lundi, des douleurs aiguës. Le lundi matin nous nous rendons aux urgences obstétriques de Toulouse car on ne peut obtenir avec la gynéco de l’hosto, les douleurs s'étaient arrêtées. Une sage femme m’ausculte, col fermé, les enfants sont hauts, leurs petits cœurs battent...pas de problème. Elle m'affirme que ce sont des douleurs ligamentaires sans importance, normale quand on attend des jumeaux...(étant suivie dans cet hôpital, mon dossier indiquait déjà que j'étais diabétique, avait une infection Staphylocoque doré et Streptocoque B depuis plus d’un mois). On m'a donc laissé repartir avec une ordonnance pour paracétamol sans avoir fait d’échographie. Confiants, rassurés souriants...on repart après m'être excusée d’encombrer à tort les urgences.
On se promène un peu (oui faut lutter contre le diabète), je me sens bien, les loulous bougent et donnent leur premier coup de pied à leur papa, c'est le bonheur....mais dans la nuit du lundi au mardi, les douleurs sont de plus en plus intenses, et je me dis « ben dites donc ça va être difficile d'endurer ces douleurs ligamentaires pendant les mois à venir ». Mais si c'est normal c'est normal, hein? Donc j'essaie de dormir entre deux crises de douleur, jusqu'au moment où je n'en peux plus, c'est trop douloureux...j'essaie d'aller aux toilettes, et là la poche des eaux se présente...mon mari la voit et appelle les urgences.....Aux urgences, on me demande l'écho du col...que je n'ai pas fait la veille ! et nous annonce après avoir vérifié que les bébés sont vivants que c'est fini…Liv est descendue dans le vagin. Ils sont vivants mais on nous dit de nous préparer à leur mort, décider si on veut les accompagner si ils sont encore vivants à leur naissance, si on voudra les déclarer, s'occuper de leurs petits corps....On me pose la péridurale (après 1 heure de tentative, 8 essais et une armée d'anesthésistes qui se succèdent), et l'équipe médicale nous dit « on va laisser faire la nature, on ne provoquera ni arrêtera les contractions, c'est fini pour vos bébés on va prendre soin de vous madame » L’enfer commence…un enfer inéluctable, rien à faire pour lutter, je ne veux pas accoucher mais je ne peux rien faire….nous sommes impuissants, démunis devant cette tragédie.
Notre vie s’est arrêtée depuis ce jour, chaque jour est une souffrance, une errance…un monde sans lendemain. A ceux qui nous disent « faut aller de l’avant », mais de quel avenir parlez-vous, vers ou ? comment ? A la lecture des nombreux posts sur les sites de deuil périnatal, je sais qu’il y aura de meilleurs jours, que le sourire reviendra…mais comment y arriver je l’ignore. Quand on perd ses enfants, certaines personnes ne supportent plus notre présence, celles qui se jetaient sur mon ventre se détournent de moi maintenant. Loin de nos familles et de nos amis, je me sens perdue. En plus si certains pleurent avec nous nos enfants, d’autres nient leurs existences, refusent même de prononcer leurs noms, de parler d’eux. Mon mari a repris le travail et moi je suis en congé « mat » (merci du mot, un congé mat sans bébés !), seule à la maison sans envie, sans motivation, sans énergie, vide, amputée à vie de mes deux amours. On allait avoir la famille parfaite, deux enfants, une petite fille et ptit gars…et on a plus rien, tout s’est envolé avec eux…parfois je ne sais plus si j’ai rêvé de cette grossesse ou si je vis un réel cauchemar…quand j’arrive à m’occuper l’esprit, je tressaute en réalisant qu’ils ne reviendront pas, ils sont partis pour de vrai, pour toute notre vie…que me reste-t-il d’eux, quelques photos, leurs magnifique empreinte de pieds…..et un vide abyssal, un manque de tous les jours.
Aux causes tragiques de cet accouchement, certaines hypothèses ont été avancées…infection et béance du col…est-ce qu’on aurait pu empêcher cette tragédie? un meilleure suivi de mon infection, des examens préliminaires pour le col, une meilleure prise en charge à ma première visite aux urgences (ce n’était pas des douleurs ligamentaires mais bien des contractions utérines…mauvais diagnostic !!). J’ai un goût amer, un goût de colère…10 ans d’attente pour enfin les serrer dans mes bras, et au lieu de cette joie, me voilà recroquevillée avec des doutes sur l’efficacité des soins, de leurs sérieux..et un constat évident du manque de moyen humains et financiers des hosto…Un lourd tribu à porter…des questions en suspens en attente de la prochaine réunion avec la gynéco obstéricienne et la gynéco pma.
J’ai envoyé un mail à l’ASP de Toulouse pour rencontrer d’autres parents endeuillés, pouvoir leur parler, partager avec eux…mais aucune réponse pour le moment. On est bien seul quand on est parents endeuillés, seuls avec nos souffrances, nos questions, nos peurs. J’espère sur ce site pouvoir trouver des personnes avec qui partager, échanger un peu, alléger cette vie de douleur et d’injustice.