18 avril. A peine réveillé, en y pensant, seul dans ce grand lit, j’ai les yeux embués par les larmes qui y apparaissent. C’est mon anniversaire. Triste anniversaire, comme tous ceux qui viendront désormais puisqu’elle n’est plus là pour me le souhaiter.
Petit déjeuner vite fait, pris seul, mi debout mi assis, dans la cuisine, la gorge serrée. Me reviennent alors en mémoire les anniversaires passés, les siens, les miens, tous autour d’une grande table, à la maison ou au restaurant selon les années, avec les enfants et les petits copains ou petites copines du moment, avec les petits-enfants aussi. La coupe de champagne, le gâteau, les bougies que notre petit fils se fait un plaisir de nous accompagner à souffler, elle, son sourire, son cadeau et mon bonheur de nous voir tous ainsi réunis.
Rien de cela désormais. Bien-sûr, on se réunira, sans doute le week-end prochain, pour marquer le coup, pour faire comme si… mais rien ne presse. Tous, nous n’auront qu’une image en tête : elle, sur cette chaise vide et qui n’est plus autour de la table, parmi nous. Bien-sûr, elle sera toujours présente au fond de nos cœurs, au fond de mon cœur, mais, est-ce à vous que je l’apprendrai, ce n’est pas pareil…
Même si, particulièrement ce matin, je cherche à ne me souvenir que de ces moments de bonheur passés, me reviennent aussi, cependant, obsédantes, les images de ses dernières semaines, de ses derniers jours, si douloureux ; de son courage face à cette fin inexorable, à cette souffrance, à la dépendance, à la déchéance contre lesquelles, malgré tout mon amour, je n’ai rien pu faire, sinon la rassurer, l’apaiser peut-être, l’accompagner.
Il n’y a pas de graduation dans le malheur, quand il s’agit de la perte de celle ou de celui qu’on aime. J’ai eu largement le temps de me préparer, des mois même, mais je me dis qu’à tout prendre (ne m’en veuillez pas, vous qui avez vécu cela) mieux vaut partir d’un coup, brutalement. Ces adieux qui s’éternisent dans ces circonstances sont un déchirement de tous les instants, un supplice horrible, au quotidien, même si, je le sais, on a le temps de se dire que l’on s’aime et de se dire au revoir. Et je n’ose imaginer les sentiments de celui qui s’en va et se voit partir ainsi, mort déjà, bien qu’encore vivant. Abominable, croyez-moi.
Ce qu’il y a de bien avec internet, c’est qu’on ne voit pas les larmes qui étalent l’encre sur le papier.
Voila. C’est une journée comme les autres. Une journée que j’aurais souhaité vivre avec elle. Une journée que je partage avec vous. Je sais que vous me comprendrez.