Bonjour à toutes et tous. Voici plusieurs jours, semaines que je parcours ce forum. Je me suis inscrite puis du temps a passé, j'hésite à sauter le pas. Je reconnais bien de nombreux ressentis dans mon vécu et comme j'avais lu quelque part, les endeuillés forment une communauté à part où on se sent compris quand on en fait malheureusement parti.
J'ai hésité encore, je me sens à part, car à chacune de mes lectures je vois que c'est "il" qui a perdu "elle" ou "elle" qui a perdu "il". Moi c'est "elle" qui a perdu "elle". Puis je me dis que la douleur est pareil et que pour d'autres personnes dans un cas similaire qui lisent "silencieusement", je vais apporter mon témoignage pour qu'ils/elles puissent sauter le pas aussi.
Alors voilà, le titre du fil c'est "Une de plus", une personne endeuillée de plus : moi, une personne de plus emportée par le cancer : mon épouse. 28 ans de vie commune, 10 ans de mariage. Elle avait 55 ans, j'en ai 50. Une date de plus à retenir dont je me serai bien passé : le 19 août 2024 à 14h30.
Les années 2023 et 2024 resteront de mauvaises années, je ne peux pas forcément dire les plus mauvaises parce que l'on ne sait jamais ce qui vient après. En mai 2023, découverte d'une boule au sein chez moi. Mammographie, échographie, biopsie, tout va très vite, début juin confirmation d'un diagnostic de cancer du sein, fin juin début chimiothérapie. Mais j'ai de la "chance". Stade 1, pas de métastases, pas de ganglions touchés. Le 1er protocole se passe bien, effets secondaires supportables, les cheveux ne vont pas bien eux, mais ce n'est pas grave ça repousse. Les examens montrent une disparition totale de la tumeur, génial... Mais je vais devoir quand même suivre la suite de la chimio avec le 2ème protocole prévu. Car comme je l'ai appris au cours de cette expérience, essayer de soigner le cancer, au vu des connaissances actuelles, c'est utiliser le bazooka pour tuer une mouche. Tant pis pour les dommages collatéraux...
Donc suite de la chimio dès fois qu'il resterait des cellules cancéreuses. Pas de bol, je suis allergique, choc anaphylactique et un "petit" surdosage d'adrénaline, 1 semaine et demi d'hospitalisation dont la moitié en soins intensifs. C'est dur pour nous 2. Mon épouse se surpasse comme toujours pour gérer tout ça malgré ses propres problèmes de santé. Un jour sans avoir mal quelque part est un jour où elle se demande qu'est-ce qu'il se passe. Elle a / avait une polyarthrite rhumatoïde plus plein d'autres choses que personne n'a pu vraiment diagnostiquer. "C'est dans votre tête Madame !". Pendant ce temps elle avait une grosseur à l'aine gauche. Elle ne m'avait rien dit au début pour pouvoir m'apporter tout son soutien. Mais pour la suite, pendant cette "pause" où je me remets du "choc", elle passe des examens, radio, scanner, IRM. On ne sait pas ce que c'est. Biopsie ah, c'est cancéreux ça. Mais ça traine. De mon côté, la chimio est arrêtée mais on passe à la suite, opération le 9 octobre. Mon épouse opération le 19 octobre pour enlever la "boule" et avoir un plus gros morceau à analyser. Cancer mais de quoi ? On parle de tumeur de Brenner. La tumeur de Brenner est rare. La forme maligne est très rare. Et la même "chance" que ça pour gagner au loto s'il vous plait... Ben non ça c'est trop positif. En plus, après scanner, on sait que les poumons et les os sont touchés.
Fin novembre je commence la radiothérapie. Je trouve que ça traine toujours pour mon épouse pour décider de la mise en place d'un traitement. Un jour de décembre, lors d'une visite chez sa gynécologue, alors qu'elle se plaint de douleurs à la jambe gauche, envoi aux urgences pour vérifier s'il n'y a pas une phlébite. C'est long aux urgences, je dois m'absenter un moment pour aller faire ma séance de radiothérapie. Je reviens. En fin de journée enfin, diagnostic de phlébite mais aussi embolie pulmonaire donc hospitalisation. Après retour à la maison, piqûre d'anticoagulants tous les jours (jusqu'à la fin de sa vie...).
Entre temps son état se détériore, plus de fatigue, de douleurs. Je finis ma radiothérapie, je commence le traitement d'hormonothérapie pour 5 ans. Mais je suis plus disponible. Pour mon épouse, ils veulent faire une fibro-coloscopie pour déterminer une éventuelle origine digestive du cancer (il y a des interrogations entre digestif ou gynécologique). Mais ça traine trop, on est en février. Mon épouse marche avec une canne maintenant. Finalement sa santé ne lui permet pas d'attendre cet examen, elle commence enfin un protocole de chimio. Mais tout ça, c'est pour "gagner du temps", parce que le pronostic n'est pas encourageant. Le truc c'est que, c'est combien ce "temps" ? Des mois, des années ?
Après 3 cures, ça va mieux, mon épouse utilise de moins en moins la canne, le scanner montre une régression des métastases même si certaines résistent. 3 autres cures mais qui ne servent à rien, c'était juste une accalmie. Changement de protocole. Ah c'est le même produit pour lequel j'ai fait un choc anaphylactique. Bon on a aucun lien génétique, il n'y pas plus de raison que pour d'autres qu'elle y soit allergique. Mais bon on y pense quand même. Elle n'a pas plus d'appréhension que ça. Moi j'attends un peu stressée, tout comme le personnel soignant, dont l'infirmière qui avait la "chance" d'être là lors de mon choc et qui se retrouve là aussi. Finalement, absolument aucune allergie. Mais je le vois aussi à son état, je n'ai pas besoin de scanners pour voir que ça n'a aucun effet. Entre temps on a acheté un fauteuil roulant en juillet, la moindre marche est difficile. En plus vient s'ajouter une douleur au poumon droit, un bruit de craquement à la respiration.
Visite chez l'oncologue le mardi 6 août. Soupçon de pleurésie, programmation d'un scanner le jeudi 8. Confirmation de pleurésie, c'est extrêmement douloureux. Confirmation que les tumeurs grossissent de partout, le cancer est chimio résistant. Mon épouse demande à l'oncologue s'ils font de l'accompagnement de fin de vie. L'oncologue demande pourquoi elle demande ça. Oui ils font l'accompagnement mais d'après lui on n'en est pas encore là, il a encore d'autres protocoles sous la main. Parfois en y repensant j'ai envie de voyager dans le passé, de lui tapoter la tête et lui dire "regarde bien dans quel état elle est, dans 11 jours elle va mourir".
Donc programmation d'une ponction pleurale le mardi 13 août et début d'une nouvelle chimio le mercredi 14. Entre temps le médecin prescrit une mise sous oxygène. Mais le weekend s'annonce très difficile. Mon épouse ne dort plus dans la chambre, trop loin des toilettes, puis se déplacer tout court devient quasi impossible. Elle ne mange quasiment plus. Je veux appeler le samu le samedi mais elle n'a pas envie d'être à l'hôpital, ce que je comprends, mais le dimanche plus le choix, elle manque de tomber dans la salle de bains, elle ne peut plus bouger sa jambe droite. J'appelle le samu. Là aussi en y repensant j'ai parfois envie de voyager dans le passé, me tapoter sur la tête et dire "regarde, c'est son dernier moment à la maison, elle ne reviendra plus jamais".