merci de vos réponses
je confirme, il est impossible de se préparer à un tel choc. Dans le cas d'Isabelle, j'ai su, dès l'annonce de ce cancer, qu'elle était condamnée. Stade trop avancé à la détection et progression bien trop fulgurante. Le fait de travailler dans la santé ne me permettait pas d'être dans le déni, de réagir comme je l'ai vu chez beaucoup en gommant le diagnostique, en oubliant volontairement qu'un cancer du poumon est souvent mortel. Non, je savais qu'elle était condamnée, et elle l'a elle aussi rapidement compris. Là ou elle a été plus dans le déni que moi, c'est sur l'échéance. Il faut dire que les médecins parlaient d'au moins 6 mois, alors que la rapidité de la progression de la maladie, quand celle-ci a été dépistée, ne nous laissait que quelques semaines.
Malgré tout, malgré mon métier (infirmier), malgré le fait que je savais, que j'ai rapidement annoncé et préparé nos amis et la famille à l'échéance en terme de temps, pour qu'ils soient, eux aussi, préparés à ce qui se passait, j'ai quand même été aveuglé par la proximité affective. J'ai refusé ce que j'avais parfaitement compris, me traitant de fataliste, et, alors que j'ai travaillé en cardiologie, que je sais donc parfaitement ce qu'est un infarctus, je suis passé à côté complêtement lorsqu'elle m'en a fait un à la maison. Ça ne pouvait tout simplement pas lui arriver. Et j'ai mis 5 jours avant de réaliser ce qui s'était passé ce soir là...
Les moments difficiles, la maladie en procure plus que de raison. Quand on s'inquiète de voir celui/celle qu'on aime souffrir, quand le diagnostique tombe, quand on lutte contre la maladie, quand on comprend que c'est la fin, que la personne qu'on aime ne s'en sortira pas, quand on l'accepte enfin (parce que le comprendre et l'accepter sont deux moments bien distincts)...
Il m'aura fallut aussi annoncer la nouvelle à son fils, qui vit à 800 kms de nous, celle de la maladie, cette terrible annonce d'une mort imminente, et, avant qu'elle ne parte, l'appel en urgence pour qu'il descende lui dire adieu... Ces moments là sont, eux aussi, terribles !
Puis vient le départ, le déchirement total et violent qui vous souffle plus surement qu'un missile atomique. Et cette première nuit seul ou on comprend que celui/celle qu'on aime ne sera plus là...
Je me doute qu'il existe des différences entre perdre violement la personne qu'on aime et la voir partir sur un temps plus long, mais l'après est, lui, totalement identique, parce qu'on ne peux se résoudre à perdre son aimé(e), même en le sachant.
C'est vrai que, comme nous connaissions l'issue tous les deux, nous avons pu être proche dans ces derniers moments, bien que nous étions très proches avant. Mais ça ne retire absolument rien à la violence du départ...Nous nous sommes, un peu, dit au revoir, mais elle a voulu tout le temps préserver les autres, et surtout moi, en minimisant sa maladie, en réconfortant même tout le monde... De ce fait, et bien qu'elle avait compris qu'elle mourait, cet au revoir était sous entendu...
Pour Yohann, la béquille de cette promesse ne sert pas à camouffler mes sentiments. Je craque, comme nous tous, non, elle me permet pour l'instant de me raccrocher à une vie dans laquelle je ne trouve plus d'interêt... Je sais que je ne digererai jamais son depart, que sa présence à mes côtés est eternelle, dans les bons moments que nous avons passé ensemble comme dans cette terrible épreuve qui me laisse ko, il ne me reste qu'à reussir à privilégier dans le souvenir les bons moments et je n'en suis pas encore là, d'ou la nécessité de cette béquille...
C'est vrai que l'exprimer est important pour moi, pour nous devrais-je dire, d'où l'importance d'un tel forum qui permet de le faire en sachant qu'aucun jugement ne viendra entacher l'expression d'un ressentit incompréhensible tant qu'on est pas confronté à une telle situation. J'ai vu, de l'extérieur, de par mon métier, la souffrance du décès de l'être aimé, et malgré l'empathie qui me fait aimer mon métier, et aider les autres, je n'ai jamais pu imaginer la violence, les ravages que causent un départ... Seul le fait de le vivre permet de comprendre, et je sais qu'ici vous me comprenez, il est donc plus facile de s'exprimer, de se laisser aller, de pleurer même (voire de rire, surement, sans cette culpabilité qui vous étreint face à ceux qui ne partagent pas votre vécu et face auxquels vous vous sentez coupable de continuer à vivre). En fait, ce forum devrait être reconnu d'utilité publique !!!
Merci à vous, de cette présence là
Patrice