Il s'appelait Sébastien, il avait 44 ans. Il était en bonne santé et rien ne laissait présager ce qui allait se passer ce lundi 9 novembre 2020 à 18h48.
Nous deux, ça a été une fusion dès les 1ères secondes de notre rencontre virtuelle, le 25 mars 2004.
Je vous raconterais une autre fois notre histoire mais ce qu'il faut en retenir c'est que 17 ans plus tard, nous étions encore plus fous amoureux qu'à nos débuts.
Nos 4 enfants aujourd'hui jeunes adultes (2 chacun qui se sont mutuellement adoptés comme frères et sœur dès le départ) nous disaient toujours en riant : "vous êtes pires que des ados à toujours vous embrasser et à vous toucher non stop".
Depuis 2 ans, nous avions changé de vie, parce que nous avions conscience qu'elle peut être courte. Il avait quitté son emploi à la SNCF après 20 ans. Mon activité indépendante nous permettait de bien vivre sans qu'il n'ait besoin de travailler (les gens autour de nous jasaient, mais nous n'en avons jamais rien eu à faire).
Les 2 dernières années nous les avons passées au Portugal d'abord puis dans le Sud Ouest de la France. Il s'est découvert un talent pour la peinture, il pechait, nous nous aimions. La vie était fabuleuse. Nous étions libres et sans attaches.
En début d'année il a eu envie de réaliser son rêve d'enfant : conduire un camion. Il a donc passé son permis poids lourd, qu'il a brillamment obtenu.
Depuis 2 semaines, il passait la dernière certification nécessaire. Lundi 9 novembre, il a conduit pendant 3 heures. Il est rentré à 13h30 le sourire aux lèvres. Je lui ai ouvert la porte.
Il m'a prise dans ses bras, a tiré sur mes 2 tresses en me disant que j'étais sa Pocahontas sexy. Nous nous sommes embrassés longuement, enlacés comme nous aimions le faire. Nous avions en permanence besoin de sentir l'odeur de l'autre, de nous toucher.
Nous avons un peu parlé, je suis monté à mon bureau à l'étage pour travailler. Je lui ai demandé de monter pour parler d'un document pour son permis. La encore nous nous sommes embrassés, taquinés et dit des mots d'amour.
Il est redescendu pour passer l'après-midi au salon, comme toujours. Nous nous sommes encore envoyé 3 audios. Son dernier messsage dit :"aller je te laisse travailler mon amour, je t'aime fort, à tout à l'heure ".
Je sais qu'il a mangé (j'ai vu son assiette dans l'évier), il s'est allongé sur son canapé, a posé ses lunettes pour faire la sieste. Il avait sa cigarette à la main, posée sur le cendrier.
C'est comme cela que je l'ai trouvé 3h plus tard. A la seconde où je l'ai vu, j'ai su que c'était terminé, qu'il ne reviendrait pas. Au bout du fil, les pompiers m'ont soutenu pendant 30 mn, jusqu'à ce que les secours arrivent. Je savais que le massage cardiaque que je lui prodiguais ne servait à rien, mais j'ai fait ce qu'on me disait. 30 mn d'enfer, à le regarder inerte, à sentir sa peau se refroidir.
Et puis l'armada est arrivée et ils l'ont déclaré mort à 18h40.
Ma vie s'est arrêté net.
Il a fallu ensuite appeler nos 4 enfants. Un par un, leur annoncer l'impensable. Mon coup de fil les a atomisé, les uns après les autres. J'ai cru ne pas y arriver...entendre leurs cris de douleurs, 4 fois de suite...
J'ai pu rester seule avec lui jusqu'à 21h, le caliner, le toucher, l'embrasser encore et encore. Puis les pompes funèbres sont arrivés et il me l'ont enlevé.
Je suis restée seule dans mon salon en désordre, seule...
Nous n'avions aucun amis dans région. Les enfants ont fait les 7h de route le lendemain pour me rejoindre. Pour refaire le trajet en sens inverse des le lendemain. Nous en voiture, lui dans un corbillard.
Cela fait 8 jours aujourd'hui et ses funérailles n'auront lieu que demain (trop de cas Covid ici). Cette attente pour l'inhumer ajoute de la douleur au chagrin incommensurable qui me transperce depuis son départ.
Demain 18 novembre à 10h, sera le deuxième coup de poignard dans mon âme et celle de nos enfants.
Je me prépare aussi à la suite qui est déjà en train de se dessiner. 17 ans de vie commune et d'amour infini ne comptent pas au yeux de la loi. Cette négation de notre amour m'est insupportable. Je pense que je viendrais vous en reparler.
Si vous êtes encore en train de me lire, merci. Je n'avais pas du tout imaginé écrire tout ça. Je crois que j'avais besoin de vider mon angoisse. Merci de me permettre de le faire ici, pour m'éviter de m'effondrer trop bas devant nos enfants qui ont besoin de tout mon soutien.