Marina,
Oui, le corps pèse des tonnes le matin, d'autant que j'ai pris du poids depuis que Gilles est parti. Je compense le manque de tendresse par des "douceurs sucrées"... Illusions de bien-être qui finissent par peser encore plus !
Je me sens mal dans ce nouveau corps, il m’alourdit, dans tous les sens du terme...
Parfois, un sursaut, une prise de conscience me donne l'envie de m'occuper mieux de moi, mais c'est fugace et je replonge dans ce semblant de réconfort, comme une drogue.
Aujourd'hui, je n'aime pas l'image de moi et pourtant d'un autre coté je m'en fiche, je me dis que cela n'a plus d'importance.
Un psy argumenterais peut-être que c'est de l'auto-destruction... peut-être... l'inconscient est insondable.
Perception difficile de ce que je veux véritablement : mourir ou continuer ?
J'ai l'impression de tomber dans des abimes de plus en plus profonds à chaque creux de vague où je m'épuise de plus en plus.
Je me dis chaque fois que je ne peux pas tomber plus bas et pourtant je ne parviens pas à voir le fond de ces abysses où je plonge plus profondément à chaque rechute...
Jusqu'où vais-je aller ainsi
Tout est lourd à porter et je traine ma vie derrière moi comme un boulet, sans envie, sans rien où me raccrocher pour ne pas sombrer définitivement.
Oui, Marina, c'est le printemps...
Avant j'aimais cette période de l'année où la nature s'éveille, javais l'impression de revivre avec elle. C'était aussi la période où Gilles et moi nous sortions davantage. Nous partions où l'envie nous poussait pour profiter des paysages, du soleil, des amis de la famille...
Aujourd'hui, même le soleil me laisse indifférente. Le chant des oiseaux ne me touche plus... aucun écho en moi à l'arrivée de ce printemps.
Tu dis aussi que chaque jour nous mène vers ce que nous attendons, vers ce que nous ferons plus tard... Mais la question est : vers quoi ?
Un mieux être ? un nouveau haut de vague en attendant le prochain creux...
des projets ? rien à l'horizon qui retienne mon envie...
C'est vrai, tu le fais remarqué, nous avons résisté aux épreuves d'avant, puis au choc violent de la perte, mais tout cela était une sorte de tourbillon dans lequel nous étions pris, sans avoir le temps de réfléchir. Je dirais même que c'était l'instinct qui avait pris le relais de la conscience.
Mais quand la conscience reprend le dessus, car elle fini par se réveiller, c'est le raz de marée qui balaye tout sur son passage...
Qu'est-ce qu'il reste aujourd'hui pour survivre ?
Des souvenirs, des photos, des vidéos ?... oui, mais qui montrent tout ce qu'on a perdu, que tout cela est révolu...
Des convictions ?... elles n'empêchent pas ce manque viscéral de lui, ce besoin de le voir, de le toucher...
L'espoir qu'avec le temps toute la douleur de ce manque s'estompe ?... pourtant plus le temps passe et plus il me manque...
Tout comme toi ou Suzy, j'ai changé... comment ne pas changer d'ailleurs après ce genre d'évènement, c'est l'amputation d'une partie de soi et l'on doit s'adapter, par obligation.
Pour le moment, ce changement ne m'est pas profitable parce comme tu le dis si bien, je tourne en rond et je fais du sur place...
Pour reprendre le premier but à atteindre : "accepter de continuer sans Gilles" je pensais l'avoir atteint celui-là, mais je me rends compte que non, finalement.
J'ai continué sans lui pendant ces 8 mois qui viennent de s'écouler parce que je n'avais pas le choix et non parce que j'avais accepté l'idée de "sans lui" à mes cotés (du moins physiquement).
Je vais tenter ta recette matinale, Chère Marina,
et comme toi Suzy, essayer de penser, chaque soir, à un moment positif de la journée, il devrait bien en avoir un, même tout petit, dans toute cette grisaille.
Aujourd'hui c'est vous deux. Merci d'être là...
Je vous embrasse de tout mon cœur
Ghislaine