Auteur Sujet: Reconstruire sa vie  (Lu 13403 fois)

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Ghislide

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Reconstruire sa vie
« le: 20 mars 2012 à 18:47:44 »
Bonjour

Voilà quelques temps que je ne suis pas venue vous rendre visite... besoin de recul... de remise en question... ?

Après une longue traversée du désert, un creux de vague qui n’en finit plus, je suis dans une phase où  je cherche une raison et surtout une motivation pour réorganiser ma vie, réapprendre à vivre, reconstruire « quelque chose »…

8 mois que Gilles est parti, me laissant là, à vivre des jours sans fin, à me demander « que faire maintenant ? »
Que faire du reste de ma vie ? De tous ces jours qui passent qui ne ressemblent à rien (et qui se ressemblent tous) ?
Je me sens inutile, nulle et j’ai le sentiment de ne servir à rien ni à personne.

Je croyais avoir acquis, au fil des évènements de ma vie, une force qui me permettait de rebondir…
Je pensais être devenue une femme forte qui savait ce qu’elle voulait, mais surtout ce qu’elle ne voulait plus et j’avais trouvé un certain équilibre…  puis… cette épreuve, la plus difficile que j’ai eu à vivre : le décès et le deuil de l’homme que j’aime…
Pfffff : envolée cette force, disparue avec lui

Pourtant, mes convictions sur l’après-vie sont profondément ancrées en moi et je « sais » que la mort n’est pas une fin en soi, mais il me manque et mes sens le réclame désespérément. Il y a des moments où cela devient  insupportable.
Je sais que je dois avancer, bon gré, mal gré, que je dois tirer quelque chose de cette épreuve pour qu’il ne soit pas mort pour rien, mais je ne trouve plus cette force qui me manque pour me motiver

Chaque matin, je me réveille en pensant : « encore une journée inutile à passer…» et je n’ai pas l’envie de me lever, alors je reste dans mon lit à somnoler plus ou moins jusqu’au moment où je me décide enfin à mettre un pied au sol.
Je ne me reconnais plus… Je ne sais même plus qui je suis !
Ce n’est pas moi cette femme complètement amorphe, fatiguée, sans envie.
J’ai le sentiment de m’être perdue dans mon deuil.

Tandis qu’une petite voix au plus profond de moi, me dit « allez, bouge… fais quelque chose… ne reste pas ainsi… »
Oui, J’ai une terrible envie de changement radical et pourtant aucune vraie motivation ne me pousse en avant…
Je ne sais pas où, je ne sais pas quoi !!!... complètement perdue…
Plus de but à me fixer ou à atteindre.
Je ne sais plus rien, ni où j’en suis ni où je vais !

Difficile reconstruction…
Ghislaine


odile60

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #1 le: 20 mars 2012 à 23:05:06 »
bonsoir, ghislide,
je ressens les mêmes choses que toi, chaque matin je dois me pousser pour bouger, j'ai encore la chance de travailler
ce qui m'oblige à avancer, mais les week kend, rien, je suis en léthargie, je ne réponds même pas au téléphone,
je me pose les mêmes questions que toi "que faire maintenant,
cela va faire 5 mois dans quelques jours que mon compagnon de 35 ans est parti brusquement, je me dis
que le chemin sera encore long,  les gens qui nous entourent ne comprennent rien, pour eux, tout doit revenir comme avant, qu'elle blague, comme si on pouvait tout oublier,
je te souhaite du courage et il en faut, amitiées



Ghislide

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #2 le: 21 mars 2012 à 01:22:52 »
Merci Odile pour ton message,
oui, je sens que j'ai besoin de courage mais sans trop savoir où le puiser, alors je prends ton soutien, peut-être que cela m'aidera un peu.
Je comprends, ô combien ce que tu ressens et effectivement, je pense que travailler peut vraiment aider à avancer.
Avoir un travail, une vie sociale, permet de penser à autre chose, d'avoir une raison pour se lever le matin.

Comme toi, je pense que le chemin à faire est encore long.
Yohann, sur le forum, dit souvent qu'il faut regarder aussi derrière pour voir le chemin déjà parcouru et se rendre compte que finalement nous avançons.
C'est vrai, nous avançons, mais il y a des périodes aussi où l'on a l'impression de faire du sur place...
Je dois être dans une de ces périodes, ainsi que toi, et peut-être que cela s'avère nécessaire de temps en temps ?

Je voudrais tellement retrouver cette Ghislaine d'avant, celle qui savait se battre, celle qui pouvait avancer avec optimisme.
La vie ne me faisait pas peur, la mort non plus d'ailleurs !
Mais là... tout me parait fade, sans intérêt quand je compare ma vie actuelle à celle d'avant...et je ne peux m'empêcher de faire la comparaison, c'est plus fort que moi et je mesure tout ce que j'ai perdu.
Je sais que je ne serai plus jamais la même et que je dois me reconstruire, une fois encore, mais cette fois les raisons sont différentes parce que les transformations d'avant c'était mes choix, tandis que depuis le décès de Gilles je ne contrôle plus rien, j'ai subi son départ sans pouvoir l'empêcher, impuissante...
J'ai l'impression d'avoir épuisé toutes mes envies, toute mon énergie. Alors, bien sur, je me demande comment me reconstruire, me retrouver.
Gilles a emporté avec lui une partie essentielle de moi : ma joie de vivre...

Encore merci à toi d'avoir pris le temps de me répondre...
Je t'embrasse et te souhaite aussi beaucoup de courage
Ghislaine

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #3 le: 21 mars 2012 à 09:50:50 »
Tant de choses sont remises en question quand le couple éclate ! En plus du chagrin, de la douleur et de terrible épreuve de l’absence, il faut tout réapprendre.
Autour de nous, on nous tapote dans le dos avec des « Courage, sois forte, tu vas y arriver… » Ou pire encore « Tu verras avec le temps, maintenant tu dois t’occuper de toi… » et le pompon « Tu es encore jeune, tu peux refaire ta vie ». Beurkkkkkkkkkk.

On a déjà tant de mal à le secouer ce corps qui pèse des tonnes le matin au réveil.

Bon, çà, c’est un constat.

En réalité, toutes ces réflexions si brutales, agressives, déplacées… Ce n’est pas faux non plus. Mais nous sommes loin d’être prêt(e)s à les entendre, c’est tout.

Oh oui Ghislaine, Odile, retrouver un sens à sa vie, c’est bien l’essentiel de nos préoccupations. Je l’ai cherché et le cherche encore. Mais je ne pense pas que chaque journée soit inutile, elle nous mène doucement vers ce que nous attendons, elle nous prépare à ce que nous allons faire, plus tard.
Comment ne pas être « éteinte », notre petit flamme n’est plus là pour nous réchauffer. Mais nous devons faire avec.
Nous avons résisté au choc le plus violent de notre existence, aux épreuves vécues avant, nos convictions, tout est au rendez-vous pour que nous la trouvions ta motivation pour nous lever chaque matin.
Comme toi, Ghilsaine je ne voulais pas que Pierre soit mort pour rien, je voulais trouver une chose positive à ce départ prématuré.
Premier constat, qui ne me suffit pas mais je ne désespère pas de faire mieux : J’ai beaucoup changé. J’ai puisé au fond de mois des ressources inconnues. J’ai découvert que je pouvais avancer, sans lui bien qu’il soit sans cesse avec moi.

Premier but à atteindre Ghislaine, accepter de continuer sans Gilles. Tu ne t’es pas perdu dans ton deuil, tu n’as pas envie de t’éloigner de lui, tout en ayant conscience qu’en restant tu tournes en rond. Je fais tout pareil. Alors je tente de trouver des motivations pour occuper ma vie avec Pierre.
Un peu basique, mais cela me fait du bien : Un mega album photos de lui et moi (800 photos stockées à ce jour), un récit de notre histoire depuis… notre naissance !, des travaux dans la maison que nous avions programmés ensemble…
Un jour peut-être je saurais trouver une vraie motivation, comme Suzy. Pour l’instant, je fais dans l’égoïsme !

Changement radical ? Pour moi, cela me parait trop difficile. Mais pourquoi pas.

Allez Ghislaine, Odile,  aujourd’hui, c’est le printemps.
Rangements ? Jardinage ?

Recette :
           Au petit matin, ouvrir doucement les yeux et remettre le cerveau en marche.
           Puis, repousser les pensées négatives, les ranger dans un coin.
           Chercher et TROUVER au moins une pensée positive.
           Se faire un petit programme pour la journée... et s'y tenir, quoiqu'il arrive.
           Et se coucher avec un petit dialogue avec lui : Tu vois, aujourd'hui, j'ai fait cela, je ne suis pas restée roulée en boule par terre.

           Et lui : Super ma Douce, là, je suis vraiment heureux!

 :-*

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

suzy

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #4 le: 21 mars 2012 à 11:10:48 »
Marina, Marina, c'est fou comme ce que tu dis est vrai...Ghislaine, Odile, oui , vous pouvez la croire... C'est vrai que la perte de notre moitié, cela ressemble à un tsunami, cela emporte tout sur notre passage...Comment nous ramasser après ça ? Comment ne pas se sentir démuni, comment ne pas vivre avec cette boule au fond du ventre, comment retrouver un sens à sa vie ?
Je pense qu'il n'y a pas de règle unique qui peut s'appliquer à chacun(e). Nous puisons tous  notre énergie où nous pouvons et comme nous pouvons. Ce qui est sûr, c'est que le temps est notre allié. Que nous le veuillons ou non, le temps qui passe fait son travail et, au fil des mois, des années, nous pouvons regarder en arrière et constater le chemin parcouru.
J'ai appris à me connaître par cette terrible épreuve. J'ai découvert en moi une personne que je ne connaissais pas. Jamais je n'aurais pu imaginer que j'avais cette force en moi ! Lorsque je vivais avec mon Jean-Da, que nous étions au sommet du bonheur, il m'arrivait de me dire que si je devais le perdre, je n'aurais plus qu'à me flanquer sous le train! Je ne pouvais juste pas imaginer de devoir vivre une seule journée sans lui...Et puis...il a bien fallu...! Et je ne me suis pas flanquée sous le train. Au contraire, j'ai découvert en moi cette force insoupçonnée!
Première chose qui m'a aidée: J'ai repris rapidement le travail pour éviter de cogiter des journées entières seule à la maison. Ma vie sociale m'a aidée à ne pas me noyer dans mon chagrin. Pendant plusieurs mois, je ne vivais plus que par mon travail; je voyais l'approche du week-end avec appréhension. Les week-ends, surtout les dimanche, c'était juste l'horreur...
Je me suis toujours forcée à ne pas m'isoler. Je n'ai jamais refusé une invitation, mais le dimanche, des invitations, il n'y en a pas eu beaucoup...Alors, au fil du temps, on finit par apprivoiser sa solitude...Est-ce qu'on a le choix ?
Ce qui m'a énormément aidée aussi, c'est l'écriture. Depuis que je suis seule, j'ai écrit des pages et des pages. J'ai rempli plusieurs cahiers pour y déverser mes ressentis. Ca a été pour moi un moyen d'exprimer ma souffrance pour mieux l'accepter. Ce que j'appelle mon journal de deuil est toujours sur ma table de chevet, mais j'y écris de moins en moins, preuve que je vais mieux. La première année que je suis partie en Afrique, j'y ai rencontré un poète qui m'a appris la magie des mots. Nous nous sommes écrit par mail pendant presque un an. Nos échanges étaient presque quotidiens. Cet homme avait un talent d'écrivain incroyable, ses mots me touchaient au plus profond de mon coeur. Qu'est-ce qu'il m'a aidée à avancer...! Un jour que je lui avais écrit un mail assez
 désespéré, il m'a répondu en me disant : " Parle-moi de tes petits bonheurs...tu en as bien eu un aujourd'hui ?..." Et cette question a été comme un mot clé pour moi. Depuis ce jour, j'essaie de me poser chaque soir la question. Quel a été mon petit bonheur ? J'avoue, il y a des jours, c'est difficile à trouver, mais en cherchant bien, on finit toujours par en trouver au moins un, même s'il est minuscule...Cela peut être un sourire, un mot gentil, un coup de téléphone, une invitation, une carte postale...Il faut apprendre à les voir ces petits bonheurs...
Hier, comme je vous l'ai écrit, j'ai dû accepter la perte du chat de ma fille, chat , qui représentait pour moi le symbole de ma vie heureuse dans cette maison, cette maison que je suis à 3 mois de quitter. Pour moi, la mort de mon chat à Noël, puis la mort du chat de ma fille hier sont pour moi comme un signe que la boucle est bouclée...J'étais très secouée hier soir par cette prise de conscience. Mais, je me suis couchée tôt, je me sentais fièvreuse et j'ai réussi à dormir profondément. Ce matin, je me sens mieux...presque sereine... IL fait un temps magnifique, les oiseaux chantent...C'est le printemps. Je crois que j'ai appliqué ta recette , chère Marina. Mon amour, de là-haut, me dit d'avancer. Il me dit aussi que même si un chapître de ma vie s'achève, je vais en commencer un autre et que ma vie n'est pas finie...Je sais qu'il m'approuve dans mon choix et qu'il va m'accompagner dans cette fabuleuse aventure qui m'attend...
Je vous embrasse et espère vous redonner un peu d'espoir par mes pensées positives
Suzy

Ghislide

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #5 le: 21 mars 2012 à 21:10:45 »
Marina,

Oui, le corps pèse des tonnes le matin, d'autant que j'ai pris du poids depuis que Gilles est parti. Je compense le manque de tendresse par des "douceurs sucrées"... Illusions de bien-être qui finissent par peser encore plus !
Je me sens mal dans ce nouveau corps, il m’alourdit, dans tous les sens du terme...

Parfois, un sursaut, une prise de conscience me donne l'envie de m'occuper mieux de moi, mais c'est fugace et je replonge dans ce semblant de réconfort, comme une drogue.
Aujourd'hui, je n'aime pas l'image de moi et pourtant d'un autre coté je m'en fiche, je me dis que cela n'a plus d'importance.
Un psy argumenterais peut-être que c'est de l'auto-destruction... peut-être... l'inconscient est insondable.
Perception difficile de ce que je veux véritablement : mourir ou continuer ?

J'ai l'impression de tomber dans des abimes de plus en plus profonds à chaque creux de vague où je m'épuise de plus en plus.
Je me dis chaque fois que je ne peux pas tomber plus bas et pourtant je ne parviens pas à voir le fond de ces abysses où je plonge plus profondément à chaque rechute...
Jusqu'où vais-je aller ainsi ???
Tout est lourd à porter et je traine ma vie derrière moi comme un boulet, sans envie, sans rien où me raccrocher pour ne pas sombrer définitivement.

Oui, Marina, c'est le printemps...
Avant j'aimais cette période de l'année où la nature s'éveille, javais l'impression de revivre avec elle. C'était aussi la période où Gilles et moi nous sortions davantage. Nous partions où l'envie nous poussait pour profiter des paysages, du soleil, des amis de la famille...
Aujourd'hui, même le soleil me laisse indifférente. Le chant des oiseaux ne me touche plus... aucun écho en moi à l'arrivée de ce printemps.

Tu dis aussi que chaque jour nous mène vers ce que nous attendons, vers ce que nous ferons plus tard... Mais la question est : vers quoi ?
Un mieux être ? un nouveau haut de vague en attendant le prochain creux...
des projets ? rien à l'horizon qui retienne mon envie...

C'est vrai, tu le fais remarqué, nous avons résisté aux épreuves d'avant, puis au choc violent de la perte, mais tout cela était une sorte de tourbillon dans lequel nous étions pris, sans avoir le temps de réfléchir. Je dirais même que c'était l'instinct qui avait pris le relais de la conscience.
Mais quand la conscience reprend le dessus, car elle fini par se réveiller, c'est le raz de marée qui balaye tout sur son passage...

Qu'est-ce qu'il reste aujourd'hui pour survivre ?
Des souvenirs, des photos, des vidéos ?... oui, mais qui montrent tout ce qu'on a perdu, que tout cela est révolu...
Des convictions ?... elles n'empêchent pas ce manque viscéral de lui, ce besoin de le voir, de le toucher...
L'espoir qu'avec le temps toute la douleur de ce manque s'estompe ?... pourtant plus le temps passe et plus il me manque...

Tout comme toi ou Suzy, j'ai changé... comment ne pas changer d'ailleurs après ce genre d'évènement, c'est l'amputation d'une partie de soi et l'on doit s'adapter, par obligation.
Pour le moment, ce changement ne m'est pas profitable parce comme tu le dis si bien, je tourne en rond et je fais du sur place...

Pour reprendre le premier but à atteindre : "accepter de continuer sans Gilles" je pensais l'avoir atteint celui-là, mais je me rends compte que non, finalement.
J'ai continué sans lui pendant ces 8 mois qui viennent de s'écouler parce que je n'avais pas le choix et non parce que j'avais accepté l'idée de "sans lui" à mes cotés (du moins physiquement).

Je vais tenter ta recette matinale, Chère Marina,
et comme toi Suzy, essayer de penser, chaque soir, à un moment positif de la journée, il devrait bien en avoir un, même tout petit, dans toute cette grisaille.

Aujourd'hui c'est vous deux. Merci d'être là...

Je vous embrasse de tout mon cœur
Ghislaine

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #6 le: 22 mars 2012 à 07:56:06 »
7 :19 ce matin du 22 mars 2012.
20 mois qu’il est parti.
Levé de soleil rose sur la colline qui monte devant ma maison : Pierre a repris ses pinceaux et ses tubes, il a glissé du rouge et du blanc dans l’or de notre soleil !
Voilà une petite pensée positive pour moi, exclusivement pour moi, je te l’accorde, avec un sourire je le vois mélanger ses couleurs et caresser la lumière pour en changer la couleur trop classique de ces derniers jours !

Je pourrais reprendre une à une toutes tes phrases.
J’ai ressenti tout cela et le ressent encore. Petit bémol, mais capital, je sais que derrière chaque larme, chaque souffrance, chaque sanglot, chaque « abandon », il y a un mieux, comme si le capital chagrin s’épuisait et le capital sérénité augmentait.

J’ai aussi pris du poids, j’ai aussi compensé ou pire, grignoté n’importe quoi, et je le fais encore. Le sucre, meilleur anti dépresseur que les médicaments, on apprend vite cela ! Oui, le « de toute façon, à quoi cela sert de faire des efforts supplémentaires alors que survivre est déjà si difficile ! ». Je me dis, chaque chose en son temps. Apaiser les tourments de la tête, câliner son corps viendra plus tard.

Ces fameux creux de vague ! Ils ne peuvent pas être plus profonds et plus violents. Nous en avons simplement de plus en plus conscience. Le cerveau nous matraque, nous assène, nous serine, nous rabâche sans cesse notre situation de solitude comme pour bien l’imprimer, bien … l’admettre. Admettre, accepter. C’est le bout du chemin du deuil. C’est si loin.

Le présent pour nous est le plus difficile à vivre. Le monde continue de tourner autour de nous, on nous bassine avec la Saint Valentin, avec les soldes, « perdez 5 kilos avant les vacances », promo sur un week-end en amoureux à Venise… Envie de leur faire avaler jusqu’au fond de la gorge, envie de hurler à l’indécence, à la provocation. J’ai longtemps ressenti le même sentiment lorsque nous nous battions pour avoir un enfant et que la fête des mères, noël… venaient me briser le cœur. Et puis un jour, j’ai réalisé que je n’étais qu’une fourmi et qu’une fourmi ne peut pas changer le monde, qu’elle doit s’y adapter, et en accepter les règles.
Ce présent si difficile, nous avons tendance à le fuir et à replonger dans la douceur de notre passé… qui nous blesse terriblement et nous prépare mal à affronter un futur absolument inacceptable.  Ce futur si flou, si gris, si brumeux, cet horizon que l’on refuse de voir. Enfin pour moi, il est fermé mais j’en détiens les clés et un jour peut-être, j’oserais ouvrir cette porte.

Je connais tes convictions sur l’au-delà. Mes récentes lectures m’ont entrainée vers des réflexions similaires. J’ai encore 1000 questions sans réponses, mais une ouverture possible et depuis je sens Pierre encore plus proche de moi. Je ne continue pas sans lui, j’avance avec lui à mes cotés. L’absence physique reste terrible et je ne sais pas si on peut s’y habituer. Mais il ne me quitte pas, jamais. Me crois-tu si je te dis que des idées que je n’aurais jamais eues s’imposent à moi et que ces idées se sont tout à fait celles qu’il aurait pu avoir ? Plus que des signes, plus que des coccinelles ou des plumes, il agit à travers moi ! C’est fantastique.

Ce matin, Ghislaine, ouvre les yeux sur le soleil rose et écoute le chant du merle posé sur la plus haute branche d’un arbre, qui communique à tous sa joie de vivre, alors qu’il ne sait même pas de quoi demain sera fait.

Plein de bisous.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Ghislide

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #7 le: 23 mars 2012 à 16:57:51 »
Petites Marina et Suzy,

J'ai beaucoup pensé à vos derniers messages et j'ai voulu tester vos conseils :
Le matin faire un programme pour la journée et le suivre coûte que coûte
Le soir faire le point de la journée et trouver un moment positif, si bref soit-il...

Sur ce, une amie, Nicole, est venue me voir avant-hier soir et m'a proposé de participer à un vide-grenier avec tout ce qui ne me sert pas
(Gilles avait tellement accumulé de choses !). Elle s'est occupée de tout et cette brocante est prévue pour le 13 mai. Date buttoir qui me permet de recommencer à trier, à nettoyer et mettre de coté ce que je ne garderai pas.

Puis, j'ai reçu un mail du meilleur ami de mon fils ainé dans lequel il me propose de garder ses 2 enfants pendant un mois cet été. Lui et sa petite femme travaillent et aucun membre de leur famille respective ne peut se libérer. Il faut dire que Karl (l'ami d'enfance de mon fils Yannick) et sa femme habitent à Montréal...
J'ai accepté...

Voilà 2 projets mis en place en peu de temps, 2 choses positives qui se présentent et me redonnent de l'élan... une confirmation de plus qu'il n'y a pas de hasard...

Plus encore, aujourd'hui 3 appels téléphoniques :
Mon amie Nicole passe me prendre demain après-midi pour acheter quelques plants de fleurs à mettre sur le balcon (c'est le moment m'a t-elle argumenté)
Une autre amie, voulait savoir comment j'allais et m'a invitée à passer quelques jours chez eux, dans l'Aisne, pour Pâques.
Et enfin,  Joël, le plus jeune frère de Gilles, vient de m'appeler. Lui aussi m'invite à venir les voir lui et ma belle-sœur pour le mois de mai, à Concarneau, en Bretagne.

Mon ciel se dégage, et j'ai entendu ce matin le chant d'un oiseau en ouvrant les yeux... j'en aurai presque pleuré.

Merci pour votre soutien, votre aide, vos conseils, votre sagesse...
Je vous serre très fort sur mon cœur
Ghislaine


suzy

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #8 le: 23 mars 2012 à 17:08:37 »
Oh Ghislaine ! J'suis trop contente pour toi...! Tu vois où ça nous mène les pensées positives!!! Ton ciel s'éclaircit, et tu verras, ce n'est que le début  ;) Ne me remercie pas...bientôt, tu verras, c'est toi qui seras capable de donner ce genre de conseils à d'autres frères et soeurs de souffrance...
Ton message m'a tellement fait plaisir... ;D
Suzy

Hors ligne Marina Saboya

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Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #9 le: 23 mars 2012 à 17:20:26 »
YES!

Une ligne d'horizon qui se dégage, un arc en ciel en formation, des projets...

Je suis aussi très contente Ghislaine.
Il faut beaucoup de courage pour sortir de la nuit.
Un merle qui chante sa joie d'être là au petit matin, c'est plein d'enthousiasme.

Je t'embrasse Ghislaine.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

sofyoan

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #10 le: 23 mars 2012 à 17:26:00 »
Ghislaine,

ce forum c'est un peu devenu mon addiction, car on se sent tellement proche, tellement en communion.
je me rejouis tres sincerement de tous ces nouveaux projets pour toi, c'est vraiment symbolique ce concours de circonstances.
les petits bonheurs des uns , sont un espoir de bientot pour les autres.

moi apres, une presence active de mes proches dans les premieres semaines. je les soupconne meme de s'etre concertés les uns et les autres pour assurer une permanence les week ends, et bien maintenant plus rien, le grand vide comme si chacun avait fait sa B.A et soulagé sa conscience.
et pour moi les angoisses qui reviennent, cette peur panique du week end, dieu sait si cette semaine a ete difficile, mais ce week end je l'attaque la peur au ventre. la peur de craquer, de ne pas etre a la hauteur pour mon fils. Et puis aussi la perspective que les week ends suivants seront du meme  accabit.

allez , je pense fort à toi, et j'espere que moi aussi mon telephone va se mettre a sonner
bises

sofi

Chris-ka

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #11 le: 23 mars 2012 à 19:07:52 »
Ces petits moments positifs, ces petits bonheurs devraient être appréciés de tous, bien avant qu'ils nous arrivent malheur. Je regrette aujourd'hui de ne pas y avoir pensé plus tôt quand la vie etait simple et que pourtant, comme tout le monde, je devais me plaindre de petits maux qui me paraissent aujourd'hui futiles. Mais en lisant vos messages, depuis hier, j'essaye aussi de trouver un moment positif dans ma journée et aujourd'hui, il y en a eu deux : ma fille a été accepté au collège que je souhaitais pour l'année prochaine et mon patron m'a donné mon après-midi. Alors, oui, j'accepte d'apprécier ces moments alors qu'avant ils m'auraient paru naturels.
Mon mari arrivait à avoir cette philosophie, quand il n'était pas bien, il mettait par exemple la musique à fond dans sa voiture et il me disait que ça l'aidait à passer un meilleure journée.
Par contre, il y avait le carnaval aujourd'hui à l'école et ça, je n'ai pas supporté, entendre cette musique, voir tous ces familles heureuses, c'était trop. Je pleurais alors que tout le monde était heureux ! Heureusement, il faisait soleil et j'ai pu me cacher derrière mes lunettes noires pour ne pas le montrer à mes filles qui aussi ont accepté qu'on ne reste pas trop longtemps à cette fête.
Moi aussi, pour les week-end, je ne peux que compter sur moi même pour trouver quelques activités. Je pense aller faire un pique-nique avec les filles demain. Il devrait faire très beau.
Sofi, j'espère que tu arriveras à occuper un peu ton week-end. Tu habites dans quelle région ?
Je vous embrasse tous.
Karine

Ghislide

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #12 le: 23 mars 2012 à 20:38:20 »
Oui, Suzy, je réalise combien une petite pensée positive peut être bénéfique, j'en suis encore toute surprise et émue...
Toutes ces choses qui se mettent en place alors que je ne trouvais plus de motivation pour faire encore un pas...
Ton intervention et celle de Marina m'ont permis de regarder un peu plus en avant... et je remonte surfer sur le haut de la vague.
Ce qui m'étonne, c'est cette remontée tellement rapide, j'étais au plus bas et cela s'éternisait et en 2 jours cette accélération vers le haut... J'en ai presque le vertige, mais je veux croire, comme tu le dis, que ce n'est qu'un début...

Oui, Marina, le début d'un arc-en-ciel qui se dessine et je veux profiter de toutes ses couleurs après toute la grisaille des dernières semaines.
Je l'entends encore ce soir cet oiseau qui chante, pourtant la nuit est tombée et, mais il chante encore !
Que c'est bon cet apaisement, cette douceur...
Et encore plus doux, quand je ferme les yeux, je vois Gilles qui me sourit... je vais pouvoir lui dire , ce soir, que ma journée a été bien remplie et que même si je me détache des choses qui lui ont appartenues, son essence à lui est bien en moi, pas dans ces choses matérielles. Mais je suis sure qu'il le sait déjà !

Petite Sofi, c'est vrai que sur ce forum il y a une solidarité formidable, et les liens se créent avec beaucoup de sincérité. Ici pas de faux-semblant, pas de jugement, juste l'authenticité de personnes qui vivent ou ont vécu le même drame : la perte d'un être cher. C'est une aide tellement précieuse dans les moments difficiles des creux de vagues parce qu'il y a beaucoup d'amour qui se dégage de toute cette souffrance. Ici, on retrouve de l'humanité et cela fait un bien fou.
J'espère vraiment du fond du cœur que mon mieux présent puisse être un message d'espoir pour ceux qui ont l'impression de faire du sur place.
Un déclic, quelque chose d'insondable, fait qu'un jour on se sent mieux et les membres de ce forum y sont pour beaucoup.
Si n'en pouvant plus, je n'étais pas venue ici déverser mon désespoir de ces dernières semaines, je n'aurais pas eu ces conseils de Marina et Suzy, si simples et pourtant tellement durs à appliquer quand on ne va pas bien.

Tout comme toi, pendant les premières semaines où Gilles est décédé, j'ai été très entourée, le téléphone sonnait plusieurs fois par jour. Le temps passant, les visites sont devenues plus rares pour certains et complètement nulles pour d'autres, puis le téléphone est resté silencieux.
Le tri des "proches" se fait de lui-même, les fidèles sont toujours là, tenant leur promesse de présence. J'ai pu constater aussi que les vrais amis n'ont pas été forcément ceux que je pensais et que d'autres se sont révélés. Mais ces nouvelles amitiés là, je sais qu'elles seront indéfectibles parce qu'elles se sont construites dans la douleur et non dans la joie pour les autres, ceux-là ont déserté mon quotidien...
Je comprends ce que tu peux ressentir à l'approche du week-end, alors viens ici parler. Tu trouveras certainement d'autres membres, seul(e)s, tout comme toi... c'est souvent le lot de chacun d'être isolé le week-end parce que la famille ou les amis en profitent aussi pour se ressourcer. On ne peut pas leur en vouloir pour cela parce que nous faisions la même chose, avant...

Allez, essaie, pense "positif"... et peut-être que... qui sait ?
ça a marché également pour Karine : 2 moments positifs dans sa journée !

Karine, ne retiens que cela de ta journée : ces 2 moments constructifs.
N'ai pas de regret de ne pas avoir vécu plus pleinement les petits bonheurs simples de ta vie d'avant. Quant on est heureux, tout cela parait tellement "normal" que nous n'y prêtons pas d'attention particulière, c'est ainsi.
Aujourd'hui tu en connais la valeur, alors apprécie-les...

Je vous embrasse très affectueusement
Ghislaine

 


sofyoan

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #13 le: 24 mars 2012 à 10:13:43 »
Ghislaine, Karine et tous les autres

moi aussi je suis dans l'introspection, je pense souvent que moi aussi avant de connaitre ce cataclysme, je ne savais apprecier à leur juste valeurs tous ces petits bonheurs, j'en voulais toujours plus, j'esperais toujours mieux, car on se dit que le meilleur est toujours a venir.
en ce moment j'ai du mal a communiquer avec mes proches, je sens bien que je me renferme. avec le temps passant, les "il faut avancer" , pire et maladroit les "il faut tourner la page" sont formulés de plus en plus souvent. et je ne suis toujours pas prete...et je me raisonne, je n'aurai sans doute pas fait mieux à leur place, il ne faut pas que je leur en veuille.
Non effectivement j'etais comme eux avant, ni meilleure ni pire, on ne peut juste pas savoir, on ne peut pas imaginer avant de le vivre

mon fils est malade, c'est une journée chaotique qui s'annonce, mais je vais m'accrocher

j'habite en Suisse, au bord du Lac de Neuchatel. un bel endroit, c'est là que nous avons vecu toute notre histoire avec Yoann, mais on avait le souhait de nous rapprocher de la famille (bretagne pour moi, et pays de la loire pour Yoann). aujourd'hui , je me sens bien seule au bord de ce lac, je serai tentée de partir, de realiser notre projet et rentrer, mais en meme temps tous mes souvenirs de notre amour sont là. encore un autre dechirement. c'est un cauchemar cette solitude.

tendre pensée

sofi

Chris-ka

  • Invité
Re : Reconstruire sa vie
« Réponse #14 le: 24 mars 2012 à 18:56:04 »
Sofi,
J'espère que ton petit garçon sera vite rétabli.
Tu as raison, le deuil est aussi une remise en question comme l'explique C. FAURE dans son livre et notamment dans le paragraphe "redéfinition de la relation avec soi même" : le travail de deuil jette sur soi un éclairage cru, violent et sans concession. Il impose finalement de porter un regard nouveau sur soi. Il met à l'epreuve tout ce que l'on pense de soi et du monde ...... Il conduit, au bout du compte, à une inévitable redéfinition de soi même et de toutes ses valeurs."
Je t'embrasse.
Karine