« Qu’est-ce que je fous là ?! » C’est ce que je me suis demandé pendant une bonne partie de la soirée d’hier.
Un couple d’amis, des vrais, de ceux qui étaient là avant, pendant… et qui sont toujours là après, m’avaient invité à une petite sauterie estivale et champêtre, comme il nous arrivait d’en organiser à cette période de l’année. Pour sortir un peu de l’isolement où j’ai conscience de m’enfermer moi-même, et après 17 mois maintenant, j’ai fait l’effort d’accepter de venir. J’y ai retrouvé quelques autres couples d’amis, mais aussi des visages perdus de vue et d’autres, inconnus, indifférents à mon malheur, voire totalement ignorants de celui-ci. Dès mon arrivée, je ne me suis senti ni à l’aise ni à ma place parmi tous ces gens et la température ambiante ne devait pas réchauffer l’atmosphère.
J’avais oublié le prénom de ma voisine de table, pas désagréable au premier abord. Elle commença à m’exaspérer en me contant par le menu ou presque, son parcours de 18 trous fait l’après-midi même, pendant que son businessman de mari faisait l’aller-retour jusqu’à Genève dans la journée. « Si elle savait comme je m’en balance de son swing justement, du bunker et de tout son parcours en fait ! ». Elle me devint franchement insupportable quand son mari, assis de l’autre côté de la table, l’appela par son prénom : « Michelle ! ». J’aurais tant voulu une autre Michelle à mes côtés, la mienne, la vraie !!!
Sans doute n’étais-je pas d’humeur réceptive, car je ne pris pas davantage d’intérêt aux 8 jours passés récemment par les uns en Calabre, au week-end prévu par les autres, pour le 14 juillet à venir, en Corse ou à la description de cette petite villa louée par ces deux autres à l’Ile de Ré pour le mois d’août. Quant aux travaux des ces deux derniers, entrepris dans leur maison avec piscine qu’ils viennent d’acheter pour leur retraite sur la Côte d’Azur, là je m’en battais franchement les…, pardon !, ça m’était complètement indifférent voulais-je dire.
Je mangeais (quoi, je ne me rappelle pas), je buvais, je faisais même mine de participer à la conversation, mais en fait, j’étais ailleurs. Où exactement, je l’ignore ; sur une autre planète peut-être, celle du deuil pas achevé sans doute, mais pas parmi ces gens dont j’avais aimé la fréquentation quand tu étais à mes côtés. Certes, pour être franc, les uns ou les autres m’ont bien proposé de venir passer quelques jours avec eux, au mois d’août, si je passais par là… « pour tenir la chandelle » me suis-je dit, avec cette mauvaise foi et cette mauvaise humeur qui devait m’habiter alors.
J’ai bien tenté une fois d’évoquer ton souvenir, toi qui étais si à l’aise dans ce genre de soirée. Un ange passe ! Manifestement, le sujet intéressait beaucoup moins que les vacances à venir des uns ou des autres. Mon malheur, ils ne voulaient rien en connaître. Toi, que beaucoup avaient connue, dont ils avaient apprécié la compagnie : oubliée, balayée des mémoires ! As-tu jamais existé pour eux ? Pas questions qu’ils se laissent envahir par les souvenirs qui dérangent, par une absente qu’ils ne veulent même plus connaître et dont le sort leur rappelle peut-être aussi leur propre destin de mortels.
Alors oui, « qu’est-ce que je fous là ?! ». Une dernière coupe, un café et au revoir la compagnie. ! Content de vous avoir revus ! Je m’éclipse avec les premiers partants et m’en retourne dormir à côté de ta place vide, avec mes souvenir et ma douleur que j’ai décidément bien du mal à partager.
Avec toi à mes côtés, sans doute aurais-je trouvé la soirée agréable ; sans doute aussi ne me serais-je pas soucié d’un esseulé dans mon genre, qui aurait connu une situation comparable à la mienne ce soir.
Décidément, le malheur, la solitude, ça ne se partage pas facilement. Il n’y a qu’à mon journal et à vous que je peux raconter ça. Je préfère être parmi vous finalement, même si vous être parfois un peu trop « virtuels », amis dont je ne connais ni la voix ni le visage. Nous avons beaucoup plus à échanger, même si, comme eux, vous ne me parlez que de vos vacances ou plus encore de celui ou celle que vous avez aimé et qui vous manque comme elle me manque.
Pardon d’avoir été un peu long, mais il fallait que ça sorte. Je vous embrasse toutes et tous.
PS: pas encore eu le temps de mettre une photo; mais je vais m'en occuper dès que possible. Promis!