Auteur Sujet: Pourquoi  (Lu 11018 fois)

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cris

  • Invité
Pourquoi
« le: 18 juillet 2012 à 04:47:42 »
Mon Amour tu m'as quitté. Tu nous as tous quitté. Tu es parti comme tu avais vécu, entouré d'amour. Tu te seras battu jusqu'au bout. Huit heures avant, tu te battais encore.
J'enrage. Pourquoi un homme comme toi, si bon, si grand, si généreux peut-il partir si tôt ?
Pourquoi, toi, aimé de tous (je ne connais personne qui ne t'aimais pas) tu n'as pas eu le droit de vivre sereinement et pleinement ton Grand Amour ?
Pourquoi un homme qui a mis sa vie de côté pour aider les autres, n'a pas eu le droit de vivre la sienne et de réaliser ses rêves quand le temps, pour lui est arrivé de le faire ?
Ne répondez pas à ces questions, aucune de vos réponses ne me satisferont.
Claude, mon Chéri, mon Amour, tu me manques tellement, tous ces petits gestes du quotidien, la façon qu’on avait de se prendre la main quand on se promenait, ton regard, parfois complice, parfois admiratif, toujours tendre et amoureux. Merci d'être entré dans ma vie. Merci de m'avoir donné tout cet amour inconditionnel. Merci de m'avoir permis de te connaître. Merci de m'avoir fait découvrir cet amour si complice, si simple, si beau... Ce fut un privilège et un honneur pour moi que tu entres dans ma vie. Mais pourquoi fallait-il que ce soit si court ? Pourquoi la vie sépare ceux qui s’aiment ? Pourquoi nous avoir fait-nous rencontrer si c’est pour mieux nous faire souffrir en nous enlevant notre couple, la seule chose au monde que nous aurions souhaité garder ? Comment allons-nous le vivre chacun dans un monde ?
Tu étais mon alter-égo, mon double au masculin. Je ne pensais pas rencontrer un jour quelqu'un qui me ressemblerait tant. On pensait pareil, on avait les mêmes goûts, les mêmes idées, les mêmes croyances. Avec toi, je pouvais être moi-même, sans aucun jugement. La moindre de mes niaiseries niaiseuses te faisait rire, et quel rire, quel sourire ! Tu avais un sourire si heureux, on ne pouvait pas rester triste quand on voyait ton sourire. Qu’est-ce qui va calmer mes pleurs et ma tristesse maintenant ?
Avec toi, je me suis sentie aimée en entier, pour mes qualités et mes défauts. Tu aimais tout en moi, même ma tête de cochon et mon front de bœuf.
Ce ne sont pas nos grands rêves que nous n'avons pas eu le temps de réaliser qui vont me faire le plus mal, ce sont toutes nos petites complicités du quotidien, tout ce qui faisait que notre vie à deux, malgré les combats et les pleurs, je ne la laisserais à personne d'autre.
Ce qui m'enrage le plus, c'est que nous étions arrivés à deux pas de la ligne d'arrivée, il ne nous restait que quelques pas à parcourir pour la franchir et te sauver la vie, mais j'ai vu la maladie nous prendre de vitesse et te terrasser dans mes bras.

Je suis enragée, je n'accepte pas, je n'y crois pas. Je veux me réveiller de ce mauvais rêve et découvrir que tu es tranquillement en train dormir près de moi, d'un sommeil serein. Je voudrais que quelqu'un appuis sur le bouton rewind, et là, je saurais quoi faire et quand pour te sauver la vie.
Si on me proposait de revenir 4 ans en arrière, je signe tout de suite, je suis prête à les revivre encore et encore jusqu'à ce qu'on arrive à te sauver la vie.
C'est trop injuste qu'un homme comme toi, qui n'a pas une once de méchanceté, qui est foncièrement bon, avec un cœur plus grand que quiconque au monde, un homme qui aimait tant la vie et qui avait enfin trouvé son grand amour, soit privé de tout ce qui faisait son bonheur. Tu ne méritais pas ça. Tu t'es réellement battu jusqu'à ton dernier souffle. Lundi après-midi, je te voyais encore t'accrocher à la vie, te tenir à tout ce qui te tombait sous la main, te battre pour ne pas partir. D'ailleurs, tu n'es pas vraiment parti, tu es toujours avec moi, je reçois des messages de ta part depuis la seconde où tu es parti. Mais tu me manque en maudit, tu étais tellement plein de petites attentions continuelles, que chaque secondes qui passent, il y a quelque chose qui te rappelle à moi. C'est dur, trop dur, je n'ai jamais rien vécu d'aussi dur, même la perte de mon bébé n'était pas aussi dure.
Tu te seras battu comme un lion jusqu'au bout, tu as été un valeureux soldat. J'admire le courage et la détermination avec laquelle tu as livré bataille. Tu n'es pas parti en lâche, mais avec tous les honneurs. Tu es, et tu resteras un exemple pour moi.
Ces 4 années passées ensemble me laisseront un goût de trop peu, merci de me les avoir offertes, mais j'en aurais reprit des dizaines avec toi.
Tu ne souffres plus, merci, mais c'est pour nous que la souffrance et l'enfer commence. Si tu avais eu le droit à un mois de plus ou deux, je suis convaincue que le nouveau traitement aurait fonctionné et que tu ne souffrirais plus non plus, mais la différence aurait été énorme, tu aurais été encore vivant.
Je me suis tellement battue pour toi, avec toi, j'y ai tellement mit toutes mes énergies, qu'est-ce que je vais faire maintenant ?
Je suis désolée, mais je suis incapable de te dire au revoir, pas encore, c’est trop dur
Je t'aime Mon Amour !


Ce texte, je le lui ai écrit quelques jours après son départ. Je ne pouvais pas commencer à écrire ici en parlant de Claude à la troisième personne, il fallait que je commence par m'adresser à lui. Aujourd'hui, ça fait deux mois qu'on s'est mariés. Ça c'est passé sur son lit d'hôpital, 4 jours avant que la maladie ne l'emporte. Maudit cancer. On s'est tellement décarcassé pour trouver une solution au c..... de cancer. On a remué ciel et terre. Mais il s'est fait avoir en traitre. Après 3 ans de combat, il est parti en 9 jours, mais on en a eu que 5 pour se préparer, et nous n'avons pas été capable de nous dire au revoir.
Samedi. ça fera 2 mois, j'ai reprit le travail à temps partiel, ça fait du bien, mais c'est dur. Je ne suis pas capable de ne rien faire d'autre, le ménage ? C'est au compte-gouttes, les papiers ? À la dernière minute, d'ailleurs, je viens de me rappeler que j'ai publié de payer la facture d'électricité, dormir ? Le sommeil se cache, et quand je le trouve, il ne reste plus beaucoup d'heures pour ça, même les pilules du médecin ne sont pas efficaces. J'ai l'impression de vivre dans un brouillard. La journée, c'est pas si pire, il y a le travail, la télé, l'ordi, les livres, les amis, tout ce que je peux trouver pour ne pas penser, mais dès l'heure du coucher, il n'y a plus rien pour occuper mes neurones et là, le hamster se met à galoper dans sa roue cérébrale, et ça tourne, ça tourne, ça tourne, et moi, j'en fais autant dans mon lit, je pleure, je crie dans mon oreiller...
Ma famille est loin... sur un autre continent, la sienne... à 900 km d'ici, nos amis... ils sont bien gentils, mais ils ne savent pas se que je vis réellement, il y en a une peut-être qui comprend plus, elle observe beaucoup et voit des choses que les autres ne voient pas, mais on n'en parle pas beaucoup. Il ne savent pas comment réagir, ils sont mal à l'aise, et je ne veux pas les faire fuir, ils comptent trop pour moi, pour toute sorte de raisons.
Je ne sais pas quoi faire, à part continuer la vie qu'on s'était tracée, mais seule. Je ri encore, mais il me semble qu'il manque du sel dans tout. La vie est si fade sans lui.

Comme je le disais dans le texte que je lui adresse, le plus dur à part le moment du coucher, c'est toutes les petites choses du quotidien qui provoquaient des réactions prévisibles de sa part. Réactions que j'attends et qui ne viennent pas, qui ne reviendront plus jamais. Toutes ces petites complicités à jamais disparues sauf dans ma mémoire, elles font mal, mais en même temps, j'ai peur, un jour, de réaliser que je ne les attends plus, qu'elles aussi m'ont quittée, qu'elles ne font plus partie de ma routine, de mes attentes.

Ma tête sait qu'il est parti, qu'il a quitté son corps, ce monde, mais mon cœur n'y croit pas et je ne veux pas qu'il y croit un jour.

Je crois que je vais m'arrêter là  pour ce soir. Je pourrais continuer toute la nuit, mais... Désolée pour la longueur de ce post.

Merci à ceux qui vont me lire, merci à ceux qui vont répondre. Merci à ceux qui ont créer ce forum, ça fait  plusieurs jours que je vous lis, et de savoir que mes réactions sont les mêmes que les vôtres fait du bien, je suis normale, si on peux appeler ce que nous vivons ''normal''.
Bon courage à tous, et bonne nuit.
Christelle.

Claudahoa

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #1 le: 18 juillet 2012 à 07:51:53 »
Bonjour Christelle,

Tu n'as pas à être désolée pour la longueur de ton post,ce forum est là pour çà ,pour nous permettre de "vider notre sac"bien trop lourd à porter, en partageant le lourd fardeau qu'il représente sur nos épaules avec les autres.
Je trouve que c'est un très bel hommage que tu rends à ton amour et que c'est un honneur que tu nous fais de partager votre histoire avec nous.
Le départ de ton mari est encore très récent,la révolte gronde,l'absence est immense   mais pour avoir même cru  mourir après la mort de ma fille, je peux me permettre de te dire que le temps est un de nos meilleurs alliés et qu'en faisant son oeuvre il nous amène des sourires aux lèvres voire des rires.Certes le manque,la souffrance sont toujours là mais nous apprenons à en faire des compagnons de route...

Tendrement
Claudia

cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #2 le: 19 juillet 2012 à 00:02:00 »
Merci Claudia pour ta réponse.
Je suis désolée pour ta fille. Le temps tu dis, oui, le temps... je suis ambigüe face à cette notion de temps qui cicatrise les blessures. J'aimerais parfois que le temps passe plus vite pour me permettre d'aller mieux, et recommencer à vivre ma vie pleinement (est-ce possible ça ?), et en même temps, je voudrais que le temps s'arrête, pour être certaine de garder son souvenir vivant, émotionnellement parlant, je ne sais pas si vous comprenez. en fait, je ne veux pas, non seulement oublier notre histoire et tout ce qui le concerne, mais je veux pouvoir continuer de  ressentir l'émotion de chaque souvenir, je sais que c'est humainement impossible, vu que l'émotion ne peut se vivre que ''live''...
Et tant qu'à arrêter le temps, pourquoi pas le faire remonter en arrière pour pouvoir refaire le chemin différemment, mais ça aussi c'est impossible. Maudit que j'haïs ce mot, impossible...

cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #3 le: 20 juillet 2012 à 01:38:22 »
Ce matin, je me suis réveillée avec une furieuse envie de pleurer et de ne faire rien d'autre, seulement, je devais aller travailler. Un coup de rush en fin de journée m'a permis de pensée un peu à autre chose, pour réaliser par la suite que j'étais sereine. Mais ce fut une sérénité de courte durée quand j'ai compris, qu'en fait, j'avais hâte de rentrer à la maison le retrouver, d'ouvrir la porte et l'entendre dire, du l'autre bout de l'appartement, un sourire lumineux dans la voix : ''Bonjour Chérie, tu as passé une bonne journée ?'' J'ai alors réalisé que plus jamais je n'entendrais sa belle voix grave où j'entendais tant d'amour ! Mon cerveau s'est alors emballé, me rappelant tout les autres ''plus jamais'' qu'il y aurait pour le restant de mes jours : Plus jamais ses bras autour de moi, plus jamais ma tête au creux de son épaule, plus jamais ses lèvres sur les miennes, plus jamais ses ''je t'aime'' à mon oreille, plus jamais nos soirées lectures, nos discussions, nos soupers en tête-à-tête, nos regards complices, ses sourires amoureux, ses compliments, ses mots d'amours, nos encouragements l'un envers l'autre face à son combat contre la maladie, plus jamais l'espoir, la tendresse, les rêves... Tout ce que nous avions remis à plus tard parce que son corps ne le lui permettait plus et qu'on n'accomplirons jamais...
Tout cela, ce soir me pèse. Ce soir, j'ai pleuré, j'ai crié, j'ai fait peur à mon chien par mes sanglots...
Comment vais-je pouvoir continuer sans toi mon Amour ? Comment vais-je faire sans ton amour, ta tendresse, sans la complicité, la simplicité et la sérénité de notre vie à deux malgré le combat que nous menions côte-à-côte, avançant tout deux de front dans la vie, tellement certains que notre amour serait plus fort que tout. Que nous avons été présomptueux de croire que nous serions plus fort que la maladie et que nous pouvions, tout les deux ensembles faire des miracles. La mort s'est bien chargée de nous ramener à la réalité et nous remettre les pied sur terre.
Malgré tout, les 4 années qui nous ont été accordées ont été les plus belles de toute ma vie, les plus heureuses, les plus sereines.

cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #4 le: 30 juillet 2012 à 05:18:58 »
Ce soir, je ne suis plus capable, je suis complètement dépassée par les évènements. Je ne sais plus par quel bout prendre ma vie. Personne à qui parler, parce que personne pour comprendre. J'ai trouvé ce forum, j'ai lu, ça m'a fait du bien, mais ce n'était plus assez, j'ai écrit, mais rien, juste une réponse. J'ai essayé de répondre à d'autres, de leur apporter le réconfort donc j'ai moi-même besoin, mais je suis incapable de trouver les mots, je ne les trouve déjà pas pour moi. Où dois-je m'adresser pour avoir un minimum de soutien, réconfort, écoute... ou n'importe quoi qui me fasse ne serait-ce qu'un tout petit peu de mieux ? Je pensais qu'ici, était LA place pour ça, mais, je n'y ai rien trouver de tout ça, en tout cas pas pour moi. Je ne sais plus où me tourner.

choupinette

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #5 le: 30 juillet 2012 à 09:02:00 »
 Bonjour Christelle,
Ici tu as ta place, seulement actuellement tu te sens tellement mal, que tu as l'impression d'avoir ta place nul part, pour avoir vécu ce que tu décris, ce sentiment irréel qui te submerge, le manque à crever, ce gout de trop peu....il faut absolument que tu saches , que ce que tu ressens fait parti des 1ers ressenti du deuil, et c'est normal, ne te décourage pas s'il te plait, je sais que c'est dur, trés trés dur, que tu n'as plus beaucoup d'espoir, que tu penses que toute ta vie, tu vas vivre avec cette peine immense...je sais aussi que si je te dis qu'à force, tout doucement, tu vas aller un peu mieux, tu vas certainement pas me croire.
Pour ma part, il m'aura fallu 10 mois aprés le décés de Marc, pour que je craque réellement, que je touche les abimes de la souffrance et que celle ci se révèle être encore plus cruelle avec moi qu'au départ, bien qu'au début je n'arrivais plus à m'alimenter, je pèse actuellement 52kg et j'étais descendue à 44kg, je voulais me laisser mourir de chagrin, que cette sensation horrible que je ressentais s'arrète...une bonne fois pour toute, ensuite j'ai eu quelques mois cahin-caha à vivre avec des angoises monstrueuses, vraiment terrible et au bout de 10 mois à la mort de mon petit bouledogue français (Roméo) de 7 ans mort d'une tumeur au cerveau inopérable alors que Marc est décédé d'une mort encéphalique, alors là, j'ai craquée, craquée de la même façon que les 1ers temps, j'en ai voulu au "bon dieu" de s'amuser à ma torturer de la sorte, d'être la 'survivante' de ce que nous étions...tu vois il m'aura fallu cela pour que je me décide à consulter un psy et enfin être sous antidepresseurs, si je te raconte cela, c'est simplement pour te faire comprendre que certaine fois, tu vas te dire que tu ne vas pas 'gagner', que cette situation est inextricable, tu vas être à bout, au bout de tes forces et ça aussi malheureusement c'est normal...mais ne te décourage surtout pas, l'être humain est capable de bien des choses et le temps est notre meilleur allié.
Je vais penser trés fort à toi et je t'envoie du courage.
Christelle dit choupinette.

Mammj

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #6 le: 30 juillet 2012 à 09:15:06 »
Bonjour Christelle....
Quelques mots en attendant que d'autres, qui partagent votre douleur, prennent le relai... La mienne c'est la perte de ma fille
qui laisse deux enfants... Je suis inconsolable depuis un an, comme foudroyée ! Comme vous je ne sais où me tourner..... Avez-vous déjà écouté les vidéos que le site traverserledeuil.com met à disposition dans "être accompagné" ? Quand je suis au fond du désespoir je les réécoute... pour un moment d'apaisement... une fois par mois j'assiste à un groupe de paroles et chaque semaine je vois une
psy, tout ceci pour essayer de tenir debout afin de  ne pas -dans l'immédiat- ajouter de peine à deux petits-enfants sans maman...
Il y a aussi la lecture du livre "Vivre son deuil" qui peut vous éclairer sur ce que vous ressentez et, pour Québec, peut-être pouvez-vous trouver un groupe de paroles ou une ligne d'écoute pour exprimer encore et encore votre souffrance ! Essayez d'aller sur le journal de Caroline3 de Québec et à son retour de vacances, peut-être pourra-t-elle vous communiquer quelques adresses ou autres références ? Persévérez surtout...
Pensées chaleureuses.  Mamm'j
« Modifié: 30 juillet 2012 à 09:23:16 par Mammj »

joshuadu34

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #7 le: 30 juillet 2012 à 09:32:41 »
Bonjour cris

Quel cri de désespoir... Ce cri dans lequel, souvent, je me reconnais... On se pose tous la même question, comment survivre dans ce monde qui n'a maintenant plus aucun sens, aujourd'hui que la personne pour laquelle nous vivions n'est plus là, n'y sera plus jamais, ou puiser la force de continuer encore, comment « oublier » ou au moins trouver suffisamment de force pour continuer sans elle ou lui ?

Ces questions, aucun de nous n'y a vraiment réponse, aucun livre, aucun manuel de survie, n'est adapté et n'apporte la vraie démarche permettant de trouver la force de surmonter la violence d'un moment qui nous semble insurmontable. Viennent alors les certitudes, les « je n'y arrive pas, je n'y arriverais jamais » et autres qui nous assaillent surtout le soir, la nuit, quand le lieu dans lequel nous partagions notre quotidien se referme sur nous et nous fait sentir tout le poids d'une absence.

Et pourtant, nous continuons...

Chaque soir, je suis moi-même assaillit par les souvenirs des derniers instants, par le moment ou elle a rendu son dernier souffle, et j'ai beau chercher le réconfort des bons moments passés ensemble, c'est ce souvenir là qui s'impose systématiquement à moi. C'est sans doute le seul moment qui me fait comprendre qu'elle ne sera plus jamais là, même la tombe sur laquelle je me rend souvent n'a pas cette force destructrice. Sans doute parce qu'elle est encore anonyme, parce que la photo d'elle que j'ai choisit pour la symboliser n'est pas encore en place. Mais là bas, j'arrive à lui parler, la nuit les sanglots m'en empêchent aussi surement qu'ils m'empêchent de fermer les yeux et m'obligent à chercher tous les palliatifs imaginables pour tenter de changer l'image qui court dans ma tête.

Les amis apportent des conseils, des paroles qu'ils pensent douces mais ne trouvent jamais vraiment les mots justes. Quoi de plus normal quand on comprend enfin que seul le fait d'avoir vécu un tel moment permet d'imaginer la violence, le choc, que ce moment représente ? Ils tentent, souvent maladroitement, de nous réconforter, de nous soutenir... Mais c'est cette incompréhension qui nous empêche de pouvoir leur dire ce que nous avons sur le coeur, de vider notre sac, ou du moins de le partager pour le rendre moins lourd, parce que cette incompréhension, tout à fait logique, nous la ressentons parfaitement, et cette crainte d'être jugé sur des critères autres, du fait de cette incompréhension, nous empêche le dire.

J'ai compris cela comme nous le comprenons tous rapidement, et je ne cherche plus chez eux que ce qu'ils sont capable de nous donner : une présence. Pour les mots, pour les sortir et pouvoir enfin exprimer la peur, la violence, la tristesse que j'ai sur l'âme, je me suis tourné vers une psychothérapie, vers une personne extérieure qui, elle, ne me juge pas, dont je me fout du jugement, d'ailleurs. Ce forum aussi me permet de commencer à parler aussi. Je sais que je n'y serait pas jugé, que mes mots et mes maux, d'autres les partagent. Ne pas avoir ce visage de compassion m'aide aussi à pouvoir dire les choses, alors j'en profite.

L'aide chimique est présente aussi chez moi. Seroplex et Alprazolam sont mes compagnons des repas, une béquille sur laquelle m'appuyer pour non pas me permettre de passer ce moment, mais me permettre de le supporter.

Et puis je fuis, beaucoup, ce lieu chargé de souvenir. A droite à gauche, je cherche à « oublier » ce que je sais ne jamais pouvoir oublier. Quelques pétages de plombs, achats compulsifs (que vais-je bien pouvoir faire des 6 kilos de viande qui trônent maintenant dans mon congélateur? De ces chemises surnuméraires ? De cette tablette tactile flambant neuve et inutile?), et autres moments que je ne comprend même pas, n'étant naturellement pas matérialiste... Mais je change de cadre... J'en passe, comme tous, par des moments de doute énormes, par des creux de vague qui font ressembler le plus grand tsunami à un clapotis de mare à canard. Mais je continue, encore, prenant chaque jour l'un derrière l'autre. Je connais les phases que nous traversons tous, y compris ces phases de désespoir intense. Ça ne m'aide pas à les traverser, non, juste à savoir que d'autres phases, y compris des phases euphoriques suivrons, à savoir que ces phases là sont on ne peux plus normales.

C'est mon vécu, pas le tien, et ce vécu n'est pas transposable à toi, mais cette compréhension, et la possibilité, sachant que les creux de vague sont « normaux », et la possibilité de les exprimer ici auprès de ceux qui eux aussi comprennent parce qu'ils en passent par les mêmes phases m'aident.

A toi maintenant de puiser chez les autres, ici comme ailleurs, la petite étincelle nécessaire à notre survie, à ta survie... Nous, nous te comprenons, nous partageons ta douleur et tes doutes, nous les traversons aussi, et chacun d'entre nous à une petite part de la solution qui, mit bout à bout, te permettra de passer ces moments difficiles. N'hésite pas à puiser chez nous ce qui pourra t'aider, tu sais que nous serons à tes côtés parce que notre petite communauté triste te comprend.

Si tu le permet, je t'embrasse, te souhaitant de trouver le courage nécessaire pour te soutenir, t'en apportant un peu aussi.

Patrice

Chris-ka

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #8 le: 30 juillet 2012 à 09:37:40 »
Christelle,

Et bien, effectivement, je viens de m'apercevoir que tes premiers messages avaient reçu peu de réponses. Il y a eu très certainement un "loupé" de notre part car je peux t'assurer que tu trouveras toujours ici quelqu'un à ton écoute.

Mais nous allons nous rattraper  :)

En ce qui concerne les autres "lieux"où tu pourrais trouver du réconfort et te sentir comprise, si ce forum ne te satisfait pas entièrement, ce que je peux comprendre puisqu'il n'est que "virtuel", sont en premier lieu pour moi la lecture (voir le fil "lectures" dans lequel tu trouveras bon nombre de références), une association, une ligne d'écoute, un groupe de paroles, un psy ...

Prends soin de toi
Karine



Pervenche

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #9 le: 30 juillet 2012 à 09:59:54 »
Chère Christelle,

Comme beaucoup, je me reconnais dans la description de ta souffrance, dans ce cri d'amour, de manque de ton amour.

Tout ces petits riens qui étaient notre quotidien. Quand tu parles de Claude, de sa gentillesse, je retrouve la description mon Bruno. C'étaient des vrais gentils.

Les regards tournés vers nous, les petites attentions de tous les instants, la tendresse, l'amour, la complicité, les moments où l'on sait prévoir l'attitude de l'autre. Celui pour qui on était belle, pour qui on était tout.

Nous avons eu cette chance mais trop peu de temps.

Le sommeil qui nous fuit. Se coucher sans la douceur de la présence de celui qu'on aime. Ne plus savoir ni pour qui ni pour quoi vivre. Etre amputée de partie de soi. Etre en décalage avec le reste du monde et cette solitude comme avenir qu'on ne peut imaginer.

Oui Christelle, en plus tu as dû lutter avec lui contre le cancer, vous n'avez pas eu assez de temps pour vous dire au revoir. Mais pour cela, a t'on jamais assez de temps ?

Je partage ta peine Christelle mais même si tu ne peux pas l'imaginer aujourd'hui, je te promets que cette peine s'adoucit. Elle reste blottie au creux de toi. Avec des hauts et des bas. Beaucoup de bas au début.

Je suis moi-même sous seroplex et stressam depuis le débranchement de Bruno. Il m'a fallu ces presque mois et demi pour sortir un peu de ce marais gluant qui nous appelle vers le fond.

Les vidéos et ce forum m'ont vraiment aidée car je suis seule aussi. Ma famille (ma fille, une tante et une cousine) et sa famille (ses enfants, sa mère et sa soeur) me soutiennent le plus possible, je les soutiens comme je peux.
Mais chacun a sa vie. Pour sa famille, qui est en province, surtout sa maman, c'est une horreur. Mais pour moi, il était mon quotidien. La douleur n'est pas comparable bien sur. Mais chaque instant est rempli du manque de nos compagnons.

Il faut que tu parles, racontes le plus possible de Claude, des moments heureux, de la maladie, de son décès. Raconte et raconte encore. Nous sommes là pour nous tenir la main.

Bien sûr, nous avons tous nos hauts et nos bas mais ta place est bien ici avec nous. Ici tu peux déposer ta douleur, la partager.

Même si à un moment précis, il n'y a pas de réponse, cela ne veut pas dire que tu n'es pas lue. En ce qui me concerne par exemple, il me faut parfois un temps avant de pouvoir répondre. Parce que ca fait mal de voir une telle souffrance. Parce qu'à ce moment précis je voudrais trouver les mots mais mon propre chagrin reprend le dessus et je pense que je ne serai pas une aide.

Christelle, reste avec nous, reviens sur ce site autant que tu en as besoin. regarde les vidéos. dis ta douleur, ta solitude encore et encore. Comme le dit le Dr Fauré dans sa conférence "user et user encore et encore" ta douleur.

J'espère ne avoir été trop longue...
Je pense bien à toi, tu verras, la douleur s'atténue. promis.

Je t'embrasse Christelle
Claire




cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #10 le: 30 juillet 2012 à 16:42:07 »
Merci à tous, sincèrement. Depuis que je me suis levée ce matin, je pleure, tout ce que je fais, je le fais en pleurant.
Quand j'ai découvert tout vos messages, j'ai pleuré plus fort, mais ça fait du ''bien'', ça vide.
Yohann, je n'avais pas réalisé que vous pouviez interpréter cette petite phrase pour vous, parce que ce texte, je le lui ai écrit dans les premiers jours qui ont suivi son départ, je l'avais mit sur sas page fb, et elle s'adressait en fait à tous les biens intentionnés qui m'aurait dit toutes ces phrases niaiseuses sensées être réconfortantes, qu'on a tous entendu et qu'on ne veux surtout pas entendre. C'est quand je t'ai lu que je l'ai compris. Je ne suis pas vraiment vite du cerveau ces derniers mois.
Claire, c'est vrai que nos deux histoires d'amour se ressemblent. Je l'avais remarqué en lisant tes posts, mais je n'avais pas voulu le dire, parce qu'à ce moment-là, je ne voulais pas admettre que quelqu'un d'autre avait eu un lien aussi unique, je nous voulais, Claude et moi, unique, peut-être pour pouvoir crier plus fort à l'injustice d'avoir séparer un couple comme nous. Tous le monde nous le répétait, même notre travailleuse sociale nous avait dit que nous étions chanceux, que peu de couple comme le notre avait la chance d'exister, qu'elle nous enviait et qu'on était un modèle pour elle. Sur le coup,  nous nous étions dit qu'elle nous passait de la pommade pour nous aider dans un moment de découragement, mais quand Claude est parti, j'ai tellement voulu croire à notre unicité, que j'ai été incapable de te le dire.
Quand nous nous sommes rencontrés, nous sortions tous les deux d'une relation destructrice. Nous nous étions soutenu pendant des mois, nous nous étions écouté, conseillé, réconforté. nous avions reprit le goût de vivre ensemble, remit nos vies sur les rails et étions finalement tombés amoureux de la personnalité de l'autre. Il a fallu alors nous rencontrer. Ça c'est fait à Montréal, le 4 juillet 2008. Une ville qu'il ne connaissait pas, une ville que je connaissais à peine. J'ai alors découvert qu'il avait un énorme défaut, il n'avait aucun sens de l'orientation ! Il n'a jamais trouvé notre lieu de rendez-vous ! C'était dans un ''Tim Horton'' et tous les québécois pourront le confirmer, un ''Tim Horton'' c'est pas dur à trouver, surtout quand il se trouve à deux pâtés de maison ! Une chance, j'ai le sens de l'orientation pour deux ! J'ai trouvé l'adresse où il restait pour l'été. Il n'était pas là. Je n'avais pas fait 1h30 de route pour rien, il allait savoir ma façon de penser avant que je ne rentre chez moi. Quand je l'ai vu arriver, tout piteux, les pieds pleins d'ampoules d'avoir arpenté les rues de Montréal pendant plus de deux heures, en gougounes, mon cœur a fondu. Je n'ai pas ressenti les affres de la passion, pas de papillons dans le ventre, pas de picotis dans la nuque, rien de ce que tous le monde, moi la première à l'époque, décrit comme les signes qu'on est amoureux. Mais l'amour que je ressens pour cet homme a grandi un peu plus chaque jour, et cela continu. On avait une grande complicité, on avait les mêmes goûts, les même valeurs, les mêmes pensées, les mêmes objectifs dans la vie,... je pourrais en citer encore pleins d'autres. En même temps, nous avions nos différences, en fait, nous étions complémentaires ET identiques. C'est compliqué à expliquer.
Claire, quand tu dit : ''Celui pour qui on était belle'', ça me fait penser à une anecdote. Souvent, quand je m'habillais et que je n'étais pas sûre du bon choix que j'avais fait, je lui demandais ce qu'il en pensait, et il me répondait toujours : ''Wow, chérie, t'es belle !'' et quand je réalisais ce qui me dérangeais dans l'assemblage de linge, je le lui disais : ''De toute manière, pour toi, même habillée avec un sac à patates, je serais belle''. Et lui répondait : ''Un rien t'habille Chérie !'' De toute façon, même le matin au réveil, les cheveux en bataille, les yeux pochés, grippée, il me trouvait belle.
Quand il y avait une décision à prendre, on en discutais pour la forme, juste pour nous rassurer que c'était la bonne décision, parce qu'on savait d'avance qu'on serait d'accord, on pesait tout de même les pour et les contre, les différentes options possibles, et on tombait toujours d'accord. On a eu très peu de disputes, c'était plus pour la forme, pour détendre les tensions que la vie nous imposait (ou quand il était copilote !!!). Et là, j'ai plus personne pour détendre l'énorme tension que la vie vient de nous imposer. J'ai l'impression que l'élastique va finir par péter et me revenir en pleine face. Je l'attend avec peur et angoisse, comment je vais me relever ?
J'ai vu les modules vidéos, il m'ont aidé un temps, mais je trouve maintenant que ça tourne en rond, c'est sur, c'est toujours les mêmes mots que j'entends ! Est-ce que les écrits du Dr Fauré se trouve sur un site, ou on ne les trouve que dans le livre ? J'ai lu des feuilles que m'a remit ma TS écrit par le Dr Michel Lemieux, ça à l'air que, sans être sorti du stade du déni, je viens de rentrer de plein fouet, la tête la première dans celui de la désorganisation. Et toute une désorganisation !
J'ai voulu rejoindre un groupe de paroles, mais il n'y en a aucun en ce moment, ils reprennent en septembre, ils sont tous en vacances ! Ça à l'air que le deuil prend des vacances ! Personnellement, chez moi, il a décidé de prendre ses vacances à la maison !
Vous parler de Claude, de notre rencontre, de nous, m'a fait du bien. Je vais m'arrêter là pour le moment, avant de retourner dans les paroles et les souvenirs qui font pleurer, mes larmes se sont calmées depuis quelques minutes, je vais profiter de ce répit pour essayer de faire autre chose !
Merci à tous d'être là !
Christelle.

cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #11 le: 30 juillet 2012 à 18:45:47 »
Merci Yohann, je vais regarder ça.  :)

Pervenche

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #12 le: 30 juillet 2012 à 20:30:29 »
Christelle,

moi aussi j'avais hésité à te dire que nos histoires se ressemblaient... elles étaient tellement belles qu'on les aurait voulu unique !

N'est ce pas ce que tous les amoureux du monde ressentent ? Nous non plus nous n'avons pas eu beaucoup de disputes. Mais que j'aimerais pouvoir me disputer avec lui, cela voudrait dire qu'il est là !

Merci à Yohann pour les liens sur l'hypnose, j'irai voir...

gros bisous à tous
Claire

cris

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #13 le: 01 août 2012 à 16:36:04 »
Oui, Claire, c'est vrai qu'elles étaient belles. Jamais je n'aurais cru pouvoir vivre un amour aussi simple, aussi complice. Il n'y avait tellement pas de jugement entre nous, que je pouvais dire ce qui me passait par la tête sans peur de ce qu'il aurait pu penser. N'importe quelles niaiseries, il la trouvait drôle, et même si c'était vraiment niaiseux, que même-moi, je me disais : ''Ben, celle-là, c'était vraiment pas fort !'' Lui, il me souriait avec amour et me disait en riant : ''On ne peux pas toute les réussir, la prochaine sera meilleure !'' Et si ma niaiserie était vraiment bonne, il me disait, avec le même regard amoureux : ''T'es drôle, chérie !''
Qu'est-ce que je ne ferais pas pour entendre à nouveaux ces petits mots...

Pervenche

  • Invité
Re : Pourquoi
« Réponse #14 le: 02 août 2012 à 22:44:20 »
Chère Christelle,

juste un petit mot pour te dire que je suis certaine qu'il entendra les blagues que tu lui raconteras même maintenant.

Moi je parle à Bruno, et dès qu'il m'arrive une petite tuile, du genre : j'arrive avec le poivre dans la cuisine, j'ouvre la porte du frigo et là je me dis "quelle tarte je fais, ranger le poivre dans le frigo, t'es pas bien ma pauvre fille !" à ce moment je vois que j'ai rangé ma serviette de table dans le frigo !
alors je rigole toute seule et je parle comme si Bruno était là, je lui raconte pour qu'il rigole avec moi.

C'est niais mais nous aurions ri ensemble de cette bêtise.

Nous aussi on en faisait des pas très drôles mais cela l'était pour nous.

bises de France
Claire