Pascale,
Je lis tes messages de la nuit et me désole de ne pas avoir été présente.
Tout, absolument tout m'interpelle. Je pourrais tout reprendre à mon compte. Nous aurions pu échanger toute la nuit!
Je pensais que la douleur me rendrait folle, que mon esprit était suspendu par un fil qui ne demandait qu'à se rompre.
Et non, j'ai appris que la souffrance ne rendait pas folle, j'ai appris à l'aprehender à l'apprivoiser, à la laisser venir, étouffante, affolante, exaspérante, énervante, et pleine de colère et d'amertume, j'ai aussi appris à la faire taire, pour qu'on se regarde les yeux dans les yeux,qu'on se jauge ou qu'on se juge... Je la regarde me transformer,cerner mes yeux, marquer mon visage , blanchir mes cheveux, et vouter mon dos et baisser ma tête
Si c'est bien le cadet de mes soucis, je vois une chose importante dans la transformation de mon corps depuis le départ de Pierre, c'est mon regard. C'est incroyable, mais mon regard a changé. Plus d'étincelle de vie. Cela me frappe sur les photos. Rides, cheveux blancs, dos vouté ... une année aura suffit. Mais j'en fais presque une fierté, ce sont mes voiles noirs que j'affiche ainsi. Car il y a quand même un point qui diverge entre nous : la vie ne m'interesse plus du tout. Parce que mon coeur continue de battre, je mange, je bouge, je m'occupe, beaucoup, ... par défaut, par obligation, en attendant.
Souvent je me bouscule, je me dis que j'ai eu une très belle part de bonheur, et que je dois apprendre à m'en contenter. Mais çà, c'est du raisonnement, pas du sentiment.
En ce moment, j'ai comme "un ciel bas et lourd, qui pèse comme un couvercle", qui me plombe, alourdit mes pas et me voile l'horizon. Pas d'horizon. Plus d'horizon. Sans doute aussi cette difficile époque de l'année, où la nature prend ses quartiers d'hiver. Je vois que nous sommes tous un peu comme cela.
Pas de somnifère pour moi non plus. Je m'habitue à ces nuits hachées durant lesquelles, je "pense trop", je me lève, je marche, me recouche et repense trop. Quand je dors, je fais des rêves dérangeants ou douloureux. Je préfère presque l'insomnie.
Va Pascale, nous sommes loin de ce qu'ils appellent la résilience, transformer le négatif en positif, mais nous sommes sur le chemin.
Bizz et accroche toi, brouillard et froid dans les Ardennes, pas mieux en Champagne. Décorations de Noêl partout, j'en ai la chair de poule. Pas le choix. Moi aussi l'hibernerais bien. Tu as une place dans ta tanière
Bizz again.
PiMa