Bonjours Orfilia. Je viens de découvrir ton histoire et elle m'a profondément émue. Je m'y reconnais en plusieurs points, et de toute manière nous vivons tous la même souffrance, ce vide, cette absence omniprésents, aussi contradictoires que puissent sembler ces mots. Tu peut être assurée qu'ici nous nous comprenons tous, et nous connaissons tous ce besoin de parler de l'être aimé, de garder sa mémoire vivante tout en mettant nos émotions, nos ressentis noir sur blanc.
Ton deuil est tout récent, à ce stade nous avons tous connu cette douleur presque insupportable (et pourtant il faut croire qu'elle l'ètait quelque part, puisque nous l'avons supportée, en dépit de l'effort parfois surhumain que ça représente; nous pouvons en supporter bien plus que nous l'imaginons, même si c'est très dur), cette désorientation, cette sensation que nous aussi sommes morts, d'une certaine façon. Et oui, avec le temps ça s'adoucit, d'abord insensiblement puis toujours un peu plus...ça ne signifie pas que nous oublions-tu n'as aucune crainte à avoir à ce sujet-uniquement que le plus gros de la souffrance s'estompe, laissant place à une mélancolie, une nostalgie beaucoup plus douces et que nous pouvons trouver-d'abord un minim-puis davantage de paix intèrieure. C'est extrêmement difficile à imaginer les premiers mois, mais c'est bien ce qui m'est arrivé, même s'il y a encore des moments très difficiles. Je pense qu'il y en aura toujours, je l'accepte sereinement, j'ai appris à vivre avec, et les moments où je me sens bien sont d'autant plus précieux.
Mon compagnon est dècèdé le 2 mai 2015-ça a donc fait un an et trois mois hier-après avoir été dans le coma pendant une semaine, après une chute dans ses escaliers. J'avais tout juste 40 ans, comme toi, et comme toi aussi, je vivais un amour fusionnel avec l'homme que j'aimais-que j'aimerai toujours. Comment est-ce-que j'aurais pus imaginer une chose pareille?...Je suis restée hébétée, avec un profond sentiment d'incompréhension dont il m'est resté quelque chose. Aujourd'hui encore, je me dis parfois, avec cette stupéfaction que je connais si bien: "Mais c'est pas possible!" Pourtant j'ai toujours sus que si, je n'ai jamais été dans le déni, à part les 10 premières secondes après qu'on m'ai annoncé son décès. Ca a été la pire épreuve de toute ma vie et je sais que je resterai fragilisée, mais j'ai pus supporter même la période la plus pénible pour lui, pour honorer sa mémoire, pour me montrer digne de lui, de notre amour, pour qu'il puisse être fier de moi de là où il est.
A présent, la plupart du temps penser à lui-j'y pense toujours en permanence et je ne veux pas que ça s'arrête-m'apporte bien plus de joie, voire même de bonheur, que de tristesse (celle-ci est toujours présente mais ne domine plus tout le reste). Ca ne m'empêche pas de vivre, et de vivre le mieux possible. Je sais que c'est ce qu'il aurait voulu. Il tiendra toujours la même place dans mon cœur, et penser à lui, me sentir en communion avec lui m'aide à profiter de la vie terrestre et de ses petits plaisirs.
Je me retrouve aussi dans ce que tu décris concernant les émotions lorsque ton conjoint était malade. Durant tout le temps où mon ami est resté dans un coma profond, j'avais le sentiment que c'ètait toujours lui et qu'en même temps il n'ètait plus tout-à-fait le même déjà, qu'il s'éloignait de moi, que nous étions déjà dans deux univers différents. Si proche encore, et en même temps si lointain...
J'ai eu cependant la chance-et lui bien plus encore!-qu'il n'ai pas souffert et n'ai jamais sus ce qui lui arrivait. J'ai pus le toucher, lui parler, lui dire combien je l'aimais. Parfois ses paupières ont frémis, et on m'a dis qu'il ètait possible qu'il m'ai entendue, sentie avec la dernière ètincelle de vie qui subsistait dans son cerveau.
Je n'ose même pas imaginer la souffrance que tu as dû endurer d'assister à ses souffrances, de devoir lui dire adieu...ces images sont évidemment indélébiles-j'en ai toujours par moment, et je pense que nous sommes tous dans ce cas-seul le temps pourra les espacer, les rendre plus supportables, te permettre d'èvoquer bien davantage l'amour et les bons souvenirs partagés. C'est cependant possible, je peux en témoigner.