Bonjour Yohann,
Je vais à peu près bien en ce 30 décembre mais je n'ai pas de mérite, pour nous (Pierre et moi), les dates n'avaient déjà pas d'importance. On se faisait des cadeaux quand on en avait envie, on se faisait des we quand cela nous prenait, pas de cotillon les 31 décembre et pas de fleurs au cimetière le 1er novembre en particulier non plus. Bref, je n'ai pas été plus malheureuse le jour du 1er anniversaire de son grand départ, ni le jour de son anniversaire, ni à noël...
Demain soir ne me fait pas peur.
L'an dernier, au changement d'année, j'ai eu une angoisse, l'oubli. Pas le mien, bien sûr, l'oubli des autres, amis, famille. Nous changions d'année, cela devenait "l'année dernière". Et puis non, personne ne l'oublie mon cher et tendre.
Il est là, dans les objets de la maison, même si les choses ne sont plus à la même place, il est là, dans le jardin, que je bouscule beaucoup, tailler ceci, planter cela...
Navrée pour Caroline, mais il est là, partout et à jamais. Oui, je porte certains de ses vêtements, oui, j'ai des photos de lui un peu partout, je fais des albums de souvenirs et je continue de lui écrire presque tous les jours ! C'est d'ailleurs une vraie thérapie et comme tu le dis, mettre des mots sur du ressenti fait évoluer les choses.
Pour la culpabilité, j'ai une chance inouïe, je n'ai pas eu à passer cette épreuve, ce cap. Le déni et la colère, oui, mais pas la culpabilité. J'ai le sentiment d'avoir tout fait pour rendre mon mari heureux pendant les 30 ans que nous avons passées ensemble. J'ai le sentiment qu'il était heureux avec moi. Et pendant les 7 mois de sa maladie, j'ai fait ce que je devais faire, comme lui mentir, mais nous en avons déjà parlé.
Je ne regrette qu'une chose, j'ai passé 6 jours et 5 nuits à son chevet, assise dans le fauteuil de sa chambre d'hôpital, quand son état a commencé à empirer, et la dernière nuit, vers 5:00, l'infirmière de garde est venue me proposer d'aller me reposer quelques heures dans le lit de la chambre voisine vide. J'étais si épuisée que j'ai accepté. Je me suis éveillé en sursaut à 6:30, fonçée dans sa chambre, il dormait calmement tandis qu'il avait eu une nuit de coma très très agitée. Je me suis de nouveau allongée et l'infirmière est venue me chercher à 6:50. Je n'étais pas à coté de lui, à quelques minutes près. C'était son choix. Ne pas partir devant moi. Je l'accepte.
En te parlant de cela, et pardonnez-moi
, car cela n'est vraiment pas joyeux (mais j'éprouve soudain le besoin de raconter ses ultimes instants), je repense à ces 2 derniers jours à son chevet. Coma hépatique (cancer du rein). On le sait, c'est un coma violent. Pierre était agité et se débattait contre des "agresseurs" invisibles. Et cela m'a tellement troublé que j'ai noté certains de ses propos :
"Non, non, pas maintenant, pas maintenant" a t'il dit à plusieurs reprises en lançant ses bras en avant.
Et puis : "Il y a trop de lumière, trop de lumière" et quelques jours avant, il était déjà dans un semi coma et ne réagissait qu'à ma voix (ce qui a été pour moi son plus beau dernier cadeau), il m'a murmuré :
" C'est drôle, j'ai une drôle d'impression dans mon corps, j'ai l'impression d'être dans une pièce où je ne suis pas bien, et que j'attends qu'on vienne me chercher pour aller ailleurs où je serai mieux".
J'avais oublié ces phrases...
Et j'arrive à me souvenir et en parler sans pleurer. Cela tient du miracle.
Et bien tu vois Yohann, il vaut mieux ne pas me demander comment je vais, cela m'entraine à écrire un roman.
Désolée.
Je suis contente que tu sois soudain plus serein, malgré cette date que tu appréhende particulièrement.
Ce sont les mystère du chagrin, au grès des marées, mais au rythme du coeur.
A toi Yohann
A vous tous aussi
(A mon Amour, il n'y a pas de raison!
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