Sofi,
Voici ce que j'ai écris un dimanche, 2 mois et demi après le départ de Pierre :
"Encore une journée de gros cafard.
Que de larmes, que de larmes.
Comment puis-je produire autant de larmes et vous les offrir ainsi quasi quotidiennement. Je me sens aussi malheureuse, aussi désemparée, aussi démunie, aussi perdue que le 22 juillet. Ce 22 juillet je perdais votre corps, votre visage, votre sourire, votre regard, aujourd’hui j’ai l’impression que c’est votre âme qui s’échappe, qui me dit : « Je dois y aller, je dois te laisser, tu dois continuer sans moi. » C’est insupportable. Je commence à peine à apprivoiser l’espace sans vous, mais sans votre soutien, sans guide, je ne pourrais pas aller bien loin.
Je suis épuisée de chagrin, partout où se pose mon regard on me parle de vous, les objets, les gens, les arbres, partout des questions, partout des rappels, partout des souvenirs à chaque instant, chaque seconde de ces journées que je vis sans les vivre vraiment. Et chaque fois, c’est une blessure, une pique, une, deux, trois gouttes de mon sang et je me sens exsangue quand le soir arrive. Vidée, sans force et si fatiguée. Il me faut plus que ce soleil qui chauffe cet été indien, plus que l’amour de ma famille et l’affection de mes amis, c’est de vous dont j’ai besoin. Je vendrais mon âme pour vous retrouver.
Je me disais que je mourrais instantanément à l’heure même où vous cesseriez de respirer, mais non, je meurs lentement, à petit feu, avec la pleine conscience que vous m’êtes absolument indispensable, et que sans vous rien n’est possible. Une mort lente, qui commence par l’esprit et finira par le corps à plus ou moins court terme. Une torture supplémentaire. Comme me l’a dit maman, je paie très cher mes trentes années de bonheur avec vous. Vous avez payé très cher aussi, dans votre chair. Mais quelle faute devons nous expier ainsi ? "
Tu vois Sofi, nous suivons le même chemin.
Je ne vais pas te dire que j'ai retrouvé la joie de vivre. Je crois bien que je ne la retrouverais jamais, mais je contrôle mieux et, avec une tristesse infinie, je dirais que je m'habitue. Les larmes sont encore là, je continue à stocker, je les libère parfois, dans l'intimité de notre chambre. Mais le reste du temps je l'occupe au maximum, je construis, je batie, je m'épuise à avancer et lorsque je fais une pause sur ma route, je regarde en arrière et je me dis : Bon, j'ai gagné du temps.
Euh, ne me demande pas du temps sur quoi, je ne saurais pas te répondre. Du temps, sur le temps. Le temps qu'il me reste.
Courage Sofi, regarde devant toi et prend le temps de réfléchir longuement avant de décider quoique ce soit. Pèse le pour et le contre, comme tu le faisais "avant" avec lui. Il t'aidera de là où il est, soit en sûr, il t'enverra des petits moineaux pour te dire qu'il est avec toi. Moi, il m'envoie des coccinelles!
Des signes, il y en a plein, il suffit de savoir les interpréter.
Parfois, je m'endors avec une idée en tête... et je me réveille avec le contraire, comme si dans la nuit, j'avais eu une discussion avec quelqu'un qui m'avait fait changer d'avis.
Je t'embrasse, Sofi.
Marina