Ne t'inquiète pas Doudouzoe... J'ai connu et je connais ces mêmes "accalmies", ces mêmes craintes, ces mêmes questions... Comme beaucoup ici. Tu retrouveras souvent cette angoisse dans les témoignages des uns et des autres. Il y a même une rubrique spéciale "peur d'aller mieux".
Je connais cette angoisse, alors je me permets de faire ici un point de ce que j'en ai compris... Je sais que quand on vit cette angoisse, c'est difficile de se rassurer soi-même... On se dit: "comment c'est possible? C'est trop tôt..." On a honte aussi. Et puis du coup, on ne se reconnait plus complètement dans le témoignage d'autres personnes qui dans leur souffrance recherchent désespérément ce type d'accalmie... Accalmie qui nous, à cet instant, nous effraie. On a peur de ne pas aimer assez, d'être insensible...
Mais laisse moi te dire que je suis persuadée que ça n'a rien, mais absolument rien à voir avec un manque d'amour... C'est simplement une voie qu'emprunte notre cerveau pour affronter la situation... C'est déconcertant, déstabilisant... Beaucoup peuvent connaitre cette crainte à un moment ou un autre je crois, d'autres ne la comprendront pas vraiment. Certains s'y attarderont d'avantage et en souffriront beaucoup plus... Encore une fois, dans cette épreuve, on fait avec ce qu'on est: son passé, son histoire, ses casseroles, ses ressources..Pour ma part, cette crainte d'aller mieux m'a accompagnée tout du long et m'accompagne encore. Aujourd'hui (même si c'est fluctuant), je la vis un peu moins mal qu'il y a encore un mois, car j'ai compris qu'elle est conséquence de la façon dont je me suis construite...
Pour ma part, je suis très (trop) soucieuse de bien faire et du jugement des autres aussi... Une tendance à être vite anxieuse. Je pense qu'inconsciemment, à un moment, j'ai associé mentalement l'intensité de ma souffrance à l'ampleur de mon amour pour mon chéri et du coup j'ai pris peur qu'arrêter de souffrir signifie que je ne l'aime plus... Ce qui peut avoir deux conséquences: une telle peur de ne plus rien ressentir que mes émotions se bloquent à des moments en me donnant l'impression que je ne ressens plus rien (alors que dans ces moments là, la souffrance est bien là, terrible, mais sous une forme que je trouve bien pire parce que perverse: celle d'une sourde angoisse nichée au creux d'une désagréable anesthésie). Et deuxième conséquence: entacher les véritables accalmies en les chargeant de culpabilité plutôt que d'être en mesure de les accueillir simplement...
Je crois que la seule solution pour faire face et de travailler à comprendre comment tu fonctionnes, à toujours tacher de faire preuve de bienveillance envers toi-même (c'est ce que ton chéri voudrait aussi sans aucun doute), à tenter le plus possible d'accueillir ce que tu ressens sans le juger. Et si tu n'y arrives pas(c'est dur, je sais...), essaye de te tourner vers une ou des personnes en qui tu as confiance et qui pourront te rassurer... Car oui, le besoin d'être rassuré par les autres existe. Certains, très détaché du jugement des autres l'éprouve de façon moi impérieuse, mais je crois que sans cesser de mettre au travail ce besoin et de le questionner, il faut savoir l'accueillir avec douceur également.
Tu sais, même si c'est souvent plus simple de le dire aux autres qu'à soi-même, je tiens tout de même à te répéter encore une fois que les accalmies n'entament en rien l'amour que tu as pour ton conjoint. Pour ma part, j'aime mon chéri de tout mon cœur... J'ai peur parfois que de ne pas m'écrouler signifie que je ne l'aime pas assez, mais c'est une illusion mentale... Un raccourci que fait mon cerveau entre souffrance et amour et qui ne prend pas en compte une infinité d'autres paramètres...
Je crois aussi que si la souffrance est légitime dans une telle épreuve et considérée comme "normale", d'autres émotions sont également légitimes... Même si peut-être considérées comme moins "normales" par notre société et du coup, plus difficiles à accueillir. La joie par exemple: celle d'avoir connue une personne aussi exceptionnelle, de l'avoir aimée et d'avoir été aimée d'elle... La joie d'être encore en vie (qui peut être entachée par la culpabilité mais qui dans l'absolu n'a aucune raison de l'être je crois), la joie parfois aussi qui vient d'une confiance en une vie après la vie (je ne sais pas si c'est ton cas?)...
Et puis, accueillir les accalmies, ça peut être difficile parfois pour les mêmes raisons qui font qu'on a du mal à accepter d'être encore en vie, encore debout... On est bercé par des récits, des images qui nous montrent que "mourir d'amour" est une forme de romantisme absolu... Qu'aimer vraiment, c'est ne pas pouvoir continuer à vivre sans l'autre... Sans que j'arrive toujours à l'identifier, cette idée m'a donné du fil à retordre... Aujourd'hui je me dis qu'effectivement: je ne VEUX pas vivre sans mon amour. Je voudrais qu'il soit là tout près de moi, mais ce n'était pas à moi d'en décider... Et je ne PEUX pas vivre sans lui, dans le sens où me demander de tourner la page, de l'oublier... ça serait comme me tuer. En revanche, je VEUX et je ferai tout pour qu'il reste au cœur de ma vie, d'une façon ou d'une autre. Je l'aime et il ne disparaîtra pas.
Bien sur, une part de moi aspire parfois à mourir d'amour.... Combien de fois je me suis couchée en espérant le rejoindre, ne plus me réveiller.... Mais je sais aussi qu'il ne voudrait pas que je me maudisse d'être encore debout, de continuer à vivre.... Si j'en suis capable, c'est aussi parce que je l'aime et qu'il me donne de la force. Si j'en suis capable, c'est aussi parce que je l'aime, mais que ma vie ne dépendait pas, du moins pas entièrement de lui. Amour et dépendance sont deux choses bien distinctes je crois, même si dans un couple il y a toujours des deux. Je ne crois pas que mon amour aurait été heureux, serein avec moi si je lui avais dit "je ne peux pas vivre sans toi". Alors, maintenant, je m'efforce de faire honneur à l'indépendance qu'il aimait chez moi et de réaliser qu'elle n'entame pas la force de mon amour pour lui...
J'espère que mes paroles t'apporteront un peu de réconfort... Je t'embrasse et t'envoie tout mon soutien.