Pandor... Voila quelques jours que je te lis... Je ne t'ai pas écrit avant, car je n'avais pas la force, l'envie, les mots... Aujourd'hui, j'accueille une petite accalmie et j'en profite pour t'envoyer un peu de chaleur, te manifester mon soutien... Comme toi, j'ai perdu l'amour de ma vie. Il y a presque 10 mois maintenant... Beaucoup trop tôt. J'ai 26 ans (25 lorsqu'il est parti). Il en avait 33. Nous sommes restés ensemble 2 ans et 2 semaines... Cela faisait à peine quelque mois que nous vivions ensemble.
Tellement de souffrance... Et une souffrance tellement chaotique, intime, impartageable... qu'il y a si peu de mots pour la décrire, et si peu de mots qui peuvent nous atteindre et nous apporter un peu de réconfort...
Ce réconfort que pour l'instant, tu ne veux pas accueillir. Que tu fuis, que tu as peur de ressentir: par peur de trahir ton aimée. Je suis passée par là moi aussi. Parfois, cette culpabilité de vivre, cette peur d'aller mieux m'assaille encore. C'est une bien maigre consolation, je sais, mais il me semble important de te dire que tu n'es pas le seul à éprouver cette sensation.
Je ne sais pas comment, mais d'une certaine façon, tu apprendras à apprivoiser ou plutôt: à ne pas te laisser détruire par la souffrance. Tu avanceras malgré elle, avec elle. Peu importe la forme qu'elle revêt ou revêtira. Et lorsque je dis "avancer", ce n'est certainement pas, oh que non: tourner la page. Oublier. Passer à autre chose.
Lorsque la "peur d'oublier", d'"aller mieux", d'avancer sans mon chéri se calme en moi, je sais désormais que d'une certaine façon, nous sommes liés comme jamais. Notre amour était si fort, il l'a toujours été. Mais jamais je n'en ai eu conscience comme maintenant. De ce fait, j'ai compris que peu importe ce que la vie me réserve à présent, peu importe ce que je ferai, peu importe que je reste enfermée dans la souffrance ou que je m'autorise par moment des petits mieux: notre lien est gravé en moi à jamais.
Petit à petit, je te souhaite d'accueillir l'idée qu'il te sera possible d'honorer ton amour pour ta chérie autrement que dans la souffrance. Que de t'autoriser à lire un bon livre, à manger un bon plat, à voir des amis... n'est pas une trahison...
Mais le départ de ta chérie est encore si récent... Ce dont je te parle te semble sans doutes bien inaccessible... Peut être mes paroles sont elles prématurées, maladroites... Pourtant, lorsque je suis arrivée sur ce forum, des femmes, qui ont perdu leur conjoint avant moi, m'ont plus ou moins adressé ces mêmes paroles, et j'ai compris plus tard à quel point elles étaient précieuses... Car bien évidemment: tu ne peux et ne pourras pas échapper à tes émotions, à cette terrible souffrance. Il y a des moments (pour ma part, les premiers mois étaient de ceux là) où "s'autoriser à aller mieux" ne veux absolument rien dire. Parce que la souffrance nous écrase, s'impose à nous, et que la possibilité d'une amélioration est totalement hors de portée. Dans ces moments, il faut s'accrocher. S'accrocher, avec acharnement. Et puis parfois, lorsque la tempête se calme, qu'on reprend son souffle, on peut entrapercevoir de petites lueurs aux pourtours incertains... Et c'est dans ces moments là que petit à petit, je crois qu'on est en droit de se répéter: qu'on a le droit d'accueillir ces petites lueurs, le droit d'être en vie. Et de dire STOP à la culpabilité qui voudrait nous voir replonger de suite au cœur de la tempête.
Je ne vais pas te mentir, la route sera longue... Ces derniers jours, après plus de 9 mois, j'ai moi-même éprouvé une souffrance différente, mais presque plus intense encore que celle des premiers jours... Et pourtant j'ai avancé. Je sais que je ne suis plus la même qu'il y a 9 mois, pour le meilleur et pour le pire. Mais dans le "meilleur et le pire", il y a le "pire", qui prend toujours trop de place, et le "meilleur" aussi. Tu vas découvrir tes ressources: des ressources que tu ne soupçonnais pas.
Ce que j'ai découvert, pour ma part, c'est que l'amour est bien plus puissant que la mort. On dirait une réplique de mauvais téléfilm, et pourtant, lorsque l'on comprend ce que cela implique, c'est une vraie bouée dans cet océan déchaîné.
Pour ma part, j'ai l'intuition que l'amour qui me relie à mon chéri est encore bien vivant. Et pas seulement dans ma mémoire ou le secret de mon cœur... J'accepte qu'il existe plus de choses dans cette vie que je ne peux en voir, et chercher à approfondir ce que cela signifie m'a et continue de m'apporter beaucoup de réconfort. Il appartient ensuite à chacun d'entre nous de dessiner des contours à "nos croyances", notre "foi", sans pour autant rendre ces contours hermétiques et enfermant... En te lisant, j'ai vu que tu possédais cette curiosité, cette ouverture. De mon point de vue, je ne peux que t'encourager à la cultiver précieusement.
Prends soin de toi, du mieux que tu peux. L'amour qui te lie à ta moitié est un trésor, toujours présent, même lorsqu'il se dérobe à notre vue. Tu apprendras à y puiser de la force.