Bonjour Chrisam, Alberte et tous (tes) les autres. Les "autres", les "non-endeuillés" ne peuvent pas comprendre notre
douleur, comme nous nous ne le pouvions pas "avant".
Le temps, il n'y a que le temps qui est notre allié, ce temps que l'on voudrait pouvoir remonter, stopper, faire avancer très vite
pour arriver au moment de rejoindre celui où celle qui nous manque tant, ce temps qui, en fin de compte, continue d'avancer
à son rythme.
J'avais une médecin qui me disait "il faut vous reconstruire, faites vous des petits plats, faites vous plaisir !"
Mon dieu, que savait-elle de ma douleur, de mon coeur déchiré, écrasé, de mon corps douloureux du manque, de l'absence
de mon mari, de ma tete prete à exploser à force de me demander "comment je peux faire sans toi ? pourquoi ? tu n'as pas le droit
de me laisser, ça suffit maintenant, reviens à la maison !"
Manger, comment pouvait-on me demander de manger alors que François n'arrivait plus à manger avant de partir !
Reconstruire, reconstruire quoi ! ma vie ? mais il n'y avait plus de vie, elle était partie avec mon mari !
Le rejoindre, c'était un peu ma sortie de secours. Je me disais "bon, le jour où tu n'arriveras vraiment plus à supporter tout
ça, eh bien, tu vas le rejoindre !" mais j'avais toujours cette petite voix au fond de moi qui me disait "François a dit que tu
devais etre forte, il t'a confié la famille, il t'a demandé de faire à ce que la maison reste le nid de nos enfants et petits-enfant"
Par moments, je disais à voix haute "rien à faire de ce que François m'a demandé, il n'avait qu'à rester avec nous !!!!!"
Mais, mais, mais .......le temps passe, la terre continue de tourner, d'autres personnes autour de nous sont touchées par
cette horrible douleur. Maintenant je comprends parce que je sais, je connais.
27 mois et 19 jours, je ne me "reconstruis" pas, je ne comprends pas bien ce mot. Pour moi "reconstruire" veut dire enlever,
démolir, faire de la place pour reconstruire.
Je garde tous mes souvenirs, les bons petits plats je les fais pour nos enfants et petits-enfants, par contre, il m'arrive de faire un resto
avec mes collègues de l'usine, chose que je pensais impossible au début !!
Je ris, je racontes des bétises (comme avant), il m'arrive d'engueuler François quand je me trouve face à un problème et je lui
demande de m'aider, de ne pas me laisser tomber, et il m'aide. J'ai l'impression de l'entendre me dire "alors toi, quand tu rales
c'est que tu es en bonne santé !" grande raleuse, je le reconnais !
Le temps qui passe m'a permis "d'accepter cette séparation momentanée", nous nous retrouverons ! Quand ? le temps nous le dira !
Les autres qui ne comprennent pas, c'était nous avant ! et c'est très bien ainsi, ils sauront assez tot !
Laisser le temps au temps. Crier, pleurer, hurler autant qu'il faut, sortir cette douleur qui se nourrit de notre vie, ouvrir les vannes,
crier sa douleur en voiture, dans sa maison ou n'importe où mais laisser sortir, ne pas enfouir, ne pas cacher. Nous avons MAL
et tant pis pour ceux que ça peut "déranger", nous devons déjà etres forts devant nos enfants alors "les autres"......
Je vous souhaite une douce journée et vous embrasse tous et toutes.