Bonsoir,
Je viens de découvrir ce forum. Il tombe à point. En lisant vos témoignages, je me suis bien entendu, reconnue. Je sais ce que vous vivez, bien que chacunE à sa façon. Je connais cette souffrance sans nom.
J'ai perdu mon conjoint, des suites d'un cancer, il y a un an et 8 mois maintenant. On m'avait dit qu'après un an, on arrêtait de compter les mois. Moi, tous les 24 du mois, je me souviens. Je tiens toujours les comptes. Je sais toujours combien de mois et de jours nous séparent.
On m'avait dit, que le mieux, c'était de continuer avec mes activités, que c'était la meilleure thérapie. J'ai pris 7 mois, pour faire mon deuil, et j'ai continué avec mes activités. C'est ce qu'il aurait voulu m'a-t-on dit et, j'ai trouvé que c'était vrai et que ça faisait du sens. Je suis en pays étranger, entrain d'essayer de mener à bien une recherche en sciences sociale. Les choses ne se déroulent pas comme je l'aurais souhaité, je suis découragée et je sens que j'ai à faire un autre deuil, un de plus. La solitude du déracinement s'ajoute à la solitude de ne plus avoir de conjoint. Les échecs actuels s'ajoutent à la douleur.
Les amiEs et la famille ne comprennent pas que je puisse être ENCORE en deuil et que les choses qui ne fonctionnent pas dans la vie présente S'AJOUTENT au deuil. Mon conjoint, qui savait toujours faire ressortir le meilleurs de moi-même, m'avait fortement encouragé à poursuivre mes études. Sans lui, je ne l'aurait jamais fait. J'avais 34 ans à l'époque. Le fait qu'il ne soit plus là dans ces moments difficiles fait en sorte que je sens que je suis entrain de perdre ma vitalité. Je suis toute seule pour affronter les difficultés. Les amiEs, la famille sont là, sporadiquement. Comme plusieurs l'ont souligné, ils ont leur vie. Mais maintenant, comment remplacer la complicité et l'énergie que nous donne l'homme qui partage notre vie, qui nous aime et que l'on aime... Maintenant, devant l'adversité, devant l'impossibilité de réaliser mes projets comme je les avais planifier, on me demande de changer d'endroit, de tout recommencer à zéro. C'est là où je craque. Je n'ai tout simplement plus de force, plus d'énergie, plus le goût, cela ne fait plus de sens.
Le sens de ma vie, je ne le trouve plus. J'ai tout essayé, mis beaucoup d'effort, j'ai tout fait comme il fallait. Mais on ne contrôle pas tout dans la vie, on le sait bien, maintenant. L'endroit que j'avais choisi est maintenant un endroit très violent et je ne peux plus faire les choses comme avant. Comment faire face à une seconde épreuve, en si peu de temps? Mais un an et 8 mois, c'est beaucoup de temps me dira-t-on. Pour moi, c'est comme si c'était hier. On vie au quotidien avec son absence. On ne peut pas s'en défaire. Il n'est plus là pour nous supporter dans les épreuves. Il n'est plus là même si moi aussi, je lui parle tous les jours.
On me dit que je suis jeune (je viens d'avoir 37 ans), que je vais pouvoir refaire ma vie. Que quelqu'un va apparaitre un jour pour moi. Il y a des gens qui s'approchent. Moi, je ne peux pas.
Les choses qui me passionnaient dans ce pays maintenant me laissent indifférentes. Je suis incapable de ressentir les émotions que je ressentais avant. Un pays passionnant, des gens gentils, plein de coeur, une culture florissante. Je n'arrive plus à sentir. Je n'arrive plus à m'émerveiller. J'étais amoureuse, pourtant, de ce pays, de ces gens. Plus rien.
Plus de sens, plus d'émotion. Je n'arrive plus à visualiser un avenir possible. On me dit de continuer quand même. De m'accrocher, de recommencer à nouveau. J'ai essayé. Ça ne marche pas. Je ne sais plus quoi faire. Rentrer chez moi, dans mon pays qui n'est pas un pays, dans notre appartement (moi non plus je n'ai pas été capable de faire le ménage de ses affaires, chaque fois que je donne ou jette quelque chose, c'est une douleur sans nom), la tête basse. Un échec. Rester ici, dans ma solitude, me battre encore, même si là je sens que je suis arrivée au bout de mes forces. Je suis fatiguée. Cette fatigue, vous l'avez bien soulignée dans vos écrits. Cette fatigue totale que je ne devrais plus ressentir. Ça fait un an que j'essaie de continuer ma vie et mes projets. Peut-être que je ne me suis pas assez laissé de temps. Mais dans notre désarroi, on écoute les conseils et on fonce tête première, comme des robots, sans trop de conviction. Il faut bien continuer notre vie. Même si l'homme ou la femme de notre vie n'est plus. C'est ce qu'il ou elle aurait voulu. J'ai peur qu'il soit déçu, là où il est, si jamais il peut me voir (je ne sais plus rien. Je suis passée d'être une athée convaincue à ne plus être certaine de rien).
Le temps, dit-on, arrangerait les choses... je ne veux surtout pas décourager personne en écrivant cela, surtout pas les personnes dont la perte est plus récente...
J'ai peur d'être entrain de tomber en dépression. Je me sens dépourvu. Est-ce qu'il y a des personnes pour qui le temps a arrangé les choses?