Auteur Sujet: Le laisser partir  (Lu 6310 fois)

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Caroline3

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Le laisser partir
« le: 28 février 2013 à 05:29:52 »
Aujourd'hui, j'étais chez le psy.

Je lui ai raconté qu'un de mes professeurs est décédé jeudi passé. Il avait 84 ans. C'était un prof qui m'avait beaucoup aidé. Sans lui, je n'aurais pas eu la carrière que j'ai eue, je ne serais pas partie au Sénégal, pas rencontré mon mari, pas eu cette enfant. Bref, je lui dois beaucoup.

Le psy me dit:

- Un autre élément de solitude à vivre.

J'ai répondu:

- Non, c'est pas du tout ça. C'est l'opposé.

En fait, je sens ce prof en paix, en moi. Il a été vraiment bien, et comme prof universitaire, c'est bien le seul qui m'ai accordé un peu d'attention - même plus, il a été fantastique, on a voyagé en Tchécoslovaquie, au Maroc, en Inde (pour la formation universitaire). Il m'a soutenue dans mon projet de fin d'études. J'ai pu rédiger et publier un livre avec lui. Et c'est le seul qui a accepté que je fasse une maîtrise. Les autres profs ne voulaient pas. J'ai finalement été acceptée grâce à lui.

À Noël passé, carrément le 25 décembre, je l'ai rencontré chez lui, une dernière fois, ne sachant pas qu'il allait partir aussi vite. Pourtant, il ne sortait plus de chez lui, il avait une marchette... alors que 6 mois avant, il partait travailler à tous les jours à l'université, pour son Dictionnaire mondial des arbres...

Je lui ai apporté des fleurs... Il a vu ma fille, nous a donné à chacune un petit cadeau. On a bien discuté.

En regardant dehors, il rigolais:

- D'ici peu, je serais en bas.

Je regarde, et je vois un... cimetière.

- J'ai mon lot qui m'attend depuis 10 ans.

Maintenant, ill m'apporte de quoi d'important: je me sens plus forte, même s'il est mort.

---

Alors que pour Lowell, c'est pas du tout ça.

Je rajoute, à mon psy:

- Même après 3 ans, j'ai l'impression qu'il n'est pas mort, qu'il reviendra demain. Je regarde les photos d'avant et il semble encore si vivant!

(pis là, je braille, pour faire changement)

- Et ça fait bientôt trois ans!!! C'est si long...

Il m'a fait comprendre que si je ne le laisse pas aller, je ne serais jamais libre dans ma tête. Et donc, dans ma vie.

Je dois donc le laisser partir.

Le psy me dit que je ne le fais pas parce que j'ai bien trop peur de vivre la vraie de vraie solitude. Mais je ne sais pas où, quand, comment faire. Ça se fait consciemment ou non?

Je ne sais pas.
« Modifié: 28 février 2013 à 05:37:45 par Caroline3 »

Hors ligne alberte

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Re : Le laisser partir
« Réponse #1 le: 28 février 2013 à 11:04:55 »
Bonjour
Comme j'aurais aimé vous répondre mais moi non plus je ne comprends pas "le laisser partir".
Pourquoi le perdre une deuxième fois !!
Cela fait 16 mois et 15 jours qu'il est parti pour le paradis blanc et comme vous je regarde les photos,
il est vivant pour moi.
Je le réclame il me manque. Le manque, la solitude la tristesse sont là tous les matins au reveil.
Expliquez moi donc ce fameux  "laisser partir".
Merci
Alberte

chrisam

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Re : Le laisser partir
« Réponse #2 le: 28 février 2013 à 13:34:00 »
A mon avis, il faut le laisser partir pour 2 raisons :

1°) d'abord et surtout, pour que l'esprit du défunt puisse évoluer dans l'au-delà, la lumière éternelle et retrouver tous les siens qui y sont déjà. Si on veut qu'il revienne, il ne sait pas évoluer, son esprit demeure entre nous et l'au-delà, et ça c'est très dur pour lui, il veut s'en aller mais il veut aussi rester pour nous.
J'ai d'ailleurs fait une constellation dans ce but.

2°) ensuite, pour notre paix intérieure, pour le lien intérieur, nous ne saurons trouver l'apaisement que si on accepte l'idée que le défunt ne reviendra plus, on garde sa place dans notre coeur, dans nos pensées,  SANS  L'OUBLIER      bien entendu.

Je ne suis pas assez psy pour exprimer mes ressentis, j'espère que j'arrive à me faire comprendre.
J'avoue que pour la 2ème solution, j'en suis encore loin.
Je ne demande plus qu'elle revienne, mais toujours effondré, dans le creux.
J'espère ... quoi, je n'en sais rien, mais la plupart du temps, je demande encore qu'elle vienne me chercher.

« Modifié: 28 février 2013 à 17:20:47 par chrisam »

CHARLY

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Re : Le laisser partir
« Réponse #3 le: 28 février 2013 à 17:52:57 »
Comme un fruit qui se détache de l'arbre, pour que je puisse savourer son goût, que je respire sa couleur,

j'ai eu à te laisser partir, mourir en paix un peu plus de jour en jour pour arriver à découvrir ma vie, pour

mordre dans ma propre saveur de richesse, pour apprendre à me réaliser, à me raconter, à sourire sans toi

à mes côtés dans un plus jamais pareil,mais aussi merveilleux et rempli de promesses.

LILI0824

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Re : Le laisser partir
« Réponse #4 le: 28 février 2013 à 21:57:37 »
J'arrive comme un cheveu dans la soupe peut-être, j'écris très peu, et vous vous connaissez tous très bien semble t il. Mais moi aussi je suis intriguée par le laisser partir. Les premiers mois, j'étais comme tous très mal, et je pleurais et je criais. Et puis un jour, j'ai lu une phrase de je ne sais plus quelle religion qui disait : lorsque l'être s'en va, il ne faut pas le pleurer car nous l'affligeons. Et là, brusquement, j'ai dit à mon mari : je ne veux surtout pas que tu sois affligé, tu ne voulais pas m'abandonner et je veux que tu sois bien Alain, je veux que tu sois en paix. Parce que cette phrase m'a beaucoup secouée. .
Mais ça change quoi pour moi ? Je lui ai dit qu'il pouvait m'oublier si cela lui permettait d'évoluer ailleurs. Mais pour moi ça change quoi ? Je pense à lui tout le temps, il est dans ma tête et dans mon coeur tout le temps, où que je sois. Et ça je n'y peux rien. Surtout que je ne veux pas l'oublier. Il faut donc faire quoi de plus ?

Hors ligne *Ephémère*

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Re : Le laisser partir
« Réponse #5 le: 28 février 2013 à 23:21:16 »


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« Modifié: 10 juillet 2017 à 23:22:49 par *Ephémère* »
*Ephémère*

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Hors ligne alberte

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Re : Le laisser partir
« Réponse #6 le: 01 mars 2013 à 09:45:29 »
Merci Ephémère vous avez exprimé ce que je ressens exactement :

"Pour ce qui est du  "laisser partir".... Lili, je ne sais pas ce que cela signifie.

Ce que je sais, c'est que le temps usera notre peine, et la polira comme un galet  ; en dehors de notre volonté, et sans que nous ayons la force de l'espérer.
Celà se fera ; inexorablement.

Mais aujourd'hui, tu n'y crois pas, et moi-même, vois-tu, bien que j'en ai la certitude, je ne suis pas encore capable d'imaginer qu'un jour la douleur sera moins violente.

 
Tu ne l'oublieras pas, Lili. Il est, bien au chaud, installé au plus profond de toi, et son souvenir palpite à chaque battement de ton coeur.
Et ça fait mal.

Mais un jour,  le souvenir viendra sans les larmes ; il fleurira même sur un sourire attendri.
Ce jour-là, Lili, le temps aura usé la peine. Oh sans la faire disparaître tout à fait.
Non.
Mais elle sera moins violente.



Je suis restée 4 jours sans trop pleurer jusque quelques larmes mais hier je me suis retrouvée au creux de la vague toute la journée meme la visite au cimetière ne m'a pas calmée.
A chaque jour sa peine ! un jour bien, un jour moins bien.
Mais c'est épuisant.
Alberte

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Re : Le laisser partir
« Réponse #7 le: 01 mars 2013 à 11:39:34 »


Comme je te rejoins, alberte.

La météo de notre pauvre coeur est bien tourmentée ; et imprévisible !

Aujourd'hui : pluie salée. Demain : petit rayon de soleil, avec timide sourire, et coeur un tout petit peu plus léger.

Sans trop savoir pourquoi ... c'est ainsi.


J'avoue que je constate quelques petites améliorations.
Ainsi, par exemple, je parviens à faire des courses en grande surface, sans être obsédée par les couples que je croise : sont-ils heureux ? Est-ce qu'ils s'aiment ; mais est-ce qu'ils s'aiment vraiment ? Pfffftttt, ils ne peuvent pas s'aimer autant que nous !
Les larmes ne me submergent plus systématiquement face à ses produits préférés...

C'est peu, bien sûr, mais....


*Ephémère*

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marcel09

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Re : Le laisser partir
« Réponse #8 le: 01 mars 2013 à 12:19:19 »
Bonjour à vous tou(te)s,

"Le (la) laisser partir". Un bien vaste sujet, auquel il est bien difficile de répondre.

Nous les avons laisser quitter cette vie sans pouvoir intervenir. La médecine a été impuissante à les garder auprés de nous. Nous avons donc été contraints de les voir nous laisser. De gré ou plutôt de force, du mons en ce qui me concerne, j'ai dit à Claudine que j'étais prêt à supporter son décès, qu'elle pouvait partir. Moins de 5 minutes aprés, elle rendait son dernier souffle. Une coincidence, je ne saurais répondre. Sa volonté? Son désir de ne plus lutter contre cette maladie qui lui avait pris toute son énergie? Son mal être ?

Je l'ai donc laissé partir, mais étais je prêt à subir son absence. J'avoue aujourd'hui qu'à l'approche des 9 mois de deuil (lundi 4 mars), je ne m'y suis pas encore résolu. Chaque soir, je lui souhaite bonne nuit, je lui parle et je fais les mêmes gestes. J'embrasse l'oreiller sur lequel elle dormait, puis je me tourne de mon côté. Rituel immuable.

Hier matin, en préparant mon petit déjeuner, je me suis mis à pleurer. Tout seul, trop seul. Au repas de midi, même problème, et aujourd'hui, à ces évocations, mes yeux laissent couler autant de larmes. Les laisser partir, oui, mais devons nous pour autant ne plus leur parler, ne plus leur dire qu'ils nous manquent, que la vie que nous continuons sans eux n'a plus la même saveur. Je ne peux m'y résoudre.
Comment faire?

Le coeur est parfois un peu plus léger, la douleur est moins vive, mais l'effet boomerang n'est jamais loin, et les pâles sourires que nous esquissons parfois, sont ils vraiment réels? Et pourtant, nous les avons laissé partir, et nous avons commencé une nouvelle vie. Leur âme peut donc voyagée en toute liberté. Qui pourrait la retenir contre son gré? Je n'ai aucune réponse à cela, mais beaucoup de tristesse.

Tendre et douce journée à vous tou(te)s.

Bises.

 :-* :-*

Marcel

madâme

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Re : Le laisser partir
« Réponse #9 le: 01 mars 2013 à 12:58:25 »
Bonjour Caroline3,

Je n'ai pas perdu mon conjoint, mais ma soeur Carole il y a 18 mois. En octobre dernier, je suis allée chez l'ostéopathe de mes filles. Il m'a demandé comment j'allais, et je lui ai parlé de la mort de ma soeur dont je ne parvenais pas à accepter la souffrance indicible et la mort. Il m'a fait allonger sur sa table, et m' a dit "maintenant tu vas la laisser partir, tu vas lui dire adieu, regarde au-dessus de toi et regarde la partir". Horrible à imaginer, à faire. Je l'ai fait, il me tenait le bras et tandis que je la "laissais partir", je me tordais comme un ver de terre sur la table. Je sanglotais et je gémissais. J'ai eu l'impression de la quitter définitivement. Carole, c'était mon unique petite soeur. PLus mes parents, plus de soeur...
Les laisser partir, c'est regarder loin là haut, au-dessus de nous et visualiser qu'ils s'élèvent vers un autre plan, haut très haut dans le ciel. C'est terrifiant pour nous, parce qu'on prend vraiment conscience qu'ils sont partis. Partis oui, mais libres et à nos côtés, malgré tout.
J'ai eu un épisode dépressif après cette "séance" parce que j'ai senti que je l'avais laissée partir, c'est-à-dire accepté qu'elle n'est plus sous une forme terrestre.
Un mois ou un mois et demie après, j'ai fait un rêve incroyable. j'ai vu une lumière irradiante au-dessus de moi, et j'ai su que c'était Carole. J'ai appelé son nom, j'étais transportée de bonheur mêlé de surprise. Elle (la lumière, Carole) s'est approchée de moi et m'a littéralement traversée. Je me suis réveillée. Depuis, je pense à ce rêve tous les jours. Il m'aide à supporter son absence terrestre, mais je sais qu'elle EST encore sous une autre forme.
Voilà mon expérience de "laisser partir" quelqu'un.

Je vous souhaite à tous d'accepter l'Inacceptable un jour

Madâme

Hors ligne alberte

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Re : Le laisser partir
« Réponse #10 le: 01 mars 2013 à 14:08:53 »

Hier matin, en préparant mon petit déjeuner, je me suis mis à pleurer. Tout seul, trop seul. Au repas de midi, même problème, et aujourd'hui, à ces évocations, mes yeux laissent couler autant de larmes. Les laisser partir, oui, mais devons nous pour autant ne plus leur parler, ne plus leur dire qu'ils nous manquent, que la vie que nous continuons sans eux n'a plus la même saveur. Je ne peux m'y résoudre.
Comment faire?


Je continue à lui parler le matin, dans la journée, dans la voiture.
Ce matin je lui disais les crocus sont sortis, la rose de noël est fleurie, tous les deux nous guettions ces moments là chaque année et je ne peux retenir mes larmes.
Quand je lui parle je ne pense pas le retenir, vivant seule, ne pas lui parler c'est ma mort, et pourtant je ne recherche pas de réconfort auprès de qui que ce soit je n'y arrive pas c'est trop récent.

chrisam

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Re : Le laisser partir
« Réponse #11 le: 01 mars 2013 à 22:34:41 »
Je suis conscient que je dois laisser partir Anne-Marie, et je ne lui demande pas de revenir.
Mais ça ne m'empêche pas de lui parler, de lui demander son avis.
Tout ce que je fais, c'est en pensant à elle.
Ce soir, j'ai essayé de regarder la TV, peut-être la 6ème fois après 20 semaines, mais rien à faire, rien ne m'intéresse.

Moment douloureux ce matin, un de plus, les enfants et moi sommes allés à la banque clôturer les comptes d'Anne-Marie ... encore une page qui se tourne.

HORRIBLE : comme si on effaçait un peu plus son image, son empreinte.
Semaine après semaine, les formalités les unes après les autres effacent son passage sur cette terre 


Bientôt, il ne restera plus que le caveau au cimetière pour marquer son passage parmi nous ...

                     Poussière tu es, poussière tu retourneras ...

Mais pour les proches, pas de problème pour eux de laisser partir le défunt.
Excepté quelques uns, sinon les autres le laissent partir facilement
« Modifié: 01 mars 2013 à 22:49:55 par chrisam »

Hors ligne *Ephémère*

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Re : Le laisser partir
« Réponse #12 le: 01 mars 2013 à 23:06:28 »


Christian, aucune formalité administrative ne pourra jamais, jamais, effacer ni l'image, ni l'empreinte de ton adorée.
Elle est dans ton coeur, et tu la protèges de toute tentative d'effacement, ou d'oubli.

Elle est dans les souvenirs qui n'appartiennent qu'à vous deux, et dont tu es le seul gardien.


Le chagrin n'est pas un bon compagnon, mais il ne nous quitte pas facilement.
Je voudrais tant qu'il commence à oublier ton adresse, Christian ; qu'il desserre l'étreinte sur ton coeur, et te laisse un peu de repos.

J'ai quelques forces ce soir, je crois.
Je veux bien partager avec toi, Christian.

Je t'embrasse et souhaite que la nuit te soit douce, et sans larmes...

 

*Ephémère*

       Tu es là d ans ma peau comme un coup de couteau.

chrisam

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Re : Le laisser partir
« Réponse #13 le: 01 mars 2013 à 23:28:41 »
Ephémère,
C'est sûr que je ne l'oublierais pas, elle fait partie de moi à jamais.

Je voulais écrire que pour les autres, les jours se suivent, les pages se tournent, les appels téléphoniques s'espacent, et on finit par les ennuyer à parler de notre amours disparu, il faudrait tourner la page,  excepté pour quelques uns.


Caroline3

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Re : Le laisser partir
« Réponse #14 le: 02 mars 2013 à 23:46:57 »
Alberte, si j'ai bien compris, il n'est pas question de garder un lien avec la personne aimée. Si on veut lui parler, on le peut, bien sûr.

Par contre, je crois comprendre que c'est plus subtile que ça. "Le laisser partir", c'est surtout jouir de la vie, sans lui. Ne pas avoir peur de vivre seule. Ne pas baser ma vie comme s'il allait revenir. Ne pas attendre. Continer, non pas comme si rien ne s'était passé, mais enrichie de cette expérience.

Or, ce n'est certes pas après quelques mois qu'on peut se sentir enrichi par le décès de l'être de notre vie quotidienne, de notre amour, de cette présence "ordinaire" et "extraordinaire".

il faut absolument vivre le chagrin, se remplir de sa présence, avant de le laisser partir.

Je peux me tromper.

Des fois, ici, on aurait besoin d'un professionnel pour nous aider à comprendre mieux.

Bon courage à tous

Caroline à Québec dans la bouise de la neige.