Hier, j'ai échangé quelques messages avec une amie très chère.
Elle m'a renvoyé en pleine gueule ma faiblesse, m'a fait la morale. Elle a comparé ma situation avec une amie qu'elle est allée voire lundi. Celle ci a perdu son mari il y a plusieurs années, elle souffre de handicap, et est plus vieille que moi mais ne se laisse pas abattre. Cela m'a fait prendre en pleine poire ma nullité, mon incapacité à rebondir. Je culpabilise de ne pas être aussi fort qu'elle le souhaiterais. Je culpabilise de faire peser sur elle ma détresse. Je me sens totalement nul, puisque incapable de relever la tête après 17 mois de deuil. Peut être fait elle partie de ceux qui pensent qu'au bout d'un moment ça suffit, et pourtant elle a fait preuve de patience et de gentillesse jusque là. Peut être en a t'elle assez, sa patience a été usée jusqu'à la corde. Peut être se méprends elle sur mon compte : non, je ne suis pas fort, solide ou résistant....non, les mérites qu'on m'attribue dans l'accompagnement de fin de vie de Claire ne venait pas de ma force, mais de la force que Claire me procurait. Moi, je suis un minable et un raté. Et dans ce monde de vainqueur, de battants, les faibles n'ont pas voix au chapitre.
Je n'arrive pas à lui faire comprendre à quel point Claire me manque, toujours plus, un peu plus chaque jour.
Elle m'a redis encore une fois que je pouvais "refaire ma vie", "retrouver l'amour". Seulement voila, je ne le veux pas, je ne le veux plus. Je voudrais juste que Claire revienne, je m'occuperais d'elle, je serais son infirmier s'il le faut, son cuisinier et son homme de ménage et homme à tout faire. Je la chouchouterais, je passerais la totalité de mon temps libre avec elle.
Je ne veux personne d'autres.
Elle m'avait parlé de site de rencontres, de sorties pour rencontrer d'autres personnes, d'ouverture au monde.
Je ne veux rien de cela. Je voudrais juste avoir le cran de grimper au sommet de "ma" falaise, et faire un grand plongeon. Je n'en ai pas le courage. Je suis venu au taf ce matin, mais je m'y sens totalement à coté de la plaque. Je suis à deux doigts de fuir; je me sens tellement mal que je me sens nauséux, je fait tout au ralenti, il me faut plusieurs secondes pour réagir quand on m'apostrophe. Et je retiens mes larmes depuis que je suis arrivé.
Entre l'absence suffocante de Claire et l'évidence de ma nullité retourné en pleine gueule, je vois mal pourquoi je resterais sur cette foutue Terre. La seule chose qui sauvera mon enveloppe charnelle, c'est cette foutue lâcheté.
Désolé de vous avoir ennuyé avec mes lamentations.