Bonjours nous. J'espère que ce forum, en plus d'autres techniques, continueront de te faire de plus en plus de bien.
Ton deuil est encore tout réssent, il est naturel-aussi cruelle que soit la nature en l'occurrence-que tu éprouve un sentiment de culpabilité. Pas parce-que tu es coupable de quoi que ce soit en réalité, mais parce-qu'on est tellement submèrgé par l'injustice de ce qui nous est arrivé, que c'est tellement incompréhensible, inconcevable pour nous que nous cherchons un "coupable", et qu'à défaut de pouvoir en trouver nous retournons cette "culpabilité" imaginaire contre nous. Nous sommes tellement en colère-une colère impuissante, donc d'autant plus douloureuse-que nous avons besoin d'exprimer cette colère, alors nous nous en prenons à nous. Ca fait partie des étapes du deuil, mais c'est totalement irrationnel.
Tu as été présente pour ton conjoint durant sa maladie, tu l'as entouré de tout ton amour, vous saviez qu'il allait très mal, vous avez passé ensemble le temps qu'il lui restait, vous vous êtes dis adieu à votre manière. Tu ne pouvais pas savoir qu'il allait partir si vite, les médecins eux-mêmes ne le savaient pas. Vous avez eu le temps de vous témoigner tout votre amour, c'est ce qui importe.
J'ai èprouvé moi aussi la phase de culpabilisation: mon compagnon est décèdé le 2 mai 2015, après une semaine de coma profond, suite à une chute dans ses escaliers. Nous vivions ensemble depuis un an, sauf une nuit par semaine que je passais dans mon appartement officiel, et c'est justement un de ces soirs-là qu'il est tombé en remontant dans son appartement, 10 minutes après mon départ m'a-t-on dit. J'ai culpabilisé les premiers temps, de ne pas être restée avec lui cette nuit-là, d'être tranquillement rentrée chez moi en profitant du beau temps et m'être assise devant mon ordinateur alors qu'il ètait inconscient dans ses escaliers, une heure durant, ses chances d'être sauvé diminuant de minute en minute j'imagine :'(heureusement, comme je connaissais déjà les mécanismes de la culpabilisation, j'ai assez vite surmonté cette phase.
Ce qui m'a fait le plus culpabilisé sur le moment est d'avoir été dans une sorte de déni durant toute la semaine qui a suivis sa chute. Je ne voulais pas voire, savoir qu'il allait mourir, je m'accrochais au minuscule espoir qu'on m'avait laissé. J'ai juste demandé aux médecins: "Est-ce-qu'il a une chance?" "Oui il a une chance", m'a-t-on répondu. Ils ont dû sentir que je ne voulais pas en entendre plus. "Une chance", je savais très bien ce que ça voulait dire, comme quand quelqu'un d'autre m'a dit, durant le temps où il a été dans le coma "La médecine fait des miracles de nos jours" Je n'ai pas relevé ce que le mot "miracle" implique de hautement rare et improbable, c'était mon rayon de soleil.
Je sais que je lui ai dis adieu à ma façon, sans le formuler ainsi, que je l'ai accompagné sans en avoir l'air, puisqu'au fond de moi je savais, mais qu'à ce moment-là ç'aurait été trop insoutenable. Après avoir appris l'heure de son décès, 10H30 du matin, j'ai culpabilisé parce-que juste avant, j'ètais en train d'écrire sur un forum, chez moi-non par insouciance, tu t'en doute bien
mais pour m'occuper un peu les mains et l'esprit, ne pas me laisser submèrger par l'angoisse. Mon dernier post sur le forum en question est immortalisé à tout jamais comme ayant été envoyé à 10H09, alors que mon compagnon vivait ses tout derniers instants
j'ai culpabilisé de ne pas avoir été auprès de lui, de n'être allé à l'hôpital que vers 3H de l'après-midi.
J'ai pus surmonté ces horribles impressions parce-que je sais intimement que je l'ai accompagné comme je le pouvais à ce moment-là et qu'on m'a dit qu'il ètait parti paisiblement. Si j'avais sus, bien sûr que j'aurais été auprès de lui jusqu'à son dernier souffle. En fait un de mes proches était, il y avait un an de cela, été dans le coma pendant 2 mois suite à un AVC et s'était remis au bout de 8 mois de rééducation, j'avais voulu croire, de toute mes forces, que ce serait pareil, et j'avais voulu croire aussi que l'état de mon ami resterait stable pendant un bon bout de temps.
Je sais qu'il n'aurait pas voulu que je subisse un traumatisme supplémentaire, et qu'il a probablement pus sentir ma présence lorsque je lui ai dis à l'oreille, lors de mes visites à l'hôpital, combien je l'aimais
Si j'ai pus surmonter cette phase, tu pourras y arriver aussi,-j'espère bien! Tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir, tu ne l'as pas abandonné et il est parti sans souffrances supplémentaires, vec la certitude de votre amour intact, de votre lien.
Je peux aussi témoigner qu'avec le temps, insensiblement, le côté insoutenable de la souffrance, du manque de l'Autre s'adoucissent, non que nous oublions, très loin de là, mais la grande douleur se change peu à peu en douce mélancolie, en nostalgie pleine de tendresse. Je pense à Pierre, mon compagnon, en permanence, dans les bons comme dans les mauvais moments il est toujours là, en arrière-plan, et la plupart du temps, ces pensées sont empruntes de paix, et les bons souvenirs me font sourire. Il y a encore des moments beaucoup plus difficiles mais je les accepte parce-qu'ils sont inévitables et que je sais que plus de sérénité finit toujours par revenir. Un jour après l'autre...
Je te comprends entièrement, je sais ce que tu vis et je suis de tout cœur avec toi