Mabrugayo... Merci d'exprimer pour nous tous, avec tes mots, ce manque physique... terrible... qui j'ai l'impression est si tabou parfois. Qu'on a tant de mal à exprimer, à évoquer, à admettre aussi... Le lit froid, cette bouche qui n'embrasse plus, ces bras qui n'enlacent plus... Les souvenirs eux mêmes qui deviennent plus "vaporeux", qui d'un coup se font moins consistants, moins "physiques"... La sensation de l'étreinte perdue, qui devient plus vague. Qui se fait image. Qui déserte le corps pour ne plus exister que dans l'esprit. Et le corps qui hurle en silence. La peau qui a tant soif de caresses et n'en reçoit plus... Alors, parfois, on préfère l'oublier, le nier ce corps. S'il n'est plus là il ne peut plus souffrir du manque de tendresse... On se détache du poids de la chaire, de cette carcasse et on laisse notre esprit planer, dériver dans cet ailleurs où on pense pouvoir retrouver notre amour, différemment... Et parfois, on y parvient un peu. Et pourtant, ce corps, qui reste là, relégué aux oubliettes, n'a pas disparu... Il ne faut pas l'oublier. Il faut en prendre soin... C'est difficile... Pour ma part, j'y mets des bandages, des sparadraps, comme je peux... Je m'enroule dans ses vêtements. Je porte son parfum. Je laisse parfois mon esprit raviver en moi le souvenir de nos caresses... j'ai envie de lui, encore, toujours. Envie de faire l'amour. Et oui, ce n'est pas quelque chose dont on parle, et pourtant je le confesse, ma libido n'est pas morte avec lui. Mais c'est bien de lui que j'ai envie, et c'est une équation impossible à résoudre, un manque impossible à combler... Mais j'accueille cette envie, je la gère comme je peux, je ne la refoule pas. Je n'en n'ai pas honte. Même sans sa présence physique, je ne peux transformer une relation dans laquelle le corps jouait un rôle précieux en relation purement immatérielle... Alors, par ailleurs, je tente de penser qu'il est là, qu'il serait heureux, toutes les fois où physiquement, je prends soin de moi. J'ai recommencé à essayer de me faire jolie, parfois... Je suis allée au hammam. Je me fais des "automassages", lorsque mes articulations sont douloureuses. J'apprends à apporter de la tendresse à mon corps, et je me dis que mon chéri est là. Que je lui prête mes mains pour me toucher, pour m'apporter les soins qu'il aurait aimé me prodiguer... Ce n'est qu'un sparadrap, une goutte d'eau dans un océan de solitude... mais ça m'aide un peu... Ça m'aide à ne pas m'envoler complètement pour aller me percher dans un endroit où tout ne serait qu'esprit, âme, énergie invisible... à me souvenir que présentement, j'existe bien en tant que femme de chaire et de sang...
Au delà de ces quelques lignes que je t'adresse, sache que j'ai bien conscience de ce qu'est le manque... de sa profondeur... Je sais bien qu'en dessous des sparadraps, il y a un abîme dans lequel il n'y a plus de mots pour apaiser la solitude.... Peut-être juste, parfois, furtivement, une présence...
Je t'envoie toute mon affection.