...un passage vers autre chose, mais vers quoi, vers qui, pour quoi ?
Tant de questions sans réponse, tant d'amour emprisonné qui ne peut s'exprimer, le présent si imparfait et les verbes qu'on conjugue au présent en sentant qu'ils glissent vers l'imparfait...
J'ai perdu France, la femme de ma vie, le 5 novembre 2012, terrassée par une crise cardiaque; elle revenait de chez le coiffeur...
Après une semaine de réanimation, la débrancher en sachant que tout s'arrête...pas d'autre choix, plus d'activité cérébrale...
Puis ces obsèques, où la famille, choquée d'une mort si jeune, si injuste et si brutale, ne peut s'exprimer lors de la cérémonie. Alors je passe les chansons qu'elle aime, je lui passe la chanson de JJ Goldman (Confidentiel) parce que c'est ce que j'aurais aimé lui dire...
Puis l'enterrement, où elle rejoint notre fils, décédé 16 ans plus tôt, et me voilà à 42 ans sur la tombe de ma femme et de mon fils...vision surréaliste, incrédulité...Et puis j'ai tellement pleuré qu'à un moment, je ne peux plus pleurer; la famille les amis les collègues les voisins pensent que je suis fort et, petit à petit, passent à autre chose, à leur quotidien... chose normale après tout...affaire classée pour eux.
Alors je me lève en me demandant pourquoi, et puis je pense à elle et je reprends une vie "normale", pour mener à bien le projet que nous avons créé ensemble, nos deux enfants. Elle ne supporterait pas que je laisse tomber; à ma place, elle se serait battue...
Et je pars le coeur brisé, sans goût, mené par mes pas, en attendant de trouver un sens à tout ça...Le temps fera son travail et poncera les arêtes à vif, c'est sûr, mais là, je saigne et même mon ADN a changé avec son départ...

En fait de bateau, je ne vois pas les vagues puisque j'ai l'impression d'avoir la tête sous l'eau.... Les plaisirs d'autrefois deviennent douloureux quand ils n'ont pas tout simplement disparu...
Je n'ai pas de "virilité mal placée" et je pleure quand ça vient...je m'exprime par des écrits, des paroles et tout ce qui me vient...

Merci Yohann.

Pascal,
Nos situations sont si proches, je ne peux qu'intervenir sur ton fil. J'ai 38 ans, 2 filles de 8 et 4 ans, et ma femme est morte subitement le 18/07/2012. J'ai donc quelques mois de recul supplémentaire par rapport à toi.
Comme toi, j'ai vite repris une vie "normale" : me charger de tout, le boulot, les filles, la maison, les administrations... Dans une sorte de frénésie. Rapidement je n'ai plus pleuré. Combien de fois on m'a dit : qu'est ce que tu es fort, j'admire ta dignité, c'est bien pour les enfants d'aller de l'avant, ... Et j'y croyais. J'étais dans mon rôle de l'homme fort, solide, qui "assure" pour sa famille. Je m'occupais même de nos proches, tristes de la mort de ma femme, pour les consoler.
Avec mon recul de 6 mois maintenant, je me rends compte que je me mentais, que je mentais à tout le monde. Mon cerveau a fait en sorte d'être occupé un maximum, pour ne pas flancher.
Sauf qu'aujourd'hui, je le paye au centuple. Pascal, je n'ai pas assez pleuré. Pascal, je ne me suis pas assez laissé aller. Et maintenant, après avoir cru quelques mois que finalement, je m'en sortais pas mal, je suis descendu encore plus bas.
Yohann te le dit, il a raison : pleure maintenant Pascal, apprivoise cette douleur, mais ne la rejette pas, vis tes souvenirs, même si ça fait mal.
Tu pourrais sinon le regretter, comme je le regrette maintenant. Je me rends compte aujourd'hui que je n'ai que retardé mon travail de deuil. On ne peut pas y échapper.
Fathio

PS : malgré les circonstances douloureuses, bienvenu quand même, ça manque d'hommes sur ce forum   Non mesdames, ne me huez pas  

Bonsoir les hommes !  Oh pardon Marie, je t'avais pas vu ! on postait en même temps... (je t'embrasse)

Pascal, je ne peux que confirmer malheureusement ce que te dit Fathio...

C'est bien que tu viennes sur le site dès maintenant... Comme Fathio, on m'a dit que j'étais forte... je ne voulais pas baisser les bras et j'étais décidé à me battre comme je me bats depuis que je suis petite et comme on s'est toujours battu avec Alexandre mon conjoint auprès des autres. Il me semblait que si j'arrêtais, tout s"écroulerait et que je perdrais Alexandre une 2ème fois..

Il ne pouvait en être autrement... 10 mois, il m'a fallu 10 mois pour me rendre compte qu'il ne reviendrait plus et je commence seulement à l'admettre.... qu'ai je fais pendant ce temps... le temps s'est arrêté me semble t-il car j'agissais en spectatrice de ma vie... je pleurai quand j'étais seule et mon entourage content pensait que tout allait bien...

Je m'en veux terriblement... car malgré moi, j'ai entraîné mon garçon dans ce parcours... Il a 9ans et demi maintenant et j'ai beaucoup de difficulté avec lui ... il reporte sa colère, son agressivité sur mois...et après la crise, seulement après le mal que nous nous faisons,nous nous retrouvons dans les bras et dans les pleurs...

Maintenant, je suis effondrée et de plus en plus souvent, je pleure n'importe quand mais cela fait du bien... J'ai eu tort de retenir mes larmes et maintenant je n'ai plus le choix, je suis accablée par tout ce que j'avais enfoui...

Alors pleurez... pleurez  les hommes (personnellement, je trouve touchant un homme qui pleure...).

Pascal, j'ai trouvé ici des personnes sincères dans leurs sentiments. pas de triche, beaucoup d'amour... Je crois que j'ai reçu depuis le 10 décembre plus d'amour sincère et vrai sur le forum que j'ai pu en recevoir depuis ma petite enfance (exepté bien sur par mon timilou d'amour).
Ce sont mes amis de coeurs comme je les appelle. Pas une fois, ils ont failli... Il y a toujours eu une main tendue...

Je t'embrasse amicalement, Pascal
Tititou

Tititou, tu dois aller dormir  
Fathio

Édit : Samy plus rapide que moi
Édit 2 : non c'est pas qu'on ne veut plus de toi, c'est qu'on t'aime 

Buzz,

Ton post m'a interpellé. J'aimerais vous confier ce que j'ai ressenti à travers ce deuil. Je n'en ai jamais fait part à personne, sauf à ma psy. Pour recadrer, mon mari est décédé en août 2011...
Voilà, j'ai commençé ma psychothérapie en septembre. Un jour de dédembre, après un mois de novembre au fond du trou, une sensation étrange apparaît... Une sensation qui ressemblait à ce que j'ai connu enceinte  Oui, l'impression d'une gestation. Cette gestation ne donnera pas naissance à un bébé mais à la nouvelle-moi !
Comprenne qui pourra. Mais tous ces mois m'ont permis de renaître de mes cendres. Cette impression m'a bouleversée, cette similitude est très troublante mais si vraie.
En même temps, comme mes deux bébés, je me suis reconstruite entièrement seule. La'instinct de survie, la résilience, sont en vous, en chacun, attendant qu'on arrive à les percevoir et les laisser s'exprimer.
Je vous souhaite à tous de ressentir cette nouvelle naissance.

Faire de cette épreuve un passage vers une autre vie qui peut être tout aussi belle, voire plus belle.

Bises à tous.

Aeris, c'est une très belle image, qui réveillera mon complexe du kangourou...
Bises

Bonsoir, pour rappel, j'ai perdu mon doudou le 26 novembre dernier après 25 ans d'amour et 36 jours de souffrances. Cela fera 2 mois samedi. J'ai 45 ans, il en avait 47. À vous lire, je devrais aller mal. Je sais très bien que mon travail de deuil est loin d'être terminé et je l'accepte. Mais je vais bien. La solitude est certes pesante, mais je l'apprivoise. Le chagrin est très présent, mais il fait partie de moi maintenant et je l'accepte. Mon principe est : personne n'a jamais dit que la vie serait facile. Le jour où on naît est le premier pas vers notre mort, mais aucune date ne peut être donnée.
Dans ma vie avec mon amour, je n'ai aucun regrets. Nous avons eu une vie commune formidable et fondé une magnifique famille avec 3 enfants. Que du bonheur! Nous avons profité un maximum l'un de l'autre. J'estime que nous avons eu beaucoup de chance, d'autres vivent malheureux toute leur vie.
Bien sûr que chaque disparition est un drame et nous change profondément, un tsunami qui nous submerge. Mais la vie est là pour nous. Je trouverais dommage pour ma part de ne pas en profiter à fond. Il est vrai qu'il est compliqué de se projeter dans l'avenir. Mais alors pourquoi le faire? Un jour l'un après l'autre, un pas l'un après l'autre, et j'avance. Oui, j'avance. Et je vais bien.
Courage à tous
Corinne