Pendant cette semaine, je me suis accroché à cet "espoir", à cette étincelle de vie qui lui restait, J'avais besoin d'en parler autour de moi. Tous les soirs j'allais dans le bar de mon quartier, dont les patrons sont aussi des copains et des confidents. La patronne surtout, qui ne manque pas d'empathie, me passait continuelement, sur ma demande deux chansons: "je te retiens", d'Hélène Segarra, et "prends ma vie", de Johnny Hallyday, que voici
https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=d__zbZp3dG0 https://www.youtube.com/watch?v=7f9da65phOw&feature=player_detailpage Je leur serai toujours reconnaissante.
C'est donc lors de ma dernière visite à l'hôpital que je lui ai dis, je pense, adieu sans en être pleinement consciente.
Quant je suis allée le voire le 02 mai, vers 3H de l'après-midi, je pensais que son état était toujours stable-on n'avait rien pus me dire de plus positif, je crois qu'on avait compris que je ne voulais pas en entendre davantage-mais j'avais tout de même une boule dans l'estomac parce-que je savais qu'il y avait une possibilité qu'on m'annonce le pire. Une "possibilité", je voyais ça comme ça, et même, je n'y croyais pas
ça ne pouvait pas arriver, pas à lui, pas à moi...
Quant je suis arrivée devant l'unité de soins palliatifs où il ètait, l'infirmière avec qui je m'ètais déjà entretenue m'a tout de suite emmenée dans son bureau. J'ai compris que quelque chose de grave ètait arrivé, mais je ne pouvais toujours pas croire au pire. Elle a finit par me dire, très simplement, avec un regard compatissant: "C'est que...il est décédé ce matin à 10H30." Ces mots, ce regard, ces intonations ne me quitteront jamais.
J'avais vu dans les films des personnes apprenant la perte d'un être cher se cacher le visage et pleurer en criant: "Non, c'est pas vrai! Je ne vous crois pas!" Et je m'ètais toujours dis: "On voit bien que c'est du cinéma, on ne se conduit pas comme ça dans la vraie vie, c'est impossibe: on le sais bien, que c'est vrai, et moi je ne pourrais pas juste rester assise à pleurer, en restant droite, je m'effondrerais par terre en hurlant." Hé bien, non: c'est exactement comme ça que les choses se passent, je peux en témoigner. On ne se roule pas par terre, on ne hurle pas, on ne se débat pas. C'est une souffrance indescriptible, mais on reste digne, "vivant" en apparence.
Quant j'ai entendu ces mots, j'ai vu brièvement l'image de mon ami, sur son lit d'hôpital, dans ma tête, puis j'ai compris, et je me suis effectivement caché le visage dans mon ècharpe en sanglottant: "Non, c'est pas vrai! Je ne peux pas croire ça! J'y crois pas!" Je cherchais une èchapatoire: c'ètait peut-être une erreur, ou peut-être qu'on l'avait transferré ailleurs, n'importe quoi...et il n'y avait aucune èchapatoire, j'ètais prisonnière de cette réalité irréversible. Il a suffit que l'infirmière me touche gentiment le bras pour que les quelques secondes de déni passent. Je suis restée droite effetivement, même si je pleurais-maintenant je comprenais pourquoi on est obligé d'agir ainsi. La vie s'arrête, et en même temps elle continue et on doit faire face.
Cette jeune femme a été très gentille avec moi-après, elle est formée pour, elle m'a même confié que ce n'ètait jamais facile-mais j'ai sentis une vraie compassion chez elle. Elle m'a dit qu'il ètait partis paisiblement, qu'il ne s'ètait jamais reveillé, n'avait jamais sus ce qui lui arrivait et n'avait pas souffert. Elle a dit qu'il avait peut-être pus m'entendre, sentir ma présence, ce qui m'a mis du baume au cœur malgrès cette peine qui n'est comparable à aucune autre.
Quant je suis sortie de l'hôpital, j'ètais sonnée, mais j'avais besoin de marcher-il paraît que c'est normal-continuellement, d'ailleurs je n'ai pas arrêté pendant des semaines, c'ètait un besoin viscéral, un réflexe de survie j'image pour m'empêcher de sombrer. Je pleurais en marchant tel un zombie, mais je marchais quant même, mon deuxième besoin impérieux étant d'en parler au plus grand nombre de personnes possible. Certaines personnes comprenaient rien qu'en voyant l'expression de mon visage. Continuer à avoir les gestes du quotidien, et, encore une fois, pouvoir annoncer la nouvelle aux gens en restant digne-sans vouloir me vanter, une partie de moi voulait survivre, c'est la principale raison-je pensais que tout ça aussi c'ètait impossible: du cinéma...et pourtant non, on vit, on arrive à avoir ces paroles, ces gestes...
Voilà pour ce qui est du pire de cette èpreuve, ce début de deuil. Pouvoir l'ècrire, même si c'est difficile, prouve que je suis encore vivante et que je peux vivre avec ce souvenir. Je me dis parfois que si j'ai survécu à ça, je pourrais survivre à tout, et pourtant, paradoxalement, des évènements bien moins graves-sans aucune comparaison même-m'affectent beaucoup. C'est comme si j'ètais à la fois plus forte-dans le sens où je réagis à ce deuil le mieux possible-qu'avant, et plus fragile, c'est ètrange...mais je fais face de mon mieux :
Mon témoignage donc...
Dernière petite chose-pour finir sur une note positive: le soir même de la mort de Pierre, je suis allée dans ce bar en face de chez moi, et la patronne a demandé une minute de silence à un moment donné, et a dit: "Hommage à Pierrot! Et largement! Il le mérite!" Et elle a passé la chanson de Renaud "chanson pour Pierrot" c'est adorable de sa part