Il y a une autre chose dont je souhaitais parler sur ce forum, depuis longtemps: c'est de ces gens qui confondent-sans se rendre compte, le plus souvent, de ce que ça a de blessant-les personnes que nous avons connues et aimées, et qui ne sont plus de ce monde, et les autres, qui sont toujours en vie, mais dont nous sommes séparés pour d'autres raisons. Ceux qui raisonnent ainsi se disent que ce sont, dans les deux cas, des "peines de coeur" dont on se remet tôt ou tard, que c'est pareil puisque, nous souffrons d'être séparés d'un conjoint, d'un amour, quelles qu'en soient les causes...

rien n'est plus faux. Bien sûr, une séparation est, le plus souvent, très douloureuse, mais le véritable deuil est différent.
Il y a effectivement un processus commun dans les deux cas, et, dans le cas d'une rupture, la douleur peut être très intense, accompagnée d'ailleurs d'un sentiment de vide, de manque; on peux même se dire qu'on n'aimera plus jamais, ou en tout cas plus autant. Il y a donc des similitudes, mais les personnes ayant connu les deux savent bien que le traumatisme dû à la mort d'un grand amour laisse bien davantage d'echos en nous qu'une séparation "autre". Oui, on "fait le deuil" d'un amour-ou d'un ami-perdu dans les deux cas, mais la comparaison s'arrête là.
Pour ma part-et je sais que je ne suis pas la seule-ce genre de réflexions m'a toujours blessée. Je me souviens (et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, ils se ressemblent tous

) que peu de temps après avoir emmènagé avec Jean-Philippe, j'ai entendu une connaissance à moi èvoquer des hommes que j'avais prècèdement aimés, citant des noms-dont celui de Pierre-et en parlant comme "des ex"

ce qui m'a offensée est d'entendre le prénom de Pierre parmi les autres, comme s'il n'y avait aucune différence. Non, il ne fait, et ne fera jamais partie de mes ex, pas plus que Jean-Philippe d'ailleurs, maintenant que lui non plus n'est plus là. Pourtant, je l'entend encore quelquefois: ton, tes ex...je rectifie toujours, même si je doute que mes interlocuteurs comprennent.
Il y a des mots, des phrases que l'on accepte vis-à-vis d'ex-amoureux, mais pas concernant ceux qui sont décédés."Oublier" (je mets ce mot entre guillemets, parce-qu'en vérité nous n'oublions jamais rien; dans le cas de personnes toujours de ce monde, ça signifie plutôt y penser rarement, ou d'une manière détachée), tourner la page, passer à autre chose, etc...ces deux dernières expressions peuvent s'appliquer durant un vrai deuil, mais elles n'impliquent pas la même chose, c'est-à-dire ce vrai détachement vis-à-vis de ceux qui sont toujours vivants, mais que nous n'aimons plus d'amour. En revanche, quand il s'agit d'un deuil, je peux témoigner qu'il n'y a pas cette notion de détachement, de sentiment amoureux éteint. On dit, quand quelqu'un connait ce qu'on appelle un chagrin d'amour (autre terme que je n'emploirais pas pour un deuil), qu'après "ça fait de jolis souvenirs"...c'est exact, mais pas quand il est question de la mort physique d'un amour

ce genre de paroles seraient bien trop lègéres quand on a vécu ce traumatisme.
Non, ce n'est pas en ces termes, et je pense que toute personne ayant vécu un tel deuil verra ce que je veux dire

pour ma part, je garde les plus beaux souvenirs de mes compagnons décèdés, j'honore leur mémoire de plusieurs manières, et, loin de me sentir détachée (comme je le suis vis-à-vis d'autres hommes que j'ai aimés), je ressens toujours cet amour dans mon coeur, ce lien si particulier aussi

les autres ont aussi fait partie de mon chemin de vie, chacun y a eu une place spécifique, mais comme c'est la vie, et non la mort, qui nous a séparés, l'expèrience-et ce qu'il en reste-sont sans commune mesure. Difficile à expliquer à ceux qui mettent les deux sur le même pied d'égalité. Ca fait partie des petites phrases dont on se passerait bien

heureusement qu'il y a quant même des personnes, plus subtiles que d'autres, qui comprennent...il faut juste savoir à qui on s'adresse.