Pour en revenir à cette matinée où j'ai été chez mon ami Jean-Louis, on s'est assis à table tous les deux, et on a bu un verre de sangria-la boisson qu'il prèfèrait-en parlant de nos deuils respectifs, qui étaient survenus à si peu d'interval. Je lui ai confié-après avoir expliqué les circonstances du dècès de Jean-Philippe-que le plus dur, c'était les habitudes qui m'étaient resté, le reflexe de me tourner vers l'endroit où il ètait toujours assis de son vivant, de commenter ce qui passait à la télé, de sortir deux tasses le matin, par reflexe...il a très bien compris. Il m'a dit que lui, c'était pareil: il avait presque toujours vécu avec sa mère, et il avait le plus grand mal à perdre les petites habitudes qu'il avait de son vivant à elle, au quotidien. L'appartement lui paraissait horriblement vide, il tournait en rond, il ètait complètement désemparé...comme quoi tous les deuils se ressemblent, que ce soit la perte d'un conjoint, d'un parent ou autre.
IL m'a montré des photos de sa mère, des albums de famille, des bibelots qu'elle aimait, en contant les petites anecdotes qui allaient avec. Je ne comprenait que trop. On s'est vraiment ouverts l'un à l'autre, et parler de toutes ces similitudes du deuil nous ont permis de nous sentir un peu moins seuls
il m'a dit que sa mère allait visiblement moins bien depuis quelques temps, mais qu'elle refusait obstinément de voire un médecin. Lui, il ne voulait pas la contrarier, et il prenait soin d'elle autant quy'il le pouvait. Ca aussi, je comprend: moi c'était pareil. Quand une personne que l'on aime nous dit que "ce n'est rien, ça peux aller", on ne demande qu'à la croire
on regrette après, on s'en veux, on voudrait bien pouvoir revenir en arrière, mais je sais maintenant que c'est humain
quand il y a peu de symptômes, on veut croire l'autre, et on y croit parce-qu'on refuse de penser au pire: c'est inenvisageable.
A ce propos, Jean-Louis a connu, lui aussi, ce qu'on peux appeler "les petites phrases dont on se passerait bien"
cette bonne femme qui s'en ètait prise à moi juste avant, je me souviens que quelques jours plus tôt, alors que Jean-Louis parlait de la mort de sa mère, elle avait eu la cruauté de lui dire, et d'un ton qui n'exprimait aucune compassion, bien au contraire: "Tu aurais dû forcer ta mère à voire un médecin, tu aurais dû la traîner à l'hôpital, de gré ou de force. Je ne dis pas que tu l'as tuée, mais..." Mais...elle le disait quand même, mine de rien
il a dû beaucoup souffrir de cette cruauté gratuite
toutes les personnes à qui j'en ai parlé, par la suite, ont été aussi choquées que moi. SAns compter que même légalement, on ne peux pas contraindre une personne à se soigner...
Jean-Louis m'a dit que quand sa mère a eu un malaise, il a, comme moi, tout de suite appelé les secours, et qu'on a tenté trés longtemps de la réanimer. Son corps battait à nouveau, on l'a amenée à l'hôpital en urgence, mais elle ne s'est pas réveillée (cette partie du récit m'a fait pensé à ce qui est arrivé à PIerre). Le lendemain, l'hôpital l'a appelé, et on lui a annoncé, trés gentiment, le décès de sa mère. "Le plus dur pour moi, c'est que je n'ai pas pus lui parler, m'a-t-il dit. Je n'ai pas pus lui dire que je l'aimais, ni elle non plus." Je lui ai répondu qu'elle le savait bien.
Oui, cette conversation nous a fait du bien à l'un comme a l'autre, je le sais. Et quand je suis rentrée chez moi, je ressentais un petit mieux-être, même si j'avais de la peine pour cet ami qui avait toujours été là pour moi, en plus de mon propre deuil. Il m'a dit par la suite que ç'avait été pareil pour lui