Merci tout le monde, je me sens moins seule, hélas pour nous tous, mais j' ai les nerfs à vif en ce moment, moi qui étais inébranlable, un mur, rien ne m' affectait. J' étais une humble personne, pacifique, non violente et laissant aux autres le soin de s' énerver, je restais impassible.
Avant je me disais aussi: je suis bien assez grande pour savoir ce que je veux, ce que je vaux et où je vais alors les "bons conseils des autres", qu' ils les gardent pour eux, ils en ont plus besoin que moi.
Dans ma tête je me disais aussi: chante, chante rossignol, deux couplets en anglais et trois en espagnol etc, la chanson d' Hugues Aufray. Enfant, je n' ai jamais accepté l' autorité de mes parents, je ne vais pas accepter l' autorité des autres maintenant! Bref, peu importe ce que les autres disent et pensent de moi ça ne m' intéresse pas.
Mais le deuil de mon mari a tout fait voler en éclats: je suis énervée, je m' emporte facilement, je pleure sans arrêt, je me lève tard moi qui étais une couche-tôt-lève-tôt. Je ne cuisine plus, le ménage, c' est le strict minimum et je ne repasse plus mon linge, m' en fous si mes tee shirts sont froissés, je suis à la mode!
J' ai une chance inouïe d' avoir mes enfants à côté, disons à peu de kilomètres, donc de garder mes petites filles régulièrement et faire des allers-retours à l' école, je jardine, bref je m' occupe.
J' ai eu des parents nuls mais la vie m' a donné des enfants géniaux, ma fille docteur en pharmacie me soigne et mon fils ingénieur informaticien sait tout faire de ses dix doigts et répare tout ce qui nécessite de l' être. Le ciel m' a comblée avec mes enfants alors que mon enfance n' a été qu' ennui, froideur, distance, et gueulantes avec deux parents caractériels. Finalement je suis gagnante au change.
Avec mon mari on faisait une équipe, nous n' étions pas fusionnels, deux opposés même. Mais le chagrin est le même que le vôtre, c' est le lien qui fait le deuil m' a dit le psychiatre. S' il n' y avait que la mort de mon mari, je l' aurais acceptée enfin il me semble que je me porterais mieux, or, il a souffert le martyre, ce n' est pas vrai que la douleur est bien prise en charge de nos jours, la morphine même en surdosage et le reste ne le soulageaient pas, le personnel médical a attendu qu' il soit en phase finale pour le plonger dans le coma car les médecins estimaient que tant qu' il pouvait communiquer avec moi il fallait maintenir ce lien mais au prix de tant de souffrances! Je l' ai vu tellement souffrir, claquer des dents, délirer, s' accrocher aux barreaux pour essayer de s' échapper et j' en passe. Il est mort sans aucune métastase, sans rien aux poumons, ni au foie, ni au cerveau ni ailleurs, pas de cholestérol, ni diabète, ni hypertension, rien, vous lisez bien rien, seulement une tumeur à la vessie qui a fait occlusion totale: vessie et colon, du coup il n' a plus pu être alimenté de quelque forme que ce soit, donc mon mari est mort de faim et de soif au bout de 14 jours qu' un être humain peut tenir dans ces conditions. Voilà, ce qui me harcèle dans mon chagrin, sa souffrance et sa mort indigne, immonde et la douleur qu' il a endurée.
Merci de m' avoir lue, je sais vous aussi vous souffrez, vous avez vos peines, mais je me sens moins seule avec votre soutien. Bisous du sud sous la canicule.