6 mois mon amour… 6 mois depuis que je t’ai perdu et que j’ai tout perdu avec toi. Tu es mort et je ne vis plus, je ne sais même plus qui je suis, d’ailleurs je n’ai pas envie d’être qui ce soit sans toi. A quoi ça sert sans toi ? Sans ton sale caractère, sans ton rire, sans ta force, sans ton insouciance, sans tarte au citron m’ringuée, sans nous endormir comme deux vieux sur le canapé, sans ta belle barbe rousse, sans la maison qu’on aurait trouvée et refaite du sol au plafond… J’avais rêvé avec toi de cette maison, on était au tout début de nos rêves ensemble, à quelques semaines de tout inventer ensemble. Sans savoir, sans comprendre qu’il n’y aurait jamais la maison, le potager, le chien, les poules, les moutons pour tondre la pelouse et le hangar pour bricoler. On allait tourner une page pour en commencer une autre encore plus belle, toi d’ailleurs tu l’avais déjà tournée, depuis un an tu avais déjà la tête dans ce petit coin de Bretagne qui nous attendait. Et voilà qu’enfin c’est possible, je l’ai terminée cette foutue thèse, il ne reste que la soutenance fin Juin. Et je l’ai ce travail, c’est pour le 11 Juillet, tu vas me rejoindre un peu plus tard. Mille questions se bousculent, j’ai peur parce que tu te comportes comme un con ces derniers mois, j’ai peur de te déraciner et que tu m’en veuilles. Mais c’est le cancer qui te ronge de l’intérieur qui parle à ta place, on n’a vraiment rien compris, rien vu venir. Quelques semaines de répit, nos dernières escapades à moto, nos dernières engueulades mémorables, nos derniers moments de tendresse et puis le diagnostic qui se dessine, et puis ton corps qui te lâche, et puis cette bataille de 3 semaines, et puis ce 10 Juillet à 14h10. Tout s’arrête au moment où tout commençait. Pourquoi toi, pourquoi nous, pourquoi à cet instant précis ?
Je te revois ton premier soir à l’hôpital après l’opération, heureux de ne plus avoir mal, je t’entends encore me dire « tu vois, j’ai tenu jusque là », tellement content de toi. Mais moi je ne t’avais rien demandé mon amour, je ne t’avais pas demandé de souffrir pour faire semblant que rien ne se passait dans ton corps. Je ne t’avais pas demandé de me protéger, pas comme ça en tout cas. Rien, il ne me reste rien. Rien qui vaille la peine, je ne veux pas m’accrocher, je ne veux pas aller de l’avant sans toi, juste ne plus jamais vivre un autre jour sans toi. 6 mois c’est déjà beaucoup trop, je n’en veux pas des 60 années qu’il me faudra sûrement supporter sans toi. Pardon mon amour, pardon de n’avoir pas pu te sauver, pardon de ne pas avoir envie de sauver celle que j’étais devenue grâce à toi. J’ai tellement l’impression de t’avoir volé ta vie, d’avoir pris trop de place, j’avais trop besoin de toi et tu n’as pas pu écouter ce cancer qui te rongeait de l’intérieur à cause de moi. Et même si c’était ton excuse pour fuir la réalité, moi j’aurais du voir, moi j’aurais du comprendre à ta place, je m’en veux tellement. Et je ne veux pas vivre à ta place cette vie qu’on aurait du vivre ensemble si on avait été moins cons. Comment te pardonner d’avoir refusé de m’entendre quand je cherchais à savoir ce qui n’allait pas ? Comment me pardonner de m’être laissée entrainer dans ton déni alors que j’avais senti que tout allait de travers ? Comment vivre alors que tu n’as toi plus cette chance, qu’il ne reste de ton sourire que les photos, de preuve de ton passage dans ma vie que la douleur sourde qui m’arrache le cœur ? Je t’aime mon amour, je t’aime et j’ai mal.