Je dois dire que moi aussi, durant les 6 premiers mois qui ont suivis la mort de Pierre, le premier compagnon que j'ai perdu, j'avais très peur de l'oublier un jour (même si je sentais, au fond de moi, que ça n'arriverait pas, j'avais cette crainte malgrès tout, je me disais: "Et si je me trompais?"). Et dès que je ressentais un petit mieux-être, ou lorsqu'il m'arrivait de rire, comme toi, cette crainte ressurgissait. J'avais peur aussi que si cette immense tristesse s'estompait, ça voudrait dire que je ne l'aimerais plus, ou moins en tout cas. Pour moi, cette tristesse, c'était lui d'une certaine façon, et j'avais peur de le "laisser partir", parce-que j'avais la fausse impression que ça voudrait dire que je ne l'aimerais plus, ou plus autant.
Et puis j'ai compris que quoi qu'il arrive, il aurait toujours une place dans mon coeur, une place à part, une place privilègiée. Je l'ai ressentis au plus profond de moi. Alors, je n'ai plus eu peur de laisser agir le processus de deuil, le moment venu, j'ai laissé la douleur s'adoucir graduellement-très lentement, mais c'est comme ça que ça devait être. Il n'a jamais quitté mon coeur, ni mes pensées, je me souviens de lui avec la même netteté 9 ans après, et mon coeur est plein d'amour et de tendresse quand je pense consciemment à lui-je dis bien consciemment, parce-que souvent, je n'ai même pas besoin d'èvoquer des souvenirs; il est toujours là, en arrière-plan.
Et il en a été de même lorsque j'ai perdu Jean-Philippe, le compagnon que j'ai eu après lui. Cette fois, je comprenais mieux le processus du deuil, et surtout je savais, par expèrience, que jamais je n'oublierais cet autre grand amour (lequel ne m'avait absolument pas fait oublier Pierre d'ailleurs). Malgrès l'horrible èpreuve de ce nouveau deuil, j'ai accepté, le moment venu, les petits rayons de soleil qui èmergeaient de temps en temps, puis plus souvent, et de sentir la douleur s'attènuer peu à peu, à nouveau...et j'avais raison, là encore: je n'ai pas plus oublié Jean-Philippe que Pierre. Chaque amour est différent et unique, personne ne remplace personne, ce n'est pas dans ces termes quoi qu'en disent trop de gens
même quand on aime quelqu'un d'autre, l'amour que nous avons perdu est toujours là, dans notre coeur, c'est un amour différent mais bien réél. Comment oublier un grand amour?...L'acceptation ne signifie pas l'oubli-pour ça aussi, beaucoup de gens ont une fausse impression.
Et même sans parler de refaire sa vie-certains le peuvent, d'autres non, et si ça doit arriver, ça prend du temps-sentir de petites eclaircies dans la souffrance du deuil ne veut pas dire ne plus aimer celui, ou celle, qui est parti(e)
ça fait partie du processus. Je suis sûre que toi non plus, tu n'oublieras pas, ce qui ne signifie pas non plus devoir souffrir toujours. Tu as le droit d'acceuillir toutes les èmotions, y compris les instants de répit. Tu ne la trahis pas, c'est ce qu'elle aurait voulu.